Depuis l’annonce de la suspension de 3 cadres de Renault le 5 janvier 2011, il est extrêmement difficile de comprendre la stratégie poursuivie par la firme. Et plus on connaît de détails, plus on se demande si Renault suit une stratégie ou si le constructeur improvise au jour le jour.
La firme aurait donc reçu une lettre anonyme au mois d’août 2010 l’alertant des agissements douteux de certain(s) cadre(s). On ne connaît pas les détails de ce que révèle cette lettre, mais elle devait être assez crédible pour que Renault charge une compagnie de sécurité privé d’enquêter. Jusque là rien d’inhabituel. Dans ces cas-la, on essaie de vérifier l’accusation, et si elle est confirmée, de réunir des preuves, et si possible de piéger les espions pour les prendre « la main dans le sac ». Cela permet de confronter les accusés, leur faire reconnaître leur culpabilité, et de leur demander de démissionner dans la plus grande discrétion. Affaire terminée.
Or après plus de 4 mois d’enquête, Renault décide d’annoncer la suspension de 3 cadres, sans donner de noms, mais en laissant entendre qu’il s’agissait d’un cas d’espionnage industriel et que la firme craignait que son leadership dans le développement de la voiture électrique soit compromis.
Ces révélations alarmistes allaient évidemment faire la une des médias, et le peu de détails donnés par Renault attisait la soif des journalistes. Pourquoi Renault avait-t-il décidé de rendre l’affaire publique ? Qu’avait à gagner la firme en rendant l’affaire publique ? Pourquoi avait elle donné si peu de détails, alors qu’en cas de crise devenue publique tous les spécialistes de la com’ s’accordent à penser qu’il faut alors une transparence totale. Pourquoi Renault n’a-t-il pas invité les journalistes à une conférence de presse pour répondre à toutes leurs questions et créer un capital de sympathie auprès des médias et du public ? Optimiste, on se disait que Renault avait choisi une stratégie très étonnante, mais que le constructeur devait savoir ce qu’il faisait, puisqu’il avait eu plus de 4 mois pour développer sa stratégie. Cela devait donc être une stratégie béton.
Le 6 janvier, le gouvernement s’en mêle, et le ministre de l’industrie confirme la gravité du cas d’espionnage, en parlant de guerre économique. Renault n’avait-il pas averti le gouvernement avant de faire son annonce publique ? N’avait-il pas demandé au gouvernement de ne pas jeter de l’huile sur le feu ? Renault avait-il réellement une stratégie sur cette affaire ?
Le 7 janvier, on apprend, par les journaux, l’identité des 3 cadres, qui semblent tomber des nues. Apparemment, Renault n’avait jamais confronté les 3 cadres, qui ne savent même pas ce qu’on leur reproche. La stratégie brillante de Renault transforme immédiatement les 3 cadres en victime auprès d’une bonne partie de l’opinion publique. On parle également d’une piste chinoise, que la Chine dément évidemment, outrée de l’accusation publique. Encore une fois, brillante stratégie de Renault qui essaie désespérément de se développer en Chine après y avoir déjà connu des problèmes politiques, il y a quelques années.
Finalement le 8 janvier Renault et le gouvernement font marche arrière. Patrick Pelata annonce qu’en fait aucun des secrets technologiques liés à la voiture n’avait été compromis, seulement des informations liées aux coûts et au modèle économique. On croit rêver… Le gouvernement lui aussi recule sur l’implication de la Chine, et ne parle plus que d’un « pays étranger »… Toute illusion sur l’existence d’une stratégie sur cette affaire disparaît. Renault ne communique plus qu’en « réactif », pour commenter les dernières infos parues dans les médias.
Le 11 janvier, Renault indique qu’il va officiellement déposer plainte le lendemain. Le 12 janvier, la firme annonce qu’en fait la plainte allait être déposée le 13… Cela devient de plus en plus du niveau « guignol »!
Le 13 donc, Renault dépose « plainte contre X ». Bref on va assister pendant des mois à un déballage de linge sale chez Renault, en direct des tribunaux, ce d’autant plus que les 3 cadres vont sans doute porter plainte contre Renault à leur tour.
Quel cirque ! Et quel gâchis ! Au fait, le CEO de Renault, il en dit quoi, de cette affaire ? Ou est-il trop occupé à Tokyo ?
Dans l’hypothèses ou les trois cadres seraient coupables, imaginiez vous un seul qu’ils allaient, penauds, avouer en public devant la presse leurs méfaits ? Leurs déclarations ou celles de leurs avocats ne veulent rien dire ni dans un sens ni dans l’autre.
Laissons la justice faire son travail, ces affaires sont parfois très complexes, des coups à 3 ou 4 bandes pour déstabiliser une entreprise sont possibles.
Trop tard M. Ghosn, le vin est tiré, il faudra le boire jusqu’à la lie…
Oui, un gros mea culpa, avec quelques têtes qui tombent pour incompétence, pourrait peut-être montrer la voix vers un début de traitement de cette affaire.
Mais le mea culpa, ce n’est pas trop le style de M. Ghosn.
J’ai écouté l’ITW de ce matin sur Europe 1. Enorme !
La direction de Renault a t elle pris pour argent comptant une simple lettre de dénonciation, décapité ses trois meilleurs cadres sur un projet stratégique, c’est énorme. Un scénario que je n’ai même pas envisagé un seul instant. En réfléchissant, c’est plausible, mais pour cela reste une faute de la part de la direction de Renault : on ne balance pas comme ça dans la boue l’honneur professionnel de trois hommes.
Carlos Ghosn va s’exprimer ce dimanche au journal de 20 h !
Cette affaire va prendre un tournure dramatique. J’espère que la direction ne va pas s’enfoncer dans l’erreur. J’espère que Renault, via Carlos Ghosn, va faire son mea culpa et réintégrer ces trois cadres. L’inverse sera catastrophique.
Sinon comment expliquez-vous ces déclarations et actions judiciaires et prud’hommales de ces trois salariés ?
ce matin sur Europe 1, ITW de Matthieu Tenenbaum par Marc Olivier Fogiel
http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/L-homme-du-jour/Sons/Renault-n-a-donne-aucun-element-379361/
N’oubliez pas qu’il est toujours plus facile de commenter une affaire de l’exterieur, d’imaginer des stratégies ou de les critiquer quand on n’est pas directement impliqué.
Combien de stratégies étudiées au plus près par les plus grands stratèges (dans tous les domaines) se sont effondrées à cause d’un petit grain de sable, un homme, un aléa, une météo changeante, etc…
Les stratégies sont une production des hommes ou femmes et sont faillibles comme toute production humaine et une entreprise comme Renault n’a pas que cette affaire à gérer, l’entreprise continue à tourner avec ses 140 000 salariés qui eux aussi ont besoin de stratégies, tactiques, décisions, etc… Que la direction de Renault ne se consacre pas à 100% à cette affaire me rassure plutôt qu’autre chose.
Aucun secret n’ayant été compromis, la priorité est au fonctionnement de l’entreprise. Je ne sais pas où est la vérité sur cette affaire, mais ce n’est pas en mettant au point une stratégie média très au point que l’entreprise progressera dans ses projets. D’autant que cette stratégie peut s’effondrer du jour au lendemain à cause d’un petit grain de sable, un homme, une femme ou un aléa imprévisible voire la météo :-)
Et Renault n’avait pas une stratégie plus discrête pour ce type de réponse de l’un des protagoniste? Une stratégie généralement essaie de prévoir toutes les situations possibles. On espère pour Renault qu’ils ont des stratégies commerciales et financières plus élaborées…
je ne sais plus où je l’ai lu (le figaro ou ailleurs) mais Renault ***ne voulait pas*** rendre l’affaire publique. Elle l’aurait été car l’un des protagoniste a refusé de quitter l’établissement le 3 au matin et donc la police a du intervenir, ce qui dans un technocentre de plus de 10 000 personnes ne passe pas inaperçu.
Stratégie étrange, en effet.
Silence radio sur le site média de Renault et de Nissan.
Et qu’en dit mobilité-durable.org, le site powered by Renault ? Rien, comme si l’affaire n’existait pas. Mais, il met en avant un blog invité qui parle de la voiture électrique en chine !
Lien : http://www.mobilite-durable.org/l-observatoire/les-blogs-invites/l-empire-du-milieu-s-electrise.html
Savoureux…
C’est peut être un tournant dans l’hypercommunication, avec du buzz négatif.
Peut être qu’il prépare les délocalisations des postes de R & D vers le Japon, dont les salariés eux au moins savent garder des secrets ;)
Blague à part, le silence de Carlos Ghosn est assourdissant…