Planificateur itinéraire

L’écoconduite au détriment du confort et les planificateurs d’itinéraire pourraient progressivement rejoindre le cimetière des usages de l’électromobilité.

C’est désormais devenu un lieu commun, l’avènement de la voiture électrique a révolutionné notre manière de penser la mobilité. Avec une conscience environnementale grandissante et une technologie de plus en plus sophistiquée, les conducteurs sont confrontés à de nouvelles considérations lorsqu’il s’agit de planifier leurs trajets et de conduire de manière efficiente. C’est alors que nous avons découvert depuis quelques années une sorte de Saint Graal du trajet sans stress en voiture électrique, le fameux planificateur d’itinéraire, popularisé par Tesla puis adopté par la plupart des constructeurs, d’origine, en option ou par l’intermédiaire d’une mise à jour.

Mais, si ce dernier nous parait désormais incontournable, est-il encore réellement indispensable ? That is ze question. Certes, si l’autonomie n’est plus le seul critère déterminant pour les voitures électriques, il est cependant essentiel de pouvoir compter sur un réseau de bornes de recharge étendu… et de pouvoir les localiser. C’est là que le planificateur entre en jeu, car ils permet de prévoir un trajet en prenant en compte les emplacements des bornes de recharge, ainsi que d’autres aspects, et notamment le niveau de charge de la batterie en temps réel.

Rouler tranquille sans planificateur ? Peut-être, mais…

Cela étant, vu le développement supersonique du nombre de points de recharge, de la vitesse de charge, et, dans une certaine mesure, de l’autonomie des véhicules électriques, l’on peut se demander si les planificateurs sont là pour durer, ou s’ils sont simplement “un mal nécessaire” pour une période temporaire. Car dans un monde idéal, quand il y aura plus de stations de recharge que de stations essence (ce qui est déjà le cas), que l’autonomie des voitures électriques sera d’au moins 500 kilomètres quelles que soient les conditions, et qu’une recharge complète ne prendra que 5 à 10 minutes, il n’est pas certain que les planificateurs soient encore nécessaires.

Faut-il cependant déjà les abandonner ? Pas tout à fait ! Les planificateurs d’itinéraires restent des outils précieux, notamment pour les longs trajets hors de votre zone de confort habituelle, pour les voyages imprévus, notamment si vous vous retrouvez à court de batterie de manière inattendue, ou, accessoirement pour favoriser la découverte de nouvelles stations de recharge que vous n’auriez peut-être pas trouvées autrement. Allez, considérons dans notre grande bonté que les planificateurs ont encore quelques belles années devant eux, a fortiori s’ils savent être encore plus précis, avec peut-être un soupçon d’intelligence artificielle, et qu’ils proposent des services connexes visant à faciliter et agrémenter la vie de l’électromobiliste.

Et l’écoconduite alors ? Vaste débat ! L’écoconduite, qui consiste à adopter des pratiques de conduite économes en énergie, est souvent considérée comme un élément essentiel pour maximiser l’autonomie d’une voiture électrique. Des techniques telles que l’accélération douce, le freinage régénératif et l’anticipation des obstacles permettent aux conducteurs de prolonger leur trajet sans compromettre leur confort ou leur sécurité. Mais est-ce toujours le cas aujourd’hui ? Cela dépend de ce que l’on prend en considération dans ce que l’on appelle l’écoconduite. Car chacun aura sa propre conception de l’exercice. Pour certains, il s’agira par exemple de ne jamais prendre l’autoroute, ou de ne jamais dépasser les 110 km/h sur celle-ci. Pour d’autres, plus radicaux, cela consistera à ne pas activer le chauffage ou la clim, et à rouler en mode éco, voire en mode tortue, en effleurant méthodiquement la pédale d’accélérateur, et en utilisant au mieux – ou le plus souvent possible – le freinage régénératif. D’autres, s’ils en ont la possibilité, prendront grand soin de préparer leur monture à la sobriété en la préchauffant à domicile avant un trajet hivernal…

L’écoconduite en roue libre

Au sujet de la récupération d’énergie par le freinage, il y a aussi débat, car si l’éclosion des modes “à la demande” par une impulsion sur les palettes au volant de certains modèles a rendu la pratique plus ludique et dynamique, elle n’a pas contribué à en faciliter la compréhension. Car contrairement à l’idée souvent répandue, le réglage le plus puissant du freinage régénératif n’est pas forcément celui qui garantit la meilleure efficience, et donc la meilleure autonomie. Il semblerait au contraire que – sur route et autoroute en tout cas – opter pour un mode le plus proche possible de la roue libre, soit la meilleure attitude à adopter pour aller le plus loin possible avec une charge. Attention, il se peut qu’en ville, en péri-urbain ou à la montagne, ce soit un peu différent, et qu’il faille enclencher un mode intermédiaire avec un freinage régénératif plus prononcé. Porsche avait étudié la question de près lors de la mise au point du Taycan et de son mode “roue libre” sans régénération, et avait publié un article signé Martin Reichenecker, Responsable de la division des tests châssis, tendant à prouver que c’était au final le mode le plus économique en batterie. Selon le département d’ingénierie de Porsche, il est préférable de permettre à la voiture de continuer de rouler librement après que le conducteur ait retiré son pied de la pédale d’accélérateur et d’activer un freinage régénératif uniquement pour décélérer. Une méthode d’autant plus efficace que les moteurs sont totalement désactivés et débrayés lors des levers de pédale. C’est en quelque sorte l’application à l’électrique de la méthode dite du Pulse & Glide (Pousser et glisser) née avec l’hypermiling thermique.

Bien sûr, ce point de vue fait l’impasse sur le confort apporté par la conduite à une pédale (One pedal driving), dont ceux qui y ont goûté ne pourraient plus se passer, au point que cela est devenu un critère déterminant pour le choix d’un VE au moment de l’achat.

Alors, même question que pour les planificateurs ? Faut-il oublier l’écoconduite, en tout cas celle spécifique à la voiture électrique ? Oui et non. Si certains refuseront absolument de faire des concessions en termes de confort, quitte à recharger plus souvent, d’autres n’oublieront pas qu’une écoconduite “raisonnée” réduira quoiqu’il en soit la consommation d’énergie, et donc les frais de recharge. Mais ce n’est pas tout. L’écoconduite présente d’autres vertus, comme celle de ménager la batterie de la voiture en réduisant le nombre de cycles de recharge, sans parler des autres composants qui seront également moins sollicités, comme les freins ou les pneumatiques, ces derniers émettant au passage moins de particules fines.

La transition vers la mobilité électrique continue à représenter un changement de paradigme majeur, avec des implications profondes pour la manière dont nous planifions nos trajets et conduisons nos véhicules. Par conséquent, il apparait si que les planificateurs d’itinéraires et l’écoconduite continuent de jouer un rôle crucial dans cette transition, leur pertinence évolue avec les progrès technologiques et les changements dans les habitudes des conducteurs.

Mais la voiture électrique devra progressivement se “normaliser” pour être adoptée sans friction par le plus grand nombre à l’horizon 2035. Il se peut alors qu’à cette échéance, tout ce qui fait sa spécificité, comme les planificateurs et l’écoconduite forcenée, appartiennent au passé, au même titre que la manivelle ou le lecteur de cassettes.