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Avec l’électrification à marche forcée, les grandes marques européennes de voitures de luxe sportif sont face à un défi inédit dans leur histoire.
Porsche, Ferrari, Lamborghini, Lotus, et même BMW, Audi et Mercedes… Tous ces prestigieux constructeurs ont déjà mis – avec plus ou moins d’engagement et de succès – un pied dans l’électrification, ou prévoient de le faire en travaillant déjà sur le sujet.
Avec son Taycan, dont le premier prototype fut dévoilé il y a déjà presque 10 ans, en 2015, Porsche fait déjà figure de pionnier et même de vétéran du secteur, non sans un certain succès, en tout cas au cours des quatre premières années de commercialisation de sa berline sportive électrique. Un succès qui devra se confirmer avec les ventes du Macan EV fraichement arrivé sur le marché, et sur lequel la firme de Stuttgart mise très gros, en attendant les Boxster et Cayman électriques en 2025. Audi et Mercedes ont rapidement suivi, avec des fortunes diverses et surtout parfois des stratégies assez peu lisibles et sujettes à de nombreuses volte-faces. Quant à BMW, la ligne semble claire, et le succès de ses modèles électriques ne se dément pas, venant confirmer qu’une stratégie volontariste, adaptée à la demande et compréhensible par le public finit toujours par payer.
Lotus dispose aujourd’hui d’une gamme de deux modèles 100% électriques, dont la sortie récente ne permet pas encore de savoir si le succès est au rendez-vous. Mais les spécialistes, puristes et nostalgiques du « light is right » cher à son fondateur Colin Chapman ont quelque peu tordu le nez en découvrant des modèles pesant allègrement plus de deux tonnes, même si leur puissance généreuse permet de compenser d’une certaine façon cet embonpoint.
On sait que Ferrari peaufine avec patience sa stratégie, comme on prépare la sortie d’un grand cru, et que la marque italienne entend frapper fort et ne pas se rater avec son premier modèle 100% électrique. Quant à Lamborghini, en attendant un hypothétique modèle 100% électrique qui fera sans aucun doute hurler les puristes de Dubai et de Monaco, la marque de Sant’Agata Bolognese a déjà lancé deux modèles électrifiés par hybridation, la Temerario et la Revuelto.
En tout cas, chez les deux icônes italiennes, on prend son temps puisque les modèles 100% électriques ne seront pas là avant au moins deux ou trois ans.
Et c’est justement tout le sujet : comment faire en sorte que l’électrification de ces marques iconiques ne leur fasse pas perdre leur âme, voire ne les conduise pas à leur perte. C’est certainement la question sur laquelle doivent travailler ardemment et non sans une certaine angoisse existentielle tous les bureaux d’étude, services marketing et de R&D qui font probablement face au plus grand changement de paradigme de leur histoire, à leur plus grand défi. Un défi à côté duquel l’émergence du digital et la refonte des interfaces pour rendre les voitures connectées doit un peu ressembler à du pipi de chat. Or l’on sait les difficultés que certains on déjà rencontré dans cet exercice, qui ressemblait pour certains constructeurs à une véritable révolution culturelle, au point qu’ils ont préféré s’en remettre aux géants du numérique plutôt que devoir eux-mêmes développer de zéro de nouveaux systèmes d’infodivertissement.
Car l’attrait des supercars est un cocktail subtil fait d’ingrédients où la performance – contrairement aux idées reçues – est loin d’être le seul composant. D’ailleurs, les aficionados l’ont bien compris quand ils ont vu des électriques abordables (c’est à dire de 60 000 à 100 000 euros) claquer au calme et en silence de meilleurs chronos que leurs voitures à 400 000 euros sur l’exercice du départ arrêté. Il est d’ailleurs assez amusant de constater que depuis qu’une Model 3 Performance accélère aussi fort qu’une Porsche 911/992S de dernière génération, comme par hasard, la mesure-étalon du 0-100 aurait perdu toute valeur auprès des petrolheads : « Gagner le Grand Prix de péages et des feux rouges n’a aucun intérêt, rendez-vous au premier virage, blablabla ». Bref des querelles de cour de récréation qui pourtant mobilisent encore toute une industrie pour définir qui a la plus grosse, autour d’une question centrale : quand une Tesla Model 3 Performance développe entre 460 et 530 chevaux (selon les sources et les millésimes) pour moins de 60 000 euros, comment se distinguer avec une voiture de même puissance qui coûte entre quatre et cinq fois plus cher ?
Heureusement, l’attrait des supercars est constitué d’autres ingrédients, à l’instar de ce qui fait la différence entre une Rolex et une Apple Watch, qui ont pourtant la même fonction finale, et alors que l’Apple Watch apporte une infinité de services et fonctionnalités supplémentaires, jusqu’à être capable de vous sauver la vie, ce qui justement n’a pas de prix. De quoi parle-t-on ? Pour les puristes, c’est avant tout une question de mécanique, à savoir un « vrai » moteur, qu’il soit composé de 6, 8 ou 12 cylindres, et d’une boite de vitesse, même séquentielle et robotisée. L’équation magique qui fait grimper l’émotion dans la moelle épinière au rythme de l’aiguille du compte-tours et des décibels joués comme une symphonie par les pistons en folie. Même si on est passé à l’électrique depuis longtemps et que le thermique n’est plus qu’un vague souvenir, ce serait être d’assez mauvaise foi de ne pas reconnaître que ce cocktail de sensations garde quelque chose de magique. On parle ici d’émotion, et c’est difficilement transposable en équation ou en algorithme. Pour poursuivre dans la métaphore, un Stradivarius coûte 1000 fois le prix d’un très bon violon, et pourtant il ne sonne pas 1000 fois mieux. Il y a autre chose, de l’ordre de l’irrationnel, du sensuel. Au-delà de cet aspect purement mécanique, d’autres éléments entrent en ligne de compte, comme le prestige de la marque, son histoire et ses succès en compétition, puis la qualité de fabrication, la ligne, évidemment, forcément bestiale et dessinée par les plus grands designers, et l’exclusivité.
Sur ces derniers critères, l’électrique n’a pas a rougir, et peut faire aussi bien, voire mieux, ce que démontrent justement une Taycan, la superbe Audi RS e-tron GT, ou encore une Lotus Emeya. Reste la motorisation. Même Rimac le reconnait et est contraint de faire machine arrière : sa démoniaque Revera 100% électrique peine à séduire les amateurs fortunés de belles mécaniques, sans que ce soit une question de budget, et encore moins de 0 à 100. D’ailleurs, le patron de Rimac le reconnait en utilisant à sa façon la comparaison avec une certaine montre : « Une Apple Watch peut tout faire mieux qu’une montre mécanique. Elle peut faire 1 000 choses de plus, elle est beaucoup plus précise, elle peut mesurer votre rythme cardiaque. Mais personne ne paierait 200 000 dollars pour une Apple Watch ».
Alors, quelles sont les pistes pour les grandes marques de luxe sportif pour convaincre leur clientèle de passer au tout électrique ? La première serait probablement de continuer à travailler sur la signature sonore de leurs pur-sangs – même si cela peut paraître futile, voire ridicule pour certains -, un sujet sur lequel Ferrari s’active très sérieusement en essayant d’inventer des solutions uniques et qui s’annoncent assez incroyables. Porsche avait également montré la voie avec la « sonorisation » de son premier modèle 100% électrique, que la marque nomme assez poétiquement « la voix du Taycan », reposant non pas sur un son de synthèse entièrement fabriqué par ordinateur, mais sur une amplification « sublimée » du son mécanique des moteurs électriques. Car pour Porsche, « Le bruit de roulement des pneus, la mélodie de la transmission, le fredonnement des moteurs ne sont pas moins expressifs que le son d’un moteur thermique. » Il faudra peut-être aussi suivre les traces de Hyundai qui a véritablement ébahi tous les observateurs et essayeurs avec sa Ioniq 5 N, sa boîte de vitesses virtuelle plus vraie que nature et ses montées en régime d’un autre monde. Une vraie leçon d’inventivité et de savoir-faire dont vont peut-être devoir s’inspirer des marques autrement plus huppées.
Anecdotique ? Pas vraiment. Des marques comme Ferrari, Lambo, Lotus ou Porsche sont non seulement des emblèmes d’un certain savoir-faire et d’un art de vivre à l’Européenne, qui participent à leur façon à une sorte de soft power du Vieux Continent, ou de ce qu’il en reste. Ce sont aussi et surtout, de façon très pragmatique, des entreprises très rentables employant dans d’excellentes conditions sociales des milliers de salariés dans leur région d’origine et dans le reste du monde.
Et l’enjeu ne concerne pas que deux marques. C’est toute l’industrie automobile haut de gamme européenne qui est à risque, à une époque ou une partie des jeunes générations se détourne de la voiture. L’électrification représente pour les marques européennes de luxe à la fois un risque et une opportunité. En Chine, où la technophilie conduit à acheter une auto comme on achète un téléphone, le marché s’éloigne de la vénération des marques traditionnelles pour valoriser des critères modernes : technologie, connectivité, performance logicielle. Face à cela, les constructeurs de luxe devront trouver de nouveaux moyens de se démarquer sans renoncer à leur histoire et à leur héritage.
Des marques qui vont devoir réellement se réinventer pour pérenniser leur attractivité à l’ère de l’électrique, a fortiori quand on voit ce que des pure players comme BYD, Xpeng, Tesla ou Lucid sont capables de proposer. A ce sujet, il sera intéressant de mesurer le succès d’un Tesla Roadster 2 quand il sortira – s’il sort un jour – et de voir si ce dernier capte une partie de la clientèle traditionnelle des marques sportives de luxe européennes, ou s’il conquiert un nouveau segment de geeks fortunés et plus jeunes, n’ayant plus du tout les mêmes codes ni les mêmes valeurs.
Auquel cas nos marques premium auraient peut-être réellement du souci à se faire. A moins que le salut des marques de luxe sportif passe par la fiscalité alourdie sur le thermique, ne laissant d’autre choix aux amateurs non multi-millionnaires de belles mécaniques que celui de se rabattre sur l’électrique encore épargné par le délire taxatoire qui semble s’être emparé de certains élus depuis quelques temps. Les impôts au secours des supercars, vous n’étiez pas prêts…
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