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Voiture électrique : et si la recharge en habitat collectif n'était plus un problème ?

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Recharge copropriété
Recharge copropriété

Pourquoi la question de la recharge en copropriété est en train de devenir un faux problème.

Quand on évoque la transition vers la voiture électrique, une objection revient systématiquement sur la table : « C’est bien joli tout ça, mais moi j’habite au quatrième étage d’un immeuble en centre-ville. Je fais comment ? Je lance une rallonge par la fenêtre ? » La question de la recharge en copropriété s’invite en effet de façon récurrente dans les débats autour de l’adoption de la voiture électrique par le plus grand nombre. L’impossibilité de recharger chez soi pour près de la moitié de la population française est effectivement présentée comme un frein majeur, ce qui semble correspondre à la réalité.

Mais en creusant un peu, on peut finir par se demander si, fin 2025, cette objection reste encore totalement pertinente. A force de poncer le sujet, je dois dire que je n’en suis plus aussi sûr. Car, entre la multiplication des points de charge, notamment en ville, l’augmentation du débit et des voitures à l’autonomie en hausse régulière, est-il aussi crucial de pouvoir recharger sur son parking d’immeuble que cela pouvait l’être, disons, entre 2015 et aujourd’hui ? De prime abord, le raisonnement paraît logique sur le papier : sans borne dans le parking, pas d’électrique. Pourtant, plus on regarde la réalité du terrain, plus le sujet mérite d’être nuancé. Et si la recharge à domicile n’était pas – ou plus – aussi indispensable qu’on le pense ?

Il faut bien le dire, pendant des années, cette barrière a semblé infranchissable. On a construit tout l’imaginaire de la voiture électrique autour de la « Wallbox » dans le garage du pavillon de banlieue (de préférence une très chic maison contemporaine d’architecte), où l’on branche sa voiture le soir comme on charge son smartphone, pour repartir le lendemain matin avec le plein pour quelques euros. Ce modèle, très confortable, a exclu de facto ceux qui dorment en appartement. Pourtant, si l’on prend un peu de recul, cette exigence de la charge à domicile apparaîtra peut-être plus tard comme une anomalie historique temporaire. Regardez votre véhicule thermique actuel ou celui de votre voisin. A-t-il une pompe à essence privée dans son garage ? Absolument pas.

Car personne n’a jamais conditionné l’achat d’une Clio ou d’une Golf à la possibilité de faire le plein de sans-plomb chez soi. Nous avons tous accepté, depuis des décennies, de dépendre d’une infrastructure extérieure. Nous faisons des détours, nous nous arrêtons sur des aires d’autoroute ou au supermarché. Ce fonctionnement ne choque personne. Alors pourquoi l’électrique devrait-il impérativement déroger à cette règle ? Car même si l’on a tendance à ne chercher que des avantages à l’électrique pour se convaincre d’y passer, dont celui, incontestable et décisif, de la recharge à domicile, la situation évolue à une telle vitesse qu’il est temps de se demander si l’absence de charge à domicile n’est pas en train de devenir un non-sujet.

Une densité de réseau qui change la règle du jeu

Pour commencer, tordons le cou aux vieux chiffres qui circulent encore dans certaines conversations. Pour ceux qui ont en tête l’image d’un réseau de bornes clairsemé, avec des stations en panne tous les cent kilomètres, il est urgent de mettre à jour leurs données. En effet, nous n’en sommes plus vraiment au stade du balbutiement ou de l’expérimentation hasardeuse puisque le territoire compte désormais 175 000 points de recharge ouverts au public, répartis dans un peu plus de 48 000 stations.

Pour bien saisir ce que cela représente, rappelons qu’il n’y a plus que 10 000 stations-service dans l’Hexagone. Le rapport de force est donc désormais de un pour cinq. Bien sûr, une pompe à essence délivre de l’énergie beaucoup plus vite qu’une borne électrique, et une seule station peut servir des centaines de voitures par jour. Mais la granularité du réseau électrique est sans commune mesure. Vous trouverez des bornes sur les parkings de cinémas, devant les mairies, dans les centres commerciaux, sur les aires de covoiturage et de plus en plus souvent au pied des immeubles de bureaux. Il y a même quatre jolies bornes dans le parking en sous-sol du Monop à côté de chez moi, en plein centre-ville.

Cette omniprésence modifie profondément la logique du « plein ». En thermique, on roule jusqu’à la réserve, puis on cherche activement une station. C’est en quelque sorte ce que l’on pourrait appeler « une démarche dédiée ». En électrique, sans charge à domicile, on adopte une stratégie d’opportunité. Votre voiture est immobile 95 % du temps. Si vous n’avez pas de prise chez vous, vous en avez probablement une à proximité de votre lieu de travail, ou là où vous faites vos courses. Avec des autonomies qui dépassent désormais allègrement les 400 kilomètres réels pour des modèles polyvalents, la nécessité de se brancher tous les soirs est un mythe. Pour un automobiliste urbain ou périurbain qui parcourt trente ou quarante kilomètres par jour, une seule grosse recharge par semaine, ou deux sessions de vingt minutes, suffisent amplement. On ne vit plus avec la peur de la panne sèche, mais avec une gestion différente de son temps. C’est ici que la friction psychologique est la plus forte. Accepter de ne pas partir à 100 % le matin demande un temps d’adaptation. Mais une fois que l’on a repéré les deux ou trois bornes rapides autour de chez soi ou sur son trajet régulier, la contrainte disparait, enfin elle devrait disparaitre. On se rend alors compte que le maillage est devenu si serré qu’il est statistiquement plus difficile de tomber en panne d’électrons en ville que de trouver une station essence ouverte la nuit en campagne.

L’argument de la barrière du coût est moins pertinent

L’autre grand argument qui servait de bouclier contre l’électrique en appartement était d’ordre financier. Pendant longtemps, les détracteurs ont eu raison sur ce point. Recharger chez soi au tarif réglementé d’EDF est imbattable. À l’inverse, se brancher sur une borne rapide d’autoroute sans abonnement peut coûter aussi cher, voire plus cher, qu’un plein d’essence. Si passer à l’électrique signifiait payer son « carburant » au prix fort, l’opération n’avait aucun sens pour les ménages modestes ou moyens vivant en HLM ou en copropriété. Mais, là encore, le marché a réagi avec une agressivité commerciale que l’on n’avait pas anticipée. Les opérateurs de recharge ont compris que pour capter cette clientèle « sans garage », il fallait casser les prix. Ce qui se traduit par une arrivée progressive des bornes de recharge en ville et des formules d’abonnement. Aujourd’hui, moyennant une dizaine d’euros par mois, des acteurs comme Electra, Ionity ou Tesla permettent d’accéder à des tarifs au kilowattheure  qui dégringolent autour de 0,29 €.

D’ailleurs, si l’on fait les comptes, on constate que le fossé n’est plus aussi important. Une voiture électrique moyenne consomme environ 16 à 18 kWh pour parcourir 100 kilomètres. À 0,29 € le kWh, cela nous donne un coût aux 100 kilomètres d’approximativement 5 euros. La comparaison ne joue donc pas en faveur du véhicule essence, car même une citadine sobre consommant 6 litres aux 100 kilomètres, avec un carburant à 1,75 €, coûte plus de 10 euros pour la même distance. En conséquence, même en payant un abonnement mensuel, et même en ne chargeant que sur des bornes publiques, vous divisez votre budget carburant par deux.

Les habitants d’immeubles qui roulent en électrique se retrouvent donc dans une situation hybride et peuvent s’appuyer sur un mix : un peu de public, un peu de travail, un peu de recharge opportuniste, et de plus en plus de bornes en ville. Cette combinaison n’existait pas avec le thermique, où tout reposait sur quelques stations-service relativement éloignées de l’habitat.

L’autre évolution majeure concerne le volume nécessaire pour absorber cette population sans prise. Avec un parc électrique qui pourrait atteindre 8 millions de véhicules en France en 2030, on pourrait imaginer que le réseau soit sous tension. Pourtant, les projections sont plutôt rassurantes. En estimant qu’environ un tiers des conducteurs rechargeraient majoritairement hors domicile, la demande annuelle en recharge rapide resterait dans une fourchette que les hubs actuels et à venir sont capables d’absorber. La multiplication des stations multi-bornes, la baisse progressive du coût du kWh public et l’amélioration des logiciels de gestion contribuent à ce sentiment de maturité progressive.

Pour toutes ces raisons, l’habitant d’immeuble n’est donc plus le « dindon de la farce » de la mobilité électrique. Il n’a certes pas le confort absolu de la prise domestique, mais il accède à un usage économiquement viable. Reste la question du temps d’attente, ces fameuses 20 ou 30 minutes nécessaires pour récupérer 80 % de batterie sur une borne rapide. Mais là aussi les choses évoluent rapidement, notamment la technologie des chargeurs et des batteries, avec déjà des voitures capables de faire un 20-80%, soit récupérer entre 200 et 300 km d’autonomie, en à peine plus de 10 minutes. C’est indéniablement plus long que les cinq minutes pistolet en main à la pompe, mais est-ce vraiment du temps perdu, dans un contexte où ces minutes supplémentaires sont souvent mises à profit pour traiter des mails, passer des appels ou simplement faire une pause vidéo, ce qui transforme le temps « perdu » en temps masqué.

De plus, contrairement à la station-service où l’on reste debout à respirer des vapeurs d’hydrocarbures, la recharge permet de rester dans son habitacle, au chaud ou au frais.

De quoi revoir son rapport au temps, et au confort.

De quoi aussi lever ce frein et finir de convaincre les résidents en habitat collectif de passer à l’électrique ?

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