C’est l’été et une question revient inlassablement : peut-on voyager en électrique ? Alors que toutes les investigations se portent sur les autoroutes, nous avons décidé de reprendre le chemin des écoliers, sur la mythique Nationale 7 historique !

C’est bien connu, l’autoroute est l’ennemie de la voiture électrique en matière d’efficience et donc d’autonomie. Mais il convient d’avouer qu’on ne fait rien de plus agréable pour rejoindre rapidement sa destination. C’est pour cela qu’elle convient à la très grande majorité des automobilistes pour leurs différents trajets, au quotidien comme sur la route des vacances.

Vouloir comparer l’autoroute à la route nationale est aussi stérile que de comparer une voiture thermique à une électrique : les usages ne sont pas les mêmes, chacun présentant des avantages et des inconvénients. Mais voilà, l’idée que la voiture électrique pourrait remettre sur le devant de la scène les réseaux secondaires fait son chemin à la rédaction d’Automobile Propre. C’est d’ailleurs le thème abordé par Éric avec son récent billet Zone Verte.

Car la représentation a de quoi séduire sur le papier. C’est sur route que les consommations d’une voiture électrique peuvent se montrer les plus favorables, avec des vitesses d’évolution bien moins élevées. De quoi faire voler en éclat toutes les questions autour de la recharge, qui passe d’autant plus au second plan qu’elles pourraient ne pas être subies : faire le plein ou l’appoint pendant une pause, voire de nuit dans un gîte ou un hôtel, est possible. Dans ces conditions, charger sa voiture sur la Place du Presbytère du coin fait partie du voyage. Le faire alors que l’on fonçait sur l’autoroute est moins appréciable et très généralement la somme de galères innommables.

De la théorie à la pratique

Mais au-delà de la plume poétique de mon confrère, nous avons décidé de passer à la pratique. L’exercice ? Relier Paris à Menton par la Nationale 7. Et pas n’importe laquelle, puisque nous avons fait le choix d’emprunter le tracé historique, tel qu’il était avant tous ses déclassements et l’apparition de portions de voies rapides. Une sorte de pèlerinage sur les traces de nos pairs, ou nos pères et mères, sur un bandeau de bitume de 1 000 km qui mène jusqu’au poste-frontière, face à la mer.

Le choix de la monture n’a pas été bien compliqué, et la nouvelle Renault Megane e-Tech est rapidement sortie du lot. Et ce ne sont pas tant ses qualités routières déjà observées lors de notre Supertest que sa carte d’identité qui nous a attirés : une voiture française, fabriquée en France, apte à fouler l’un des patrimoines français. On ne pouvait pas pousser plus fort chant du coq que ça. Et l’animal esquissé à la base du pare-brise est là pour nous le rappeler. Mais l’idée sous-jacente était aussi de démontrer que, comme à l’époque, les voyages avec une « petite » voiture sont tout aussi envisageables. Avec 4,21 m de long, la Megane est certes un mastodonte à côté des 4 CV (la puissance fiscale de l’électrique, tiens donc) et Dauphine qui ne craignaient pas la N7, mais elle figure plus du côté des plus petites électriques que des plus grosses.

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Bien sûr, vous nous ferez remarquer que ce choix à ses limites. La Megane est sans doute un peu étriquée pour un voyage en famille, d’autant que nous n’étions que deux, pour un périple de quelques jours seulement. À quatre avec toutes les affaires pour des vacances réussies, ça serait une autre histoire. Mais nous ne manquerons pas de le faire lorsque nous le pourrons : nous serions ravis de faire la N7 à sept en Ioniq 7, mais ne comptez pas sur nous pour faire toutes ces bornes en Cupra Born avec Elisabeth Borne…

La Nationale 7, une belle oubliée ?

S’il est admis que toutes les routes de France démarrent du Point Zéro sur le parvis de Notre-Dame, la Route Nationale 7 débute un peu plus loin. Administrativement en tout cas, c’est à la Porte d’Italie, juste au-dessus du périphérique, que s’ouvre la route, désormais classée D7 ici. Un point de départ tristement anonyme, puisqu’aucune plaque signale le kilomètre 0 de cette route filant vers l’Italie.

Dès le début, la Nationale 7 montre qu’elle a bel et bien été oubliée au profit du trio A6/A7/A8 menant vers l’Italie. Et on en a rapidement pour preuve les innombrables garages en décrépitude, les hôtels fermés ou les carcasses d’anciennes qui bordent cette route. Autant de signes caractéristiques qui montrent que vous êtes sur la bonne voie. Car au premier abord, il semble assez difficile de s’y retrouver sur cette route déclassée à plus de 60 %. Dès lors, même le GPS de la Renault Megane e-Tech concocté par Google ne peut suivre le trajet historique, préférant les raccourcis modernes, même en écartant les péages et autoroutes dans les paramètres.

Reste que les nouvelles routes portent toujours en elles la nostalgie de la 7, à l’image des D607, D2007, D307 ou même les M6007 et D6007 qui bouclent le périple entre Nice et Menton. Toutes sont parfaitement lisibles sur l’instrumentation numérique de la Megane, réduisant le risque de se tromper. Les D7n et D N7 en Provence et dans les reliefs du massif de l’Esterel, elles, ne laissent aucun doute. Un choix des collectivités locales pour préserver la mémoire de cette route. Tout comme le choix de ceux qui s’affairent à donner une seconde vie à l’activité locale, en réouvrant les portes de relais oubliés ou en maintenant l’activité des plus vieilles stations-service.

Lapalisse Électrique

C’est le cas du Relais des 200 bornes, à 200 km de Paris, ressuscité en 2016. Une étape de choix qui, comme à l’époque, offre le couvert aux voyageurs, alors presque à mi-chemin d’une première journée de route. Car oui, il faut du temps pour s’extirper de la région parisienne, même en dehors des voies rapides : à ce stade, cela fait déjà 3 h 45 que nous roulons ! Mais quand les anciennes profitaient de l’étape pour faire le plein, la Megane ne regrette pas l’absence de bornes à ce relais : la moitié de son « plein » n’a pas encore été consommé !

Toutefois, nous pensons intimement qu’une poignée d’unités de 50 kW DC ou de 22 kW AC pourrait séduire quelques voyageurs sur la N7, ou même sur l’A77 toute proche. Ramener les conducteurs modernes vers l’héritage que nous laisse la N7, voilà une bonne idée. Ça serait aussi une occasion unique de faire des rencontres autrement plus chaleureuses que dans les aires de repos au rythme industriel. Et aussi bien plus enrichissantes que de passer son temps à scroller sur son smartphone en attendant la fin de la recharge au point de friser la crampe du pouce.

Même conclusion à Lapalisse, capitale du ravitaillement sur Nationale 7, où se trouve la non moins célèbre Lapalisse Essence. Une station inaugurée en 1947 et toujours en activité à l’heure actuelle ! Portera-t-elle un jour le nom de Lapalisse Électrique ? Rien n’est moins sûr. Il faudra donc en attendant se contenter des rares bornes présentes dans le coin. Dire que l’on passe son temps à chercher des bornes et à recharger en électrique n’est pas une lapalissade. Sauf à Lapalisse, un comble, qui ne dispose que de deux points de recharge 22 kW avec une borne posée sur des blocs de pierre bricolés devant le bistrot du coin, mais à deux pas du somptueux château de La Palisse, ou d’une eBorn isolée (50 kW DC, 44 kW AC), à côté de l’aire des Vérités. Suffisante pour faire l’appoint avant de rejoindre Lyon. Ou Saint-Étienne, pour ceux qui préfèrent emprunter le tracé de la véritable « Route Bleue », entre Lapalisse et Annonay, portant le total à 992 km très exactement, contre 996 km par Lyon. Dans les deux cas, il y a l’embarras du choix pour se recharger en une nuit : bornes des hôtels (pas tous, toutefois), des parkings ou sur la voie publique (Electra, CNR ou Izivia à Lyon, Allego ou eTotem à Saint-Étienne), il y a de quoi faire.

Partir avec son câble et son couteau

Tout comme sur la seconde partie après la capitale des Gaules, qui nous mènera directement à Menton. Mais ici, du moins avant d’arriver aux 183 virages du massif de l’Esterel (c’est plus qu’au Nürburgring), les consommations tombent au plus bas avec un dénivelé négatif. Nous avons pu effectuer plusieurs dizaines de kilomètres dans la Vallée du Rhône sans jamais passer au-dessus de la barre des 12 kWh/100 km (une conso’ de 11,6 kWh/100 km très exactement, conservée sur plus de 70 km) ! Pas de quoi nous laisser profiter de la borne SDED avec une vue imprenable sur la centrale de Cruas-Meysse et sa gigantesque fresque, qui produit 40 % des besoins électriques de la région Auvergne-Rhône-Alpes. C’est du « direct producteur ». Voilà ce que pourrait afficher cette borne lente (22 kW AC max), à l’image des nombreux cabanons en bord de route.

Car c’est aussi ça la Nationale 7 : des lignées de producteurs locaux qui proposent aux voyageurs fruits, légumes et autres produits du terroir, frais et bio, pour faire le plein ou l’appoint d’encas sur la route. À l’appoint d’huile que promettaient de nombreux garages (la Megane n’en veut pas, de toute façon), préférez faire le plein d’huile à Puget-sur-Argens, capitale de l’huile d’olive. N’oubliez pas d’emporter de l’ail en traversant Piolenc, capitale de la gousse, ou des citrons, de Menton, qui en est la capitale reconnue. On n’oubliera pas non plus les petits plaisirs coupables des sucreries, avec les nougatines de Nevers, les nougats de Montélimar, ou les calissons d’Aix. Et pour les amateurs de fromages et de breuvages, la liste est longue, les 15 départements traversés ayant beaucoup de plaisirs gustatifs à offrir. Bref, le coffre de la Megane pourrait se montrer juste avec les plus gourmands. Dites, elle est vraiment utile cette bouée Bob l’Éponge là ?

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Voilà une belle façon de se façonner son déjeuner qui, idéalement, sera pris, couteau à fromage en main, au frais sous les platanes, au bord des routes ombragées. Avouez que l’image est autrement plus attirante que l’insipide club sandwich avalé sous le soleil et sur le béton cuisant d’une aire de repos pendant une recharge imposée, non ? L’avantage, remarquez, est que ceux qui aiment réchauffer leur repas pourront le faire à la seule force du soleil. Dans les deux cas, oubliez la méthode de grand-père, qui consistait à poser quelques minutes sur la culasse encore bouillante son casse-croûte enveloppé : non seulement il est inutile d’ouvrir le capot de la compacte (pas de frunk), mais le chargeur est froid. Surtout que là, il est rarement sollicité.

La haine 7

Mais un voyage par la Nationale 7, aussi enchanteresque soit-il, en électrique comme en thermique, n’est pas de tout repos. Mais ce n’est pas tant la vitesse moyenne scindée en deux par rapport à l’autoroute, que les conditions de circulation qui peuvent venir à bout de la patience des plus passionnés de conduite. Rassurez-vous, lorsque nos contemporains sont à l’arrêt sur l’A7 voisine, tout roule sur la N7. À tel point que certaines municipalités et collectifs d’anciennes se remémorent la belle époque en créant délibérément des embouteillages. Mais avec des voitures de collections. À ne pas rater, si vous le pouvez !

Mais il faudra tout de même prendre son mal en patience régulièrement, et évoluer au rythme d’autres engins plus gros et lents que soi, tels que les poids lourds ou camping-cars. Être vigilant aux cyclistes qui s’imaginent sur une étape du Tour de France, ou les nostalgiques en cyclomoteurs des années 70, poignée dans le coin à 40 km/h. Anticiper les variations de vitesse constantes, tout comme les gendarmes couchés, les vrais, sinon les radars embusqués, prêts à surveiller le moindre écart de vitesse, « pour votre sécurité ». Suivre le rythme des feux tricolores dans les communes. Et enfin, négocier une quantité indigeste de ronds-points, véritable patrimoine culturel français ! Une fois à Menton, lassés de cette conduite en accordéon, vous serez ravis à l’idée de prendre l’autoroute dans l’autre sens.

Puis vient l’expérience de la recharge, toujours incertaine. Sur le chemin, les bornes ne manquent pas, c’est un fait, et il y en a pour tous les besoins. Avec une puissance maximale de 22 kW sur les bornes lentes compatibles, la Renault Megane e-Tech est bien équipée en matière de recharge (ce qui n’est pas tout le temps les cas). Elle peut retrouver près de 100 km d’autonomie en un peu plus de 30 minutes. Tout en faisant un marché local, en allant au restaurant, pourquoi pas dans un relais routier, ou en pique-niquant, l’exercice ne se fait pas sentir. Mais il s’agit là plus d’une théorie que de la pratique.

Des recharges à bien planifier

Car, paradoxalement, on ne trouve pas toujours la bonne borne au bon moment. Inutile d’envisager un repas sous un platane tout en chargeant, les stèles sont absentes sur les bords des routes. Dans les communes, il convient de bien préparer en amont les arrêts pour cibler les bornes à proximité, et s’y maintenir. Difficile à prévoir sur la route, et assez contradictoire avec un mode de vie où l’on ne court pas après la montre : si vous prenez plusieurs fois le temps d’admirer le paysage, votre feuille de route pourrait être décalée, et il faudra ainsi chercher une autre solution. On a vu plus ludique et agréable comme jeu, sur le thème des bornes. Enfin, nous n’apprenons rien à personne, il faudra aussi trouver une borne où ne stationne pas devant un véhicule thermique, une électrique qui n’est pas branchée ou qui fait semblant de charger (nous avons rencontré les trois cas).

Et puis une borne compatible avec une carte interopérabilité de type Chargemap, qui n’exige pas de passer par un QR code puis un formulaire pour lancer la charge. Nous avons ainsi passé plus de 30 minutes à lancer une charge sur une borne du réseau Wiiz à Cannes (le badge Chargemap ne passait pas malgré la compatibilité annoncée, et l’assistance n’a jamais répondu au téléphone), pour finalement nous apercevoir qu’elle ne débitait qu’un peu plus de 3 kW, sur les 22 kW promis. Un bel échec aussi à Menton, où il n’a pas été possible de lancer la charge d’une borne lente du réseau local Alize. Le badge Chargemap n’a jamais été reconnu, et le site plantait au moment d’entrer ses coordonnées bancaires, une étape obligatoire pour des recharges… gratuites !

Bref, autant de tracas qui vous dirigeront sans doute, facilité du monde moderne, vers des bornes rapides, à l’image de celles d’Electra (à Sorgues) ou des Superchargers Tesla ouverts à tous, en dehors des autoroutes. Mais ces stations sont généralement installées dans des zones commerciales où l’on retrouve les froides enseignes des multinationales, dont le fameux McDonald’s. C’est ça la réalité d’aujourd’hui. Et il faut remarquer que cela pourrait être l’alternative aux voitures qui rechargent plus lentement en courant alternatif, et qui préfèreront le confort de la charge rapide. Dommage, car d’innombrables vieilles stations sont en attente de retrouver une seconde vie un peu plus loin sur les routes. Voyez l’image : une ancienne station Ozo avec son architecture sauvegardée, abritant quelques bornes, avec le relais routier juste en face, où l’on passerait plus de temps à se remémorer le bon vieux temps avec le tenancier, qu’à manger. Ou comment joindre l’utile à l’agréable. Reste à convaincre les comptables…

Douce France

En 1954, Charles Trenet aimait penser en chantant que la Nationale 7 « fait d’Paris un p’tit faubourg d’Valence et la banlieue d’Saint-Paul-de-Vence ». Et ce à une époque où la 4 CV sortait frénétiquement des chaînes de la Régie, prête à prendre la route des vacances avec toute la famille à bord dans un confort somme toute moins soigné que celui de la Megane. Au final, on ne peut pas lui donner tort : malgré les plus de 18 heures passées derrière le cerceau pas tout à fait rond de la compacte, les boulimiques de paysage ne sentiront pas le temps passer à bord de la voiture. Mais avouons qu’au terme du périple, en passant la ligne d’arrivée de manière aussi anonyme qu’au départ (pas un panneau visible ne signale la fin de cette aventure !), la fatigue est tout de même palpable.

La Megane, elle, s’est avérée être une bonne monture pour avaler les kilomètres, avec une position de conduite confortable, un système d’infodivertissement irréprochable et un agrément de conduite appréciable. Enthousiasmante dans les virages de l’Esterel, elle présente un confort plutôt correct, bien que l’amortissement se révèle assez ferme à la longue. En bref, elle est compacte, mais elle a tout d’une grande. Un minimum, avec un modèle d’essai facturé à partir de 44 300 €. Ou 47 750 € avec ses options. Délirant ! Quant aux consommations et recharges, nous aurons l’occasion de faire les comptes dans un prochain sujet.

Pour ce périple, nous avons passé deux jours complets sur la route. Si le cœur vous en dit de vous lancer à l’assaut de la N7 historique, faites tout de même le choix de planifier plusieurs jours de périple. Non seulement il serait assez sot et paradoxal de vouloir faire au plus vite tout en choisissant le réseau secondaire, mais il serait plus regrettable encore de passer à côté de toutes les choses à découvrir tout au long de ces 1 000 bornes. Surtout, en planifiant correctement votre plan de route avec des hôtels ou campings équipés de bornes pour recharger la nuit, vous n’aurez jamais à subir l’exercice de la recharge publique et votre programme quotidien s’en retrouvera d’autant plus libéré, tout en vous évitant de frôler les fastfoods. Aussi, vous serez bien mieux reposés à l’arrivée. Ce qui ne vous empêcherait pas de vous prélasser sur la plage en vous délectant, nous vous le conseillons, des excellentes chroniques de la Nationale 7 signées Thierry Dubois !