Vol de câbles de recharge : quelles solutions contre ce fléau qui complique la vie des électromobilistes et des opérateurs de recharge ?

Le vol de câbles sur les stations de recharge s’est amplifié au cours des derniers mois. Même si le phénomène demeure encore marginal, il est temps de le prendre au sérieux pour enrayer sa propagation. Il existe des solutions.

C’est Noël, et on aurait préféré vous parler de sujets plus légers et un peu plus enthousiasmants. Malheureusement, l’actualité ne fait pas de pause, et les malfrats prennent rarement des vacances, surtout quand ils ont devant eux un gâteau aussi appétissant et facile à engloutir.

C’est ainsi que le vol de câbles sur les stations et bornes de recharge va bon train depuis quelques mois, avec semble-t-il une intensification du phénomène en cette fin d’année. Alors certes, si le marché de la voiture électrique se porte plutôt pas mal depuis l’été dernier, son évolution n’en reste pas moins fragile, et il suffit parfois de quelques signaux négatifs pour faire hésiter encore un peu plus les indécis, voire les plus convaincus.

Et ce qui se passe dans certaines stations de recharge est certainement à ajouter à la liste déjà longue des objections, ou même des freins, à la transition électrique. L’objectif pour les auteurs de ces vols étant de récupérer rapidement — et relativement facilement — du cuivre, cher et facile à écouler, en ciblant un maillon exposé de l’infrastructure.

Pour les opérateurs, l’impact va bien au-delà du coût du matériel volé, car une borne privée de son câble est immédiatement hors service, ce qui a pour effet une expérience dégradée pour l’usager, des pertes d’exploitation, et une image de fiabilité fragilisée pour le réseau concerné. On parle ici de sécurité, de maintenance et de disponibilité du service. Une équation pas si simple à résoudre.

Mais cette réalité n’est-elle qu’un mauvais passage, ou risque-t-elle de prendre encore plus d’ampleur dans les mois et années à venir ? Et, dans ce cas, existe-t-il des solutions, et quelles sont-elles ? On fait le point.

Moins de cuivre, plus de contraintes pour les voleurs

La première ligne de défense consiste à réduire l’intérêt économique du vol. Dans cette logique, certains fabricants ont revu la conception des câbles, notamment sur les bornes rapides, en limitant la quantité de cuivre grâce à des câbles refroidis. À puissance équivalente, le gain est double, avec un câble plus fin et un butin nettement moins attractif.

Dans le même esprit, les câbles renforcés gagnent du terrain, dotés de gaines métalliques ou de tresses anti‑coupure autour des câbles. Ils intègrent des matériaux ou des structures internes qui ralentissent fortement la section avec des outils portables. Le vol devient plus long, plus visible et plus risqué, un combo de complications qui reste souvent le plus dissuasif. Des opérateurs comme ChargePoint ont déjà déployé ce type de solutions sur des sites jugés sensibles. Pour les installations existantes, des gainages de protection peuvent être ajoutés sans remplacer l’ensemble du matériel. Ce rétrofit permet d’augmenter le niveau de sécurité sans immobiliser durablement les bornes.

Autre parade, des systèmes de capteurs de traction et de capteurs d’ouverture permettent la détection d’un effort anormal sur le câble ou l’ouverture d’un capot hors procédure, permettant d’envoyer une alerte au superviseur.

La détection immédiate et la traçabilité a posteriori

La dissuasion passive ne suffit plus face à des vols organisés. Les réseaux les plus exposés investissent désormais dans des systèmes de détection d’arrachement ou de coupure intégrés aux bornes. Lorsqu’une anomalie est détectée, une alarme sonore peut se déclencher localement, accompagnée parfois d’un signal lumineux. Mais surtout, l’événement est remonté instantanément vers les outils de supervision. L’objectif est d’intervenir vite, voire de faire fuir les auteurs avant qu’ils n’aient accompli leur forfait.

Une approche qui s’inscrit dans une logique de surveillance globale du site, où l’éclairage, la vidéosurveillance et la pose de divers capteurs sont pensés comme un intégrés dans une stratégie globale. À cela s’ajoutent des solutions de marquage invisible. Certains câbles libèrent un traceur UV ou un marqueur « médico-légal » lorsqu’ils sont sectionnés. Ce type de dispositif ne bloque pas le vol, mais complique la revente et renforce les preuves en cas d’enquête. De son côté, le fabricant de bornes de recharge Kempower emprunte une voie technologique inédite avec sa méthode de traçabilité ADN contre le vol de câbles, alors que l’opérateur britannique InstaVolt mise sur un système de traçage par GPS.

Repenser l’implantation, l’aménagement et la sécurisation des sites

La localisation des bornes peut aussi avoir une certaine influence sur leur vulnérabilité. Ainsi, il parait peu surprenant qu’une station installée à l’écart, mal éclairée ou hors du champ visuel, devienne une cible facile. À l’inverse, une borne placée dans une zone passante, proche de commerces ou de flux réguliers, réduit fortement les opportunités, même si cela reste encore à prouver, puisque certains vols ont lieu sur des sites à forte fréquentation, là où généralement sont installées les bornes à haut débit utilisant des câbles à forte teneur en cuivre.

Les opérateurs travaillent aussi sur la gestion physique du câble. Enrouleurs automatiques, systèmes de rangement obligatoire ou câbles rétractables limitent l’accès hors session de recharge. Moins le câble est librement manipulable, plus l’acte de vol devient complexe. Certains préconisent une nouvelle génération de bornes qui intégreraient un système de câble enroulé à l’intérieur de celles-ci, et seulement accessible par l’ouverture d’un portillon renforcé grâce à un badge personnel, et donc identifié. À plus long terme, certaines évolutions technologiques pourraient changer la donne, comme la recharge inductive stationnaire, déjà testée dans des contextes professionnels ou urbains spécifiques, qui supprime de facto la nécessité d’un câble.

Il serait également question d’implanter des architectures avec têtes ou câbles facilement remplaçables, à base d’une conception modulaire permettant de changer uniquement le tronçon ou la tête de câble, ce qui réduit le coût et le temps d’immobilisation en cas de vol. Mais ce type de solution ressemble quand même à une sorte de pansement sur une jambe de bois, en plus d’envoyer un message assez désastreux d’impuissance aux trafiquants.

Enfin, le recours à des stratagèmes plus classiques de dissuasion peut être dans certains cas envisagé : éclairage renforcé des zones de recharge avec des luminaires à détection de présence ou éclairage continu pour limiter les interventions discrètes de nuit, la vidéosurveillance accompagnée d’une signalétique dissuasive avec mention de la vidéosurveillance, de la géolocalisation des équipements ou des poursuites possibles. Voire, plus simplement, des stations de recharge fermées avec accès contrôlé à base de badge nominatif limitant l’entrée de personnes extérieures. Alors certes, les malfrats se rendent probablement à pied sur le lieu de leur forfait, mais la question pourrait être réglée avec un dispositif de détection de présence très dissuasif : éclairage ultra-puissant et sirène, le tout accompagné de la pulvérisation d’un épais brouillard aveuglant (voire lacrymogène) autour de la borne ou sur le site, rendant la manœuvre trop difficile pour être conclue, à l’image de ce qui se fait de plus en plus dans les systèmes anti-effraction chez les particuliers.

Mais, hormis le fait que toutes ces solutions ont un coût, tout ne pourra pas se jouer au niveau des sites ni de la technologie. La dissuasion devrait aussi intervenir en amont, notamment en faisant pression sur les filières de recel (ferrailleurs, recyclage), avec des contrôles renforcés, la mise en place d’une traçabilité des métaux afin que tout le circuit de revente soit contraint à une transparence totale, le tout en coopération avec les forces de l’ordre.

Le vol de câbles — qui n’est pas que du vol mais aussi de la dégradation — empoisonne tout un secteur, et peut gravement nuire à la liberté de circulation des personnes. À ce titre, il doit être pris au sérieux avec des mesures d’envergure, une réflexion globale, et des sanctions pénales particulièrement salées.

Bon allez, que cela ne m’empêche pas de vous souhaiter quand même un joyeux Noël et de superbes fêtes de fin d’année !