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Tests d'homologation : les constructeurs soupçonnés de nouvelles manipulations

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Photo : Pixabay

L’Europe soupçonne certains constructeurs automobiles de « gonfler » artificiellement les émissions de CO2  de leurs véhicules durant les tests d’homologation. Une tromperie qui vise à réduire leurs efforts pour atteindre les futurs objectifs de réduction et à éviter les sanctions.

Le scandale du dieselgate a révélé les manipulations frauduleuses des tests d’homologation dont s’est rendu coupable le groupe Volkswagen (et probablement d’autres constructeurs), en vue de réduire artificiellement les émissions d’oxyde d’azote des véhicules diesel. Voilà que la Commission européenne soupçonne à présent certains constructeurs de gonfler les émissions de CO2 de leur flotte. Un comble !

Pour réduire progressivement les rejets de dioxyde de carbone des voitures neuves, l’Europe impose des normes aux constructeurs. Pour 2021, elle a fixé un objectif de 95 g de CO2 par km. Il s’agit d’une moyenne à respecter par chaque constructeur pour l’ensemble des voitures qu’il vend, cette valeur étant plus ou moins élevée en fonction de la composition de sa gamme. Si un constructeur vend beaucoup de gros modèles puissants qui dépassent les 95 g de CO2 par km, il devra, pour respecter la norme, vendre plus de voitures « propres », par exemple des véhicules électriques dont les émissions « à l’échappement » sont nulles. Chaque voiture électrique qu’un constructeur vendra fera donc baisser sa moyenne, l’aidera à respecter la norme et à éviter les amendes.

Nouvelles normes d’émission

Pour les étapes suivantes, à savoir 2025 et 2030, la Commission européenne propose de ne plus fixer un standard d’émission en valeur absolue (grammes de CO2 par km), mais bien en pourcentage de réduction par rapport aux émissions de 2021. A savoir : 15 % en 2025 et 30 % en 2030.

Complication pour les constructeurs : leur moyenne en 2021 sera encore calculée sur base de l’ancien test NEDC, alors qu’en 2025 et 2030, les résultats seront mesurés par le nouveau test WLTP, plus réaliste et plus «sévère». En pratique, l’effort à fournir pour respecter les objectifs de 2025 et 2030 sera donc plus important que, respectivement, 15 et 30 %. Des réductions d’émissions qu’il sera techniquement très difficile, voire impossible d’obtenir avec des moteurs diesel ou à essence. Pour atteindre les objectifs et esquiver les pénalités (l’amende étant de 95 euros par voiture et par gramme excédentaire), les constructeurs n’auront dès lors d’autres choix que de vendre un maximum de voitures « zéro émission ». Un constat qui donne déjà des sueurs froides à quelques marques et qui explique aussi les investissements récents consentis par certaines comme Jaguar, Porsche, Audi ou Mercedes pour mettre sur le marché des modèles « tout électrique ».

Manipulation des tests

On comprend maintenant pourquoi des constructeurs sont tentés de « gonfler » artificiellement les émissions de certains modèles, mesurées par le test WLTP, tout en respectant la norme 2021 de 95 g/km, établie par l’ancien test NEDC : une telle manipulation a pour effet d’augmenter la moyenne qui servira de base, en 2021, au calcul des pourcentages de réduction à obtenir en 2025 et 2030. Quelle que soit la hauteur de la marche, il sera plus aisé de la franchir si le seuil est plus haut. Ainsi, ils devront vendre moins de voitures électriques pour éviter les sanctions !

Selon l’ONG « Transport & Environment » (T&E) « les protocoles de tests comportent une trop grande possibilité d’interprétation des exigences et des options permettant de les optimiser et de manipuler les résultats vers le haut ou vers le bas dans les limites des règles. Cela peut être utilisé pour produire des résultats de test NEDC artificiellement bas pour aider à atteindre l’objectif 2021 de 95 g/km et des valeurs WLTP élevées pour gonfler la référence sur laquelle sera basée les objectifs de réduction de 2025 et 2030 proposés par la Commission ».

Des preuves

Des documents internes à la Commission et révélées par T&E font état de preuves accumulées pour établir ces nouvelles « fraudes ». Ainsi, pendant les tests WLTP, des constructeurs désactivent la fonction start-stop. Pour consommer plus de carburant et rejeter par conséquent plus de CO2 , ils équipent les voitures testées de batteries déchargées et adaptent également les rapports de changement de vitesse. En outre, certains constructeurs déclarent des résultats plus élevés que ceux qu’ils mesurent réellement.

Selon les données collectées par les autorités des Etats membres de l’UE, les rejets de CO2 seraient gonflés en moyenne de 4,5 % et parfois jusqu’à 13 %. Les émissions de 114 modèles auraient ainsi été manipulées, mais pour l’heure, aucune marque ni aucun modèle n’a encore été cité. Miguel Arias Cañete, commissaire européen chargé de l’action pour le climat se contente de déclarer : « Nous avons relevé des éléments qui ne nous satisfont pas. Nous allons mener l’enquête ».

La solution

« Après le dieselgate, les constructeurs automobiles avaient promis de changer et  ils déclaraient que les nouveaux tests WLTP étaient la solution. Maintenant, il est clair qu’ils sont en train de les utiliser pour saper les nouveaux standards de réduction de CO2 », estime William Todts, directeur de T&E. «  Ils veulent s’y conformer avec un minimum d’efforts pour pouvoir continuer à vendre des diesels et retarder la transition vers les voitures électriques. »

Pour T&E, la seule manière d’éviter ces fraudes à répétition est de confier les tests d’homologation à des organismes neutres et indépendants au lieu de laisser les constructeurs les mener en interprétant les règles et les résultats à leur guise. Solution préconisée également par des experts de la Commission. Il revient maintenant aux Etats membres et au parlement européen à légiférer dans ce sens.

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