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Aviez-vous remarqué cette remorque de la forme d’un van pour le transport des chevaux, aux couleurs d’Enedis, et utilisée lors du Tour de France pour la recharge des Skoda Enyaq de la caravane officielle ? Nous avons rencontré son concepteur Claude Le Brize.
« Deux semaines avant les premières restrictions pour contrer la pandémie de Covid-19, j’ai créé mon entreprise Drop’n Plug. Nous développons des solutions pour la recharge des véhicules électriques, notamment dans le pilotage des bornes », lance Claude Le Brize.
« Nous sommes aussi opérateur et avons déjà installé une centaine de bornes dans un rayon de 100 kilomètres autour de Rennes. À ce jour, c’est à l’hôpital de Cholet que nous avons réalisé notre plus importante installation avec 30 points de recharge. Nous avons aussi commencé à travailler dans l’est de la France avec Enedis-D », met en avant le dirigeant de la startup bretonne.
« Écrit en 2019, le projet de station mobile de recharge est toutefois antérieur », souligne-t-il.
« En janvier 2020, j’avais présenté à 2 amis mon idée : Rachel Guilloteau, alors cheffe de projets pour le pôle de compétitivité S2E2 des Pays de la Loire, et Emmanuel Heurtebise, attaché à la direction régionale d’Enedis. Ils m’ont tous les 2 bien soutenu », remercie encore Claude Le Brize.
« Mon projet de station mobile a été présenté à une AG de Smile, une structure créée en 2016 par les régions Bretagne et Pays de la Loire afin d’encourager l’innovation en matière de gestion intelligente de l’énergie. J’avais pour cela monté un dossier numérique de présentation de la station mobile », détaille-t-il.
« J’avais déjà envisagé mon prototype avec la couleur bleue d’Enedis. Je le voyais comme un outil de communication prouvant que le réseau électrique est accessible partout, en particulier exploitable par une station mobile de recharge. C’est pourquoi la remorque n’embarque pas de batteries encore aujourd’hui. Il serait cependant possible de lui ajouter un pack d’une capacité énergétique de 80 kWh », modère-t-il.
« Mon dossier est revenu de la direction régionale de Nantes, distingué comme “super projet” », se réjouit-il encore.
« En parallèle à l’avancée de mon idée de station mobile, l’organisation du Tour de France s’est retrouvée malmenée par la crise du Covid-19. Fin août 2020, le président de la région Bretagne, Loïg Chesnais-Girard, et Christian Prudhomme, directeur du Tour de France, avaient convenu ensemble qu’une commune du territoire serait choisie comme étape pour l’édition 2022 », expose Claude Le Brize.
La grande boucle pour 2021 devait démarrer au Danemark. Le coronavirus a rendu impossible ce scénario, reporté à l’année suivante. « Christian Prudhomme a alors demandé à Loïg Chesnais-Girard d’avancer d’un an la participation bretonne. Le président de région a négocié pour que ce ne soit pas une, mais les 4 premières étapes qui démarrent de Bretagne. Ce qui a été accepté. Cet accord a servi mon idée de station mobile », révèle notre interlocuteur.
« Début 2020, alors que mon projet débutait à peine, Hager annonçait la prochaine sortie d’une nouvelle borne de recharge qui inscrit son fabricant dans une véritable mutation. Auparavant, un électricien était dans son univers avec les anciens modèles. Ce n’est plus du tout le cas avec la nouvelle 22 kW AC qui emploie des microprocesseurs. C’est un véritable ordinateur », révèle Claude Le Brize.
« Ces bornes devraient être commercialisées dans le courant du premier semestre 2022. J’ai quasiment harcelé Hager pour pouvoir en disposer plus tôt pour ma station mobile. Au point que l’entreprise a accepté de m’en confier 2 prototypes avec le défi d’adapter dessus notre système de supervision. Hager ne m’avait pas communiqué les caractéristiques techniques précises de son matériel, mais j’ai pu répondre au challenge dans les 2 jours », explique-t-il avec la foi du passionné qu’il est.
« Hager a ainsi pu valider mes compétences. Il me fallait 10 exemplaires pour ma station mobile. C’était vraiment un pari osé d’expérimenter ainsi de nouvelles bornes complexes dans le cadre du Tour de France si médiatisé. En cas d’échec… », s’inquièterait encore presque Claude Le Brize, rétrospectivement.
« La chaîne de fabrication n’existait pas encore. Ça a été une véritable course contre la montre. Hager a demandé à son fournisseur à Singapour d’envoyer par avion les cartes électroniques nécessaires. Elles ont été récupérées sur le tarmac et montées dans l’urgence, sans pouvoir les tester complètement. Nous étions dans un scénario proche de celui d’un envoi d’organe pour une transplantation urgente », compare-t-il.
« Des tests plus poussés ont ensuite été effectués lors des essais de raccordement de la station mobile, sur le site de la direction régionale d’Enedis à Rennes. Et ça s’est bien passé », précise-t-il.
« Pour notre station mobile, nous avions pas mal de contraintes. Il fallait suffisamment d’espace et la possibilité d’embarquer une charge importante. Avec le van, nous disposons de 2,4 tonnes, selon les indications de la carte grise », répond Claude Le Brize.
« Par ailleurs, il fallait que les parois soient réalisées avec un matériau résistant à l’effet de cisaillement. Bien qu’elles soient amovibles, les bornes sont restées fixées à l’extérieur. Onze mille kilomètres ont été parcourus ainsi, dont 5 000 pour le Tour de France. Et rien n’a bougé », illustre-t-il.
« Nous avons mis 3 mois à trouver le modèle de van qui réponde à notre cahier des charges. En plus de l’installation de notre matériel, il a fallu suivre le maquettage fourni par Enedis afin de faire réaliser à Vitré le covering. Publi 7, qui était débordé par les demandes pour le Tour de France, a tout de même accepté notre demande. Notre station mobile était prête à peine 72 heures avant le départ des cyclistes », revoit-il encore.
« La région Bretagne a été en quelque sorte notre catalyseur. J’avais envoyé un premier dossier à Bretagne Développement Innovation. On m’a répondu que j’avais 48 heures pour remplir le formulaire de financement. Dans le cas contraire, je perdais un an », se rappelle Claude Le Brize.
« J’ai reçu une réponse très rapide. Mon projet se retrouvait intégré au programme birégional Smile. En novembre 2020, nous pouvions donc lancer la construction de la station mobile. Le timing pour participer au Tour de France 2021 était donc très serré », poursuit-il.
« Je suis parti sur une puissance maximale de 250 kVA, avec la possibilité de panacher AC, et DC jusque 50 kVA. Je l’ai d’ailleurs fait pour le Tour 2021 avec une borne DC limitée à 30 kVA », illustre-t-il.
« J’avais au départ envisagé un scénario sur 3 ans. Pour 2021, nous ne devions embarquer que des bornes AC 22 kVA. À noter que le nouveau matériel Hager présente un connecteur de Type 2, mais aussi, en dessous, une prise domestique E/F. Le panachage n’était prévu qu’à partir de l’édition 2022 », rapporte-t-il.
« Les étapes du Tour de France sont le plus souvent fixées dans des villes de 5 000 ou 10 000 habitants. Elles ne disposent pas, en général, de beaucoup de points de recharge. Car ce ne serait habituellement pas très utile, sauf, pour certaines, pendant les vacances. C’est là qu’une station mobile prend tout son sens. À l’avenir cette situation posera des problèmes pour les organisateurs du Tour de France. L’événement mobilise 1 800 véhicules », chiffre Claude Le Brize.
« Pour 2021, nous devions fournir l’électricité aux Enyaq du partenaire Skoda. Enedis voulait réussir son POC (preuve de concept) avec le constructeur. Il s’agissait de démontrer que, quel que soit le lieu choisi pour une étape, il serait possible de recharger tous les véhicules. Il y avait en tout 15 voitures électriques. Ford a aussi testé, avec succès, sa Mustang Mach-E. Pendant le tour, nous avons délivré 3 MWh à partir de notre station mobile », indique-t-il.
« Les bornes sont interconnectées et reliées directement à notre plateforme de supervision. Ce qui nous permet de dialoguer en permanence avec elles, de connaître les puissances appelées, et de gérer la distribution des recharges pour les VE connectés. Grâce à cela, nous pouvons servir les bornes et contrôler l’énergie distribuée sans prendre le réseau en défaut », schématise-t-il.
« Financée par Enedis, avec une contribution de la région, notre participation pour 3 personnes devait se limiter aux 4 étapes bretonnes. Enedis m’a demandé de prolonger avec la suivante, dans les Pays de la Loire. Je devais m’arrêter ensuite », raconte Claude Le Brize.
« Tout le monde a vite compris que les voitures électriques de la caravane rencontreraient au-delà des problèmes pour recharger leurs batteries. C’est pourquoi on m’a demandé de présenter un devis à l’organisateur ASO pour la quinzaine d’étapes suivantes, à l’exception de celle des Champs Élysées », se remémore-t-il.
« En définitive, avec l’objectif de soutenir l’effort de Skoda, c’est Enedis qui a tout pris en charge. L’entreprise a aussi supervisé les raccordements temporaires, m’évitant ainsi de pénibles démarches », a-t-il apprécié.
« Une heure suffit pour installer seul la station mobile. Elle a servi à d’autres manifestations que le Tour de France. Ainsi pour Electric Road qui s’est tenu à Bordeaux en octobre dernier. Jean-Patrick Teyssaire, son fondateur organisateur, avait entendu parler de ma remorque de recharge. Il m’a littéralement lancé un appel au secours, car il n’y avait pas, sur le site, de quoi recharger les véhicules de démonstration des concessionnaires. La station a délivré dans ce cadre 300 kWh d’électricité », évalue Claude Le Brize.
« Nous avons aussi fourni quelques centaines de kilowattheures pour la recharge des 13 voitures électriques engagées dans le rallye du Médoc, les 10 et 11 décembre 2021 », complète-t-il.
« Nous avons prévu de construire 5 nouvelles stations mobiles de recharge en 2022. Et ce, afin de répondre aux besoins exprimés par les organisateurs des événements auxquels nous allons participer », dévoile le fondateur de Drop’n Plug.
« Dans notre planning, nous comptons l’édition 2022 du Tour de France. Pour que cet événement majeur perdure, son bilan carbone doit diminuer. Notre station mobile est un bon moyen de montrer que c’est possible. Skoda a pris son bâton de pèlerin pour convaincre d’autres partenaires de passer à la mobilité électrique », assure-t-il.
« En novembre, 2 stations mobiles, avec panachage AC/DC, seront mobilisées une quinzaine de jours à Saint-Malo pour la Route du Rhum. Elles seront à la disposition des sponsors officiels et des particuliers », conclut-il. À noter que les bornes pouvant se décrocher du van, certaines sont munies d’un câble permettant de s’écarter jusqu’à 20 mètres de la remorque.
Automobile Propre et moi-même remercions Claude Le Brize pour son accueil sur le nouveau site de l’entreprise Emeraude Solaire, à Miniac-Morvan (35). Un grand merci également à un ancien interviewé, Benjamin Servan, qui a facilité la mise en relation avec le dirigeant de Drop’n Plug.
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