Après notre essai de la Hyundai Ioniq 5 N, les lecteurs d’Automobile Propre semblent divisés sur la notion de plaisir de conduite. Qu’en pensez-vous ?

Donc, j’ai roulé en Hyundai Ioniq 5 N… À savoir, la voiture électrique qui entend offrir des sensations de véhicule thermique sportif avec une vraie-fausse commande de boîte de vitesse et un son de moteur artificiel.

Vous pouvez lire mon premier compte-rendu sur Automobile Propre (ma tête parle pour moi) :

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Vous pouvez aussi découvrir mon analyse technique un peu plus approfondie par ici :

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Si vous le voulez bien, je souhaiterais que nous ouvrions ensemble une réflexion.

Un plaisir de conduire « vieille école » ?

A mes yeux, il y aura toujours une clientèle pour des véhicules qui offrent un peu plus qu’un simple mode de transport pour aller d’un point A à un point B. On a le droit de trouver cela puéril, stupide ou irrationnel, comme Emmanuel en commentaire de notre vidéo sur Youtube (édité pour plus de clarté) :

« C’est bien pour les petits garçons qui aiment faire « vroummm vroummm » …. Et qui ont du mal à grandir sans pollution sonore. Vive les petits enfants, le royaume des cieux leur appartient… »

Je suis en désaccord, car je considère la conduite ou le pilotage comme un loisir aussi honorable que le bowling, la collection de boîtes de camembert, le base-jump, la cuisine thaï, la création de Tour Eiffel en allumettes, le sexe, les mangas, le cinéma nouvelle-vague, la peinture, la flûte, le naturisme ou le bricolage…

Dans tous ces univers, ce sont les sens qui sont sollicités : la vue, le toucher, l’ouïe… Pour moi (et quelques autres), conduire est une sensation plaisante et parfois difficile à expliciter. Placer son regard avant la courbe, sentir par les retours du volant et le fessier la limite d’adhérence, écouter le son du moteur pour savoir s’il est temps de changer de rapport, etc.

Grâce à mon métier – je mesure chaque jour ma chance – je peux me remémorer quelques grands moments de conduite : l’incroyable direction hydraulique d’une McLaren sur une petite route de l’Ain, l’impression de faire corps avec une voiture à bord d’une Caterham 485 R, le ressenti d’un train arrière s’allégeant en entrée de courbe à bord d’une Alpine A110, le toucher de la commande de boîte d’une Honda Civic Type R. Mais aussi l’odeur d’essence émanant d’un Lada Niva ou la joie d’être sévèrement attaché puis secoué dans une Skoda de rallye (électrique !) dans une épaisse forêt tchèque.

Découvrir ces impressions me fait sentir comme si ma rétine percevait de nouvelles couleurs. Ou comme si je développais subitement un odorat de chien, flairant des senteurs jusqu’ici inconnues à mon cerveau.

Vous l’aurez compris, cela va bien au-delà du simple chiffre sur un 0 à 100 km/h ou la volonté d’impressionner quiconque. Dans cet article, nous appellerons ce que je viens de décrire comme la conception « classique » du plaisir de conduire.

Artificiel ? Oui, mais…

D’où mon trouble face à la Hyundai Ioniq 5 N. Voici une voiture qui entend rendre les sensations d’une sportive thermique avec force artifices électroniques. En plus, elle pèse 2 250 kg ! Adieu MX-5, Lotus, Alpine…

Mais dans la pratique, comme vous pouvez le constater dans la vidéo, on oublie très vite que ces passages de rapport sont faux ou que ce bruit de moteur n’est pas 100 % convaincant…

Me voici tel Schwarzenegger (toutes proportions gardées) se demandant si ses souvenirs sont véritables dans le film Total Recall… D’autant que nombre de confrères français ou étrangers sont revenus de leur essai avec une impression semblable.

Ajoutons simplement qu’il n’y a pas que des artifices dans la Ioniq 5 N. Disques de 400 mm à l’avant, renforts de châssis, colonne de direction révisée… Le constructeur a fait les choses avec sérieux pour apporter de vraie plus-value côté sensations et performances.

Et là où l’on peut saluer Hyundai, c’est sur le fait que la marque ait pris au sérieux cette question du ressenti. Notamment en recrutant nombre d’ingénieurs spécialisés adeptes de cette école comme Albert Biermann (ex-BMW Motorsport) ou Tyrone Johnson (ex-Ford RS). Ces personnes ont infusé un esprit différent, tourné vers cette conception « classique » du plaisir de conduite.

Mais elle pose question : nos sens nous trompent-ils à bord d’une telle voiture ? Et ce que nous prenions pour un lien direct avec la mécanique et la route n’était-il qu’une illusion ?

Cela n’est pas nouveau. Vous le savez peut-être, la plupart des sportives thermiques « travaillent » depuis longtemps leur son avec clapets, répétition dans les enceintes, etc.

D’autres conceptions du plaisir automobile…

Mais il existe probablement autant de conception du plaisir de conduite que de conducteurs ou de conductrices. Cela se lit d’ailleurs dans vos commentaires.

Ainsi, pour Tryagain dans les commentaires du site, le cocon protecteur d’un VE est un plaisir…

« J’ai aussi acheté un VE pour le calme dans l’habitacle ! Alors là…

C’est un peu comme si habitant dans une campagne bien calme, tu te passais une cassette de bruits de mobylette (ou autre) dans ta maison, histoire de te rapprocher un peu de « la civilisation » »

Pierre Desjardins, rédacteur en chef de ce site, prend plaisir à chiner des jantes et rouler avec un œuf sous le pied pour établir des records de (faible) consommation.

Certains aiment bricoler la mécanique et avoir du cambouis sur les mains. Certaines sont fascinées par la technologie des batteries et lisent de savants rapports. D’autres éprouvent du plaisir en écoutant leur musique préférée à fond au milieu des embouteillages.

De surcroît, chaque individu ressent des envies différentes selon les moments. On peut se délecter du bon fauteuil d’une berline pour relier Rennes à Perpignan. Puis prendre plaisir, volant de roadster en mains sur une petite route rythmée du Jura…

La beauté de notre époque réside peut-être dans le fait qu’une voiture comme la Ioniq 5 N nous propose les deux… tout en retranchant une bonne partie des externalités négatives comme les émissions directes de CO2. Comme le résume Sadomario (?!) sur Youtube à propos de la Hyundai :

« Ça paraît rigolo en mode “conduite énervé” mais pour le quotidien boulot/maison rien de mieux que le silence et une bonne sono »

Et vous, quelle est votre conception du plaisir de conduite ? Et comment cela influe-t-il sur vos choix automobiles ?