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Depuis presque 130 ans, le cœur de l’activité de Gruau c’est la carrosserie et la préparation de véhicules. L’histoire particulièrement riche du groupe connaît une nouvelle extension en 2017 vers « des solutions de transport propre ». Entre histoire et développement mesuré, notre essai de l’Electron II, un utilitaire de 3,5 tonnes sur base Fiat Ducato.
Visiter une entreprise qui se porte bien, associe étroitement son personnel à son activité, cultive son patrimoine et prend sérieusement en compte le virage électrique amorcé sur les marchés de l’automobile et de l’utilitaire reste une belle rencontre ! Depuis 1889, Gruau a évolué selon l’esprit visionnaire commun à chacun des 5 dirigeants qui ont tous ajouté à l’histoire du groupe leur propre vision personnelle du management. Quand on sait que le premier d’entre eux, René le Godais, a fondé une nouvelle entité avec une équipe de 5 compagnons en débarquant à Laval (53) à l’âge de 50 ans, on peut imaginer le type d’ADN qu’il a transmis à ses successeurs !
Actuellement, Gruau est en train de réaliser un remarquable travail de référencement et d’archivage de tous les documents possédés ou retrouvés concernant son histoire, grâce à Lionel Dubois, un collaborateur entré au service de l’entreprise au début des années 1960. C’est lui la mémoire vivante de la société. Aidé de Béatrice Gruau Racine, sœur de l’actuel dirigeant Patrick Gruau, il effectue depuis quelques années un véritable travail de fourmi pour que toute information sur un modèle ou une adaptation puisse être retrouvé très rapidement.
Charrettes anglaises, cars pour l’armée, camions-magasins, véhicule de presse pour le rallye Paris-Dakar, livres de comptabilité, contrats commerciaux, etc. : ce sont plusieurs dizaines de milliers de documents en parfait état qui témoignent d’une saga à bien avoir en tête pour bien comprendre d’où vient le groupe Gruau, où il en est aujourd’hui, et vers quoi il se dirige… en conservant de façon centrale le cœur même de son activité : la construction-carrosserie !
A défaut de visiter l’espace patrimoine sur place, vous pouvez lire le numéro hors série 70 du magazine Charge Utile qui est intégralement consacré à « La carrosserie Gruau 1845 – 2012 ».
La mobilité électrique étant particulièrement présente sur le fil du changement de siècle, entre le 19e et le 20e, on pourrait imaginer que Gruau a un passé quasi ininterrompu avec les VE. Ce n’est pas le cas ! En revanche, si en 2017 l’Electron II symbolise le souhait de l’entreprise d’évoluer vers des véhicules plus vertueux pour l’environnement, presque 10 ans plus tôt, en 2008, le projet de Microbus, officiellement devenu réalité commerciale en 2004, glisse, avec Bolloré, vers une chaîne de traction complètement électrique. Derrière le Bluebus original, il y a du Gruau : il ne faudrait pas l’oublier ! En 2011 apparaît la première version de l’Electron, déjà sur base Fiat Ducato. L’année d’après, pour le compte de Renault, l’entreprise installée de longue date à Saint-Berthevin (53) livre 2 papamobiles électriques pour la résidence pontificale de Castel Gandolfo. Elles sont réalisées sur la base de Kangoo Z.E.
Environ 6 ans séparent l’Electron I de l’Electron II. Ce qui les identifie : une base Fiat Ducato. La chaîne de traction est en revanche complètement différente. Développée avec l’italien Micro-Vett, celle de l’utilitaire 3,5 tonnes de 2011 embarque un moteur d’une puissance maximale de 60 kW alimenté, au choix, par un pack de batteries lithium polymère d’une capacité de 32, 42, 52 ou 62 kWh, assurant une autonomie respective de 80, 105, 130 ou 155 kilomètres, selon la norme ECE 101.
Sur la nouvelle version, c’est l’équipementier français Actia qui a travaillé avec Gruau. Le moteur de 70 kW peut développer jusqu’à 90 kW en puissance de crête pour un couple de 220 Nm. Il assure le même niveau de service que les blocs thermiques 130 chevaux d’origine. Pour l’animer, 3 packs LFP (lithium fer phosphate) au choix, de 38, 51 et 58 kWh, pour des rayons d’action de 180, 242 et 268 kilomètres estimés par le cycle NEDC.
A ce sujet, Paul Mauxion, directeur des activités véhicules électriques de Gruau, modère au micro d’Automobile-Propre. « Sur la première configuration 38 kWh vous avez 90 kilomètres d’autonomie, sur la deuxième version entre 120 et 130, et sur la dernière configuration 150 ».Vitesse limitée à 90 km/h
Autre point commun entre les modèles 2011 et 2017, une vitesse limitée à 90 km/h. A nouveau une différence, le premier conserve la pédale d’embrayage et la boîte de vitesses mécanique d’origine, avec seulement trois rapports exploitables : seconde pour rouler de 0 à 60 km/h, troisième de 60 à 90, et marche arrière. L’Electron II s’en affranchit pour proposer une accélération quasi linéaire jusqu’à la vitesse de pointe, sans avoir à toucher un quelconque levier ou bouton. Un fonctionnement conforme à celui de la plupart des véhicules électriques du marché actuel. Trois modes de conduite sont à disposition : Normal, Eco et Neige. Ils jouent sur la puissance du freinage régénératif, le couple et la sensibilité de la pédale d’accélérateur.
Les packs de batteries sont idéalement répartis dans le châssis en fonction de sa longueur, avec la recherche du meilleur équilibre des masses.
Pour ravitailler les accumulateurs de l’Electron I, 8 heures étaient nécessaires à partir d’une prise industrielle, ou seulement 5, avec un chargeur externe supplémentaire optionnel. Désormais, l’engin accepte la recharge accélérée 22 kW AC proposé en très grande majorité sur les bornes qui se déploient en France.
Le connecteur type 2 se voit à peine en bas à droite de la calandre quand on regarde l’utilitaire de face. Pas plus de 2 à 3 heures de raccordement lui sont nécessaires pour retrouver son autonomie maximale. L’opération est également possible en 16 A. Comptez de 12 à 20 heures d’immobilisation dans ce cas. Les charges partielles sont, bien entendu, toujours possibles, voire même conseillées.
A l’intérieur aussi, les transformations apportées par Gruau sont discrètes. L’instrumentation au volant, au tableau de bord et le pédalier paraissent très proches de ceux embarqués par le Fiat Ducato. Même la jauge de carburant a été conservée pour le chauffage additionnel au gazole. L’option est d’ailleurs très intéressante si l’on veut préserver l’autonomie de l’Electron II en oubliant l’appareil électrique d’origine.
Toutes les informations spécifiques à la traction électrique sont regroupées sur un petit écran à gauche du tableau de bord. Ainsi l’autonomie estimée, la consommation électrique instantanée, le pourcentage de la capacité encore disponible dans les batteries, l’indicateur de charge/décharge et l’intensité du flux, le le mode de conduite actif, etc. Un petit afficheur circulaire posé au milieu du tableau de bord restitue les limitations de vitesse perçues par le système de détection et indique le temps qui sépare l’Electron II du véhicule qui le précède.
Une pédale d’embrayage sur l’Electro II ? Non, il s’agit d’un des moyens à disposition pour activer l’avertisseur piéton matérialisé par un son de cloche, comme sur certains bus. Il peut aussi être paramétré pour se faire entendre automatiquement au-dessous d’une certaine vitesse. Le frein de parking robotisé conserve l’usage du levier habituel, à gauche du siège du conducteur.
Globalement, pas besoin de beaucoup de temps afin d’assimiler les transformations apportées au Fiat Ducato de base pour devenir un utilitaire électrique. Une formation est toutefois dispensée aux futurs utilisateurs.
Première précaution à prendre avant de s’engager sur la route : comprendre le maniement du sélecteur de rapports. La grille, finalement simple, et bien reproduite sur la boule, n’est pas très habituelle pour un véhicule électrique. A l’usage, elle est en tout cas très efficace. Lors des manœuvres, enchaîner les modes R et D est d’une simplicité enfantine sans avoir à regarder le levier ou un point quelconque de l’écran : un bip signale la bonne prise en compte de la commande.
L’Electron est démarré, la marche avant enclenchée : le véhicule s’avance en silence dès qu’on effleure l’accélérateur. L’habitude de rouler en voiture électrique laisserait presque penser qu’il est un peu apathique. Ce n’est plus le cas si l’on change de référentiel, en retrouvant les souvenirs que l’on peut avoir de la conduite d’un Fiat Ducato diesel. La linéarité d’accélération, couplée à l’absence de changement de vitesse, lui donne même un avantage.
Silence à bord, absence de vibrations moteur, accélération et ralentissement en jouant d’une seule pédale apporte une ambiance à bord propice à une meilleure résistance à la fatigue. Le genou gauche n’a plus à souffrir à bord d’un utilitaire qui sera le plus souvent exploité dans les milieux urbains et péri-urbains. Le cerveau sera préservé de l’agression sonore que peut constituer le bruit d’un bloc thermique sur un fourgon. Et ce, d’autant plus que le conducteur n’oubliera pas de bien mettre son clignotant en changeant de file et se gardera de trop approcher du véhicule qui le précède. Dans le cas contraire, un signal sonore pourrait bien venir perturber sa quiétude. Conduire zen ne signifie pas d’oublier les plus élémentaires règles du code de la route, semble nous dire l’Electron II.
Difficile de donner l’autonomie réelle de l’utilitaire branché, ne serait-ce que dans la version fourgon et batterie 58 kWh qui nous a été confié. L’essai presse permettait de réaliser une petite trentaine de kilomètres. Un rapide calcul tenant compte de l’autonomie restante estimée par le système et de la capacité déjà grignotée par les précédents rédacteurs semble valider les 150 kilomètres annoncés par Paul Mauxion.
A vide, avec une conduite plus sage que celle de journalistes souhaitant jauger les accélérations du véhicule, on doit pouvoir faire beaucoup mieux sous une météo clémente. Entre les modes Normal et Eco, la différence est vraiment très perceptible. Selon l’accompagnateur Gruau, la puissance d’accélération reste tout de même intégralement disponible : il suffit d’appuyer plus à fond sur l’accélérateur pour la retrouver lorsque l’on conduit en mode Eco. Quoi qu’il en soit, il m’a semblé plus opportun de rester en mode Normal, ne serait-ce que pour s’extraire des ronds-points. A ce sujet, l’implantation des batteries dans le châssis est en plus, à la fois pour conserver le même volume de chargement que sur l’engin donneur, mais aussi pour virer avec moins de roulis.
Gruau travaille avec son Electron II à la demande, sans stock, sur une chaîne de montage courte pour l’instant. Les Ducato arrivent armés comme à l’origine. Le moteur thermique, la boîte de vitesses et d’autres équipements sont déposés, permettant la mise en place des éléments de la chaîne de traction électrique. Le catalogue est largement ouvert qui invite quasiment à sortir de son cadre !
L’Electron II est homologué dans les catégories N1, N2, M1 et M2, la masse des batteries étant déductible selon la législation en vigueur en France. Il existe dans les tailles standardisées M, ML, L et XL. Ne reste plus ensuite qu’à l’adapter aux activités des professionnels intéressés : fourgon messagerie et caisson (de 8 à 22 m3 utiles), transport jusqu’à 16 personnes avec éventuellement un équipement pour celles à mobilité réduite, sanitaire, frigorifique, benne, etc. Pour l’entretien ? Une vingtaine de sites habilités en France et une équipe volante sont en mesure d’intervenir sur la chaîne de traction. En dehors de cette dernière, le réseau Fiat est compétent.
Lors des essais presse qui ont eu lieu les 24 et 25 avril derniers, Gruau a indiqué un scénario espéré pour la diffusion de l’Electron II : 250 en 2017, pour arriver à 1.000 exemplaires d’ici 2 à 3 ans sur un marché annuel de l’utilitaire de 3,5 tonnes qui s’élève à 100.000 unités.
« On s’est donnés les moyens d’avoir de la flexibilité en termes d’acquisition du véhicule », indiquait Paul Mauxion lors de son interview à Ever, à retrouver à la suite du présent article. « La location des batteries en fait partie, si ce n’est que l’acquéreur a la faculté de racheter son contrat », poursuit-il, soulignant que « l’acquéreur n’est pas marié avec l’organisation Gruau électrique ».
Pour 59.000 euros HT le châssis simple carrossé en fourgon de 1,4 tonnes de charge utile (celui visible sur la vidéo et que nous avons essayé près de Laval en début de semaine), le loyer a acquitter mensuellement pour les batteries est de 297 euros pour le pack 38 kWh et 452 euros pour celui de 58 kWh, kilométrage illimité. A l’achat complet, la grille tarifaire démarre pour la même présentation à 79.000 euros HT (pack 38 kWh). Différentes formules de location à moyenne et longue durées jusqu’à 6-7 ans sont également proposées. L’ouverture des possibilités de financement est donc totale, ce qui pourrait faire la différence face à une concurrence plus frileuse.
Pour s’aligner sur un coût de détention ou d’usage d’un véhicule utilitaire 3,5 thermique classique, il faut compter 7 ans. Ce qui prédestine l’Electron II aux sociétés d’une certaine importance, même si des entrepreneurs plus modestes peuvent y trouver un moyen de valoriser leur image. Paul Mauxion plaide pour une réflexion approfondie : « On s’aperçoit que dans certains cas, là où il y a 2 véhicules thermiques en usage, on peut, avec des configurations métiers, et la bonne optimisation en termes de carrossage du véhicule, se dire qu’un véhicule peut en remplacer deux dans certains cas ».
Je remercie personnellement Patrick Gruau pour m’avoir permis de visiter le conservatoire de l’entreprise, une collection privée de motos anciennes, et de m’avoir appris qu’un élément d’une de mes voitures est sorti de son groupe. Un grand merci également à Lionel Dubois et Béatrice Gruau Racine pour avoir modifié à la dernière minute leur emploi du temps afin de me présenter longuement l’histoire passionnante de Gruau. Un dernier merci à Paul Mauxion pour sa disponibilité à Monaco et à Saint-Berthevin, ainsi qu’à tous les acteurs dans l’ombre des essais presse et en particulier Deborah.
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