Werner Hoyer : « Au lieu de réagir, ils ont préféré attendre »

Interviewé par les médias du groupe de presse allemand RND, Werner Hoyer, le président de la Banque européenne d’investissement (BEI), a vivement critiqué les patrons des entreprises industrielles européennes et plus particulièrement ceux du secteur automobile. « Se sont-ils endormis à la barre ? » s’est-il interrogé en les accusant d’avoir réagi trop tardivement au virage de la mobilité électrique.

Répondant à l’appel d’Ursula von der Leyen, nouvelle présidente de la Commission européenne, la BEI entame sa transition en vue de devenir une véritable « banque du climat ». Et elle entend le faire savoir. Pour marquer son empreinte, son président, l’Allemand Werner Hoyer n’a pas hésité, ce lundi, à secouer les capitaines de l’industrie européenne, soulignant que la lutte contre le réchauffement climatique rendait la transition énergétique indispensable. Après avoir annoncé à la mi-novembre qu’elle allait stopper dès 2022 son soutien aux projets basés sur les énergies fossiles, la BEI prévoit d’investir au cours des dix prochaines années jusqu’à 1.000 milliards d’euros dans l’action pour le climat et le développement durable.

« Au lieu de réagir, ils ont préféré attendre »

Visant en particulier les dirigeants des consortiums automobiles, Werner Hoyer estime que ceux-ci ont réagi trop tardivement à l’avènement de la mobilité électrique. « Il était tout-à-fait clair il y a 15 ou même 20 ans que cette transition aurait un impact considérable, entre-autres sur les constructeurs automobiles. Mais au lieu d’y faire face, ils n’ont pas réagi, et ont préféré attendre » a-t-il regretté.

Evoquant un parallèle avec les difficultés éprouvées naguère par l’industrie européenne du charbon, lorsque les mines fermaient les unes après les autres, Werner Hoyer estime que « nous devons tracer une nouvelle route : personne ne passe du jour au lendemain du travail de mineur à la direction d’une start-up numérique ». Mais la transition vers une économie neutre en carbone peut réussir « lorsque la volonté existe », a-t-il ajouté.

S’il a pris du retard à l’allumage, reconnaissons toutefois que le secteur automobile européen a entamé aujourd’hui son virage électrique. Aiguillonné principalement par Tesla, la plupart des grandes marques ont déjà lancé des modèles électrifiés sur le marché et de nombreux autres sortiront en 2020. L’Airbus des batteries prend doucement son envol : après avoir longtemps hésité, un certain nombre de constructeurs semblent avoir enfin compris l’importance de fabriquer les batteries des véhicules électriques ici en Europe et de mettre en place toute la filière, depuis l’extraction des minerais jusqu’à l’assemblage des batteries et même leur recyclage.

Malgré tout, certains « grands chefs » hésitent toujours et avancent avec des pieds de plomb dans la transition énergétique et électromobile. Espérons que le sermon du président de la BEI ravive leur lucidité, sans quoi ils risquent bien d’enfoncer leurs entreprises dans la crise.