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On parle beaucoup de l’interdiction des moteurs thermiques en 2035 et des énergies alternatives au tout électrique. Mais qu’en est-il exactement et de quoi parle-t-on ? On fait le point.
Vous l’aurez certainement remarqué, depuis quelques semaines, de plus en plus de voix s’élèvent pour protester contre l’interdiction par l’Union Européenne des moteurs thermiques en 2035. Après les constructeurs, au rang desquels quelques poids lourds comme Mercedes ou BMW (ce dernier connaissant pourtant un net succès dans l’électrique), ce sont maintenant les politiques qui s’en mêlent, et pas n’importe lesquels. C’est le cas par exemple du chancelier allemand Friedrich Merz, qui s’est fendu il y a quelques jours d’une déclaration aussi inattendue qu’officielle sur le sujet. Le Sénat français n’est pas en reste, et demande également un report de cette mesure qui commence à faire grincer des dents chez de nombreux acteurs de la filière.
Bref, on en parle beaucoup, mais au fait, que dit exactement cette loi ?
Le texte concerné est le Règlement (UE) 2023/851 « modifiant le règlement (UE) 2019/631 en ce qui concerne le renforcement des normes de performance en matière d’émissions de CO₂ pour les voitures particulières neuves et les véhicules utilitaires légers neufs ». (source à la fin de cet article)
Voici quelques extraits clés :
Le texte ne dit pas explicitement « interdiction de tous les moteurs thermiques à compter de 2035 » dans ces termes précis. Il parle de « réduction moyenne des émissions de CO₂ des voitures neuves de 100 % d’ici 2035 ». Autrement dit, dans l’esprit, cela revient à ce que les voitures neuves vendues dans l’UE ne génèrent plus d’émissions de CO₂ – ce qui équivaut à une quasi-interdiction des véhicules à combustion fossile (essence/diesel) traditionnels.
« Zéro émission à l’échappement » est donc le principe appliqué. Ce qui laisse quand même une petite ouverture sur la façon dont d’autres technologies (e-carburants, hydrogène, etc.) pourraient être admises selon l’interprétation et les dérogations possibles. Par exemple, on note que l’Allemagne a négocié une exemption pour les véhicules alimentés uniquement par e-carburants. On sait aussi que le règlement ne change pas immédiatement l’ensemble du parc. Il concerne les voitures neuves mises sur le marché à compter de 2035. Les véhicules existants restent autorisés à être utilisés, ce qui réduit forcément l’impact et l’efficacité de la mesure, puisqu’une grande partie du parc automobile européen restera encore thermique pendant de nombreuses années, voire décennies.
Enfin, le texte prévoit des mécanismes de suivi, d’évaluation et la possibilité de révisions. Ainsi, malgré l’engagement légal, l’application pratique dépendra des infrastructures, des groupes industriels, de l’avancement des technologies et des soutiens politiques. Une clause de revoyure est également prévue en 2026, mais il se pourrait que cette échéance soit avancée sous la pression de différents acteurs.
Mais que reproche-t-on exactement à cette mesure ?
On lui reproche en substance d’être trop restrictive, avec une échéance trop courte, et d’imposer de fait la motorisation électrique (alors qu’en réalité ce n’est pas le cas). Le principal argument des opposants à ce texte est de dire que si l’objectif est la décarbonation des transports, alors le rôle du politique, en l’occurrence l’UE, devrait être seulement d’indiquer ce qu’il faut faire, mais pas de dire comment le faire. Autrement dit, de fixer un objectif et une échéance, et de laisser l’industrie s’organiser pour atteindre cet objectif dans l’échéance prévue. Ce qui reviendrait à lever l’interdiction des moteurs thermiques et à autoriser toutes les formes de motorisations à condition qu’elles soient zéro émission à l’échappement. Autrement dit, les énergies alternatives.
Mais qu’entend-on précisément par énergies alternatives ? Quelles sont-elles, et sont-elles vraiment zéro émission, que ce soit à la production ou à l’usage ? Voyons cela en détail.
À lire aussiL’hydrogène fait figure de mirage depuis plus de vingt ans. Il alimente le rêve (le fantasme ?) d’une mobilité propre, rapide à recharger, sans fumée ni particules. Sur le papier, tout est parfait : dans une voiture à pile à combustible, l’hydrogène réagit avec l’oxygène de l’air pour produire de l’électricité, qui alimente un moteur électrique. À la sortie, seule de la vapeur d’eau sort du pot d’échappement.
En pratique, c’est un petit peu plus complexe. D’abord parce que l’hydrogène doit être produit, et c’est là que le bât blesse. Aujourd’hui, plus de 95 % de l’hydrogène mondial est dit « gris », c’est-à-dire fabriqué à partir de gaz naturel. Le procédé émet énormément de CO₂. À l’inverse, l’hydrogène « vert », obtenu par électrolyse de l’eau à l’aide d’électricité renouvelable, est quasi neutre en carbone, mais son coût reste très élevé. En d’autres termes, une voiture à hydrogène n’est propre que si l’hydrogène l’est aussi.
Autre frein : l’infrastructure. En France, on compte à peine une soixantaine de stations de remplissage. L’Allemagne en dispose d’un peu plus de 100, ce qui reste dérisoire à l’échelle du continent. Résultat : seuls quelques modèles comme la Toyota Mirai ou la Hyundai Nexo circulent en faible nombre, surtout dans des flottes professionnelles.
Pour autant, il serait réducteur de balayer cette piste. L’hydrogène pourrait jouer un rôle clé pour les poids lourds, les bus ou les longues distances, là où la batterie montre ses limites. Les constructeurs européens, à commencer par BMW, Stellantis ou Renault, continuent de développer des prototypes de pile à combustible. La technologie n’est pas morte, mais elle dépend encore largement des choix politiques et du développement d’une production d’hydrogène réellement verte. Mais bon, pour les voitures particulières, on oublie.
Les e-carburants, souvent présentés comme le plan B de l’Allemagne, incarnent la tentative la plus sérieuse de sauver le moteur thermique à l’ère de la neutralité carbone. Leur concept repose sur une chimie qui consiste à combiner de l’hydrogène produit à partir d’électricité renouvelable avec du CO₂ capté dans l’air ou les fumées industrielles, pour recréer un carburant liquide similaire à l’essence ou au diesel. Ce carburant peut alimenter un moteur classique, sans transformation majeure, tout en bouclant théoriquement la boucle du carbone, puisque le CO₂ émis à l’échappement correspond à celui capté pour sa fabrication.
Mais derrière cette promesse séduisante se cache un rendement énergétique très faible. Produire des e-fuels demande quatre à cinq fois plus d’électricité verte que de faire rouler une voiture électrique sur la même distance. Autrement dit, pour rendre cette voie crédible, l’Europe devrait multiplier massivement ses capacités de production d’énergie renouvelable. Le coût reste également un frein. On parle en effet de plusieurs euros par litre, avec un seuil incompressible autour des 5 euros le litre dans les installations pilotes, bien au-delà du prix des carburants fossiles. Un constructeur comme Porsche travaille sur le sujet, y voyant probablement un moyen de sauver son ADN thermique, quel que soit le prix à payer… pour ses clients. Il est vrai que l’idée de pouvoir continuer à utiliser sa 911 thermique sans restriction ni modifications en la rendant « propre » pourrait séduire une frange aisée de la clientèle de ce type d’engin.
D’ailleurs, les e-carburants sont-ils vraiment « zéro émission » ? Pas sûr ! Les moteurs qui les utilisent continuent de rejeter du CO₂ et des polluants, ce qui les exclut des critères définis par Bruxelles. Selon une étude de Transport & Environnement, une voiture à e-fuel émet environ 61 g de CO₂ par kilomètre, contre 13 g pour un véhicule électrique et 200 g pour une voiture à essence. L’e-fuel permet ainsi une réduction de 70 à 90 % des émissions globales par rapport à l’essence, sans toutefois atteindre la neutralité complète. L’Allemagne pousse néanmoins pour qu’ils soient pris en compte dans la réglementation post-2035, en vain pour l’instant. Malgré leurs limites, ces carburants pourraient jouer un rôle transitoire en permettant de réduire l’empreinte carbone du parc existant sans condamner prématurément le moteur à combustion.
Les biocarburants et le gaz peuvent apparaître comme des alternatives réalistes au tout-électrique, mais leur impact écologique reste nuancé. Déjà présents dans les stations-service, l’éthanol E85 et les biodiesels ont conquis certains automobilistes de par leur prix et leur compatibilité avec les moteurs actuels. Issus de végétaux ou de déchets, ils permettent de réduire jusqu’à 80 % des émissions de CO₂ sur l’ensemble du cycle de vie. Cependant, leur vertu dépend de leur origine.
En effet, les biocarburants produits à partir de cultures alimentaires soulèvent des questions éthiques et environnementales car ils entrent en concurrence avec l’alimentation et peuvent provoquer déforestation et perte de biodiversité. L’Union européenne pousse donc vers les biocarburants « avancés », fabriqués à partir de résidus ou d’huiles usagées. Moins émetteurs que les carburants fossiles, ils n’éliminent toutefois pas les polluants comme les particules ou les oxydes d’azote, et leur production reste limitée à tel point qu’il serait probablement impossible d’alimenter tout le parc européen avec du bioéthanol ou du biodiesel.
Le gaz naturel pour véhicules (GNV) constitue une autre piste. Utilisé dans les bus et les flottes professionnelles, il émet environ 25 % de CO₂ en moins que l’essence ou le diesel. Sa version renouvelable, le biométhane, est produite à partir de déchets organiques, mais souffre de fuites de méthane, un gaz à effet de serre beaucoup plus puissant que le CO₂. À l’image de l’hydrogène, les biocarburants et le gaz renouvelables peuvent compléter la transition énergétique dans certains usages, mais ne représentent pas une alternative de masse à la voiture électrique.
En fait, selon divers scénarios, le moteur thermique n’a peut-être pas encore dit son dernier mot, ce que pourraient confirmer certaines rumeurs. Mais pour qu’il garde une place dans le paysage post-2035, il devra s’adapter afin d’être conforme aux engagements climatiques du continent. L’électrique restera très probablement la colonne vertébrale de cette mutation, et alors seulement, peut-être que les carburants alternatifs pourraient venir en complément. Reste à savoir si Bruxelles acceptera d’assouplir sa position ou si elle maintiendra sa ligne stricte.
Source : le texte de loi sur l’interdiction des moteurs thermiques en 2035 (PDF)
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