Prédictions 2023

Produits, usages, prix, réglementations, innovation, autant d’ingrédients qui vont constituer le cocktail de l’électromobilité en 2023. Voici nos prévisions.

En ce début de nouvelle année, après une décennie qui a vu réellement émerger un nouveau marché, celui de la voiture électrique, et après que celui-ci a commencé à trouver son public de façon de plus en plus massive, la question est de savoir si nous sommes déjà à un tournant.

La course contre la montre est en effet engagée pour les constructeurs automobiles et les consommateurs, puisque la décennie qui vient verra le déclin accéléré de la voiture thermique, avec pour perspective son interdiction à l’horizon 2035.

Tous les constructeurs dont désormais en ordre de bataille, et les années qui viennent promettent d’être aussi agitées qu’enthousiasmantes, en termes de marketing, mais surtout d’innovation. Avec une donnée nouvelle : les progrès technologiques devront désormais se faire non pas de façon débridée mais dans le respect de l’environnement, voire d’une certaine sobriété. Est-ce que cela sera propice à la créativité ou au contraire néfaste à l’innovation ? L’avenir le dira, et justement, à propos d’avenir, nous nous sommes livrés à ce petit exercice de prospective pour 2023.

Un exercice qui n’engage que nous, et que vous pourrez compléter, et bien sûr ressortir en fin d’année pour nous rappeler que nous nous sommes trompés sur pratiquement tout. Ou pas.

Voici comment nous voyons 2023 en 10 prédictions dans le secteur de la voiture électrique.

Une déferlante de nouveaux modèles

D’accord, c’est davantage une prévision qu’une prédiction, mais c’est la base si l’on veut se faire une idée du marché à venir. La première édition des Watts d’Or nous avait montré que 20 nouveaux modèles (et une cinquantaine si l’on comptait toutes les versions) étaient arrivés sur le marché français entre octobre 2021 et septembre 2022, ce qui est déjà massif. Nous parions qu’il en sera de même, et probablement plus, en 2023. Sans parler des plus attendus et des plus en vue, comme la Hyundai Ioniq 6 ou le très probable Tesla Cybertruck, qui feront toutes les unes, on s’attend aussi à voir débarquer du BMW, Chevrolet, Fisker, Polestar, Volvo, Lexus, VinFast, ou encore Ora. Et j’en oublie certainement.

Pas de petite Tesla mais une nouvelle Model 3

Le fantasme – ou l’espoir d’une “petite” Tesla Model 2 – présenté depuis quelques années par certains comme une certitude, semble ne pas vouloir se réaliser de sitôt, en tout cas pas avant deux ou trois ans. Elon Musk avait d’ailleurs douché les enthousiasmes il y a quelques mois en indiquant que ce n’était pas encore une priorité pour la marque. Nous pensons effectivement qu’il n’y aura rien de ce côté-là en 2023. En revanche nous persistons à penser que la Model 3 pourrait connaitre un sérieux restylage cette année, qui en ferait une sorte de Version 2 à l’instar de la Model S. Et nous parions toujours sur un tableau de bord revu, avec l’ajout d’un combiné d’instruments derrière le volant en plus de l’écran central. Bon ok, c’est peut-être un peu juste pour 2023 mais dans ce cas on prend les paris pour 2024.

La fin de la suprématie Tesla

Non, malgré la chute vertigineuse du cours de son action et le fait qu’Elon Musk semble passer plus de temps à troller sur son nouveau jouet Twitter qu’à s’occuper de son premier bébé, nous n’allons pas prédire la faillite de Tesla. En revanche, notre credo n’a pas changé : la marque californienne va progressivement rentrer dans le rang et sa part de marché devrait à terme rejoindre et se stabiliser autour des 20%. Qu’elle provienne de Chine, des USA ou d’Europe, l’offre des autres constructeurs devient de plus en plus fournie, et leur savoir-faire progresse à pas de géants. Pour chaque modèle de Tesla il existe aujourd’hui au moins deux ou trois alternatives crédibles (même si Tesla conserve encore de l’avance an matière de technologie embarquée et d’efficience). De plus, comme nous l’avions pressenti il y a deux ans, avec l’ouverture progressive de ses Superchargeurs aux autres marques et le développement très rapide des autres réseaux de recharge, Tesla perd peu à peu l’un de ses principaux avantages concurrentiels. Oui, sauf énorme coup de théâtre, Tesla est certainement là encore pour longtemps, mais va devenir un constructeur “comme les autres”.

La fin de la voiture autonome

Derrière cette affirmation quelque peu caricaturale et probablement exagérée, une réalité. Si une sorte de consensus s’est établi sur le fait que la voiture autonome de niveau 2 est une étape validée et relativement banalisée, les constructeurs – et le législateur, surtout en Europe – semblent peiner à passer au niveau supérieur, tant la complexité parait à ce stade devenir exponentielle. Un signe révélateur : après l’Allemagne en 2020, c’est la Californie, pourtant terre natale de Tesla, qui interdit au constructeur – et aux autres également – d’utiliser le terme de “conduite totalement autonome”. De fait, sur le papier, nombre de constructeurs prétendent maîtriser le niveau 3 et au-delà, mais dans la réalité, il semblerait que tout le monde, y compris les clients, se contente du niveau actuel, et que la promesse d’une voiture totalement autonome ne se réalise pas avant plusieurs décennies. Peut-être pas à cause de la complexité technologique, mais probablement davantage parce que… tout le monde s’en fout, et que ce n’est plus un argument commercial. Une sorte de “syndrome de la 3D”, technologie qui déferlait sur tous les téléviseurs il y a une dizaine d’années comme le truc incontournable du futur, et qui a complètement disparu aujourd’hui par manque d’adhésion du public, et parce que ça n’apportait rien, sinon de l’inconfort et du stress.

Les prix ne baisseront pas

Après avoir vraiment cru à une baisse à venir des tarifs de l’électrique, selon un mouvement logique qu’ont connues toutes les innovations technologiques touchant le grand public, il va falloir se faire à l’idée que cela ne sera certainement pas le cas, en tout cas à court terme, donc pas en 2023. Certes, des indices laissaient penser que cela finissait par arriver, notamment avec la sortie de la MG4, qui ouvrait, pensions-nous, la voie à de nombreuses concurrentes. Mais non en fait, la tendance est même plutôt à la hausse, y compris pour la susnommée. Et à part quelques promotions très limitées dans le temps, les tarifs des voitures électriques resteront élevés, y compris ceux des constructeurs chinois, qui semblent confirmer qu’ils se focalisent sur le moyen et haut de gamme. Les voitures électriques ne sont pas des smartphones, et contrairement à ce que l’on connait sur ce marché, il n’y aura pas un éventail de prix pouvant aller du simple au décuple pour pratiquement les mêmes prestations, comme ce que l’on peut connaître entre un Android low cost et un iPhone 14 Pro Max.

La foire aux SUV va se poursuivre

Soit le lectorat d’Automobile Propre n’est pas représentatif du grand public, soit la précision des études de marché des constructeurs laisse à désirer. Toujours est-il qu’à la lecture des commentaires ici et dans le forum, le décalage n’a jamais paru aussi grand entre vos aspirations et ce que proposent les marques. Si par ici les SUV sont conspués par la plupart, c’est exactement le contraire qui se produit sur le marché, où pratiquement aucune nouvelle voiture électrique n’est pas un SUV ou un crossover. Si l’on s’amuse à regarder les dernières nouveautés ou même les 20 voitures nominées pour les Watts d’Or 2022, on constate qu’une majorité écrasante de modèles est constituée de SUV (14 voitures sur 20 nominées était des SUV ou des crossover). Qu’on aime ou qu’on déteste, je crois qu’il va falloir s’y faire pour encore quelques années, même si le tableau des meilleures ventes de VE en France en 2022 semble contredire cette assertion, mais davantage pour des raisons financières, les voitures les moins chères étant souvent les plus recherchées, quelque soit leur format, en l’occurrence ici des petites citadines.

Un fort développement de la recharge à destination

Outre les grands réseaux qui se développent désormais au pas de charge sur les grands axes, avec de surcroit l’arrivée de nouveaux acteurs comme Engie sur les aires d’autoroute, de nombreux acteurs privés vont venir compléter l’offre de recharge. C’est le cas des hôtels, qui constituent déjà une très belle alternative en équipant leurs parkings de bornes de recharge, ce qui représente déjà plusieurs milliers de points de recharge à destination sur le territoire français, et probablement des dizaines de milliers à l’échelle européenne. L’évolution que l’on constatera probablement dans l’année à venir, puis les suivantes, consistera en une généralisation et une extension de cette prestation à toutes les catégories d’établissements, et pas seulement le haut de gamme. Les hôtels deux étoiles, et même les catégories économiques vont massivement s’équiper, mais pas seulement. Nous pressentons une explosion de l’offre dans les lieux de séjour de loisir comme les campings ou les resorts. En fait il va se passer avec les bornes de recharge dans l’hôtellerie ce qui s’est passé avec la TV et Canal Plus dans les années 90 ou le WiFi dans les années 2000 : d’abord une prestation distinctive et souvent payante réservée au haut de gamme, puis une extension à toutes les catégories, et pour certains la gratuité comme argument de vente.

La recharge va commencer à être rentable

Avec le fort développement du nombre d’immatriculations de voitures électriques neuves, la demande en points de recharge augmente mécaniquement, et devient plus récurrente, ce qui va lisser progressivement l’activité des stations de recharge, et donc leur profitabilité. Certains opérateurs indiquent déjà en off qu’ils voient la rentabilité se profiler à court terme, et nous sommes sur un marché qui n’est pas encore saturé, et où l’offre favorise la demande. Alors certes, la pression de la concurrence commence à être forte, et cela se traduit par des prix contenus, ce qui est favorable aux électromobilistes, mais les énormes investissements consentis pourraient commencer à porter leurs premiers fruits dès 2023.

Décollage du marché de l’occasion

S’il reste relativement confidentiel en raison d’une offre encore limitée, le marché de l’occasion de la voiture électrique devrait monter inexorablement en puissance dans les prochaines années, et nous parions sur un premier coup de boost en 2023. Pourquoi ? Parce que la première vague de voitures achetées il y a 5 à 7 ans va arriver sur le marché de l’occasion, et que vu la pression réglementaire et les prix encore élevés du neuf, nombre de clients pourraient se tourner vers un premier véhicule électrique de seconde main. Reste la question de l’inquiétude liée à la longévité de la batterie, mais des spécialistes comme Greenmove se sont placés sur ce créneau prometteur avec notamment des offres visant à rassurer sur ce point.

La radicalisation du sentiment anti-voiture touchera aussi les électriques

Écologie, craintes liées au réchauffement climatique, sobriété énergétique, crise de l’énergie, conflits… Autant de sujets qui cristallisent les peurs et favorisent les comportements extrêmes et les situations conflictuelles, avec en corollaire une sorte de focalisation sur l’automobile, et le symbole du mal absolu à combattre que celle-ci représente pour certains. Vous pensiez que la voiture électrique serait épargnée par cette vindicte de l’écologisme politique ? Ne rêvez pas, si jusqu’à présent elle a bénéficié d’un certain “état de grâce”, elle finira par y passer comme les autres, car le leitmotiv de cette fraction radicalisée de la population est tout simplement d’éradiquer l’automobile de la planète, puis, probablement, tout moyen de déplacement individuel autre que le vélo (ou les chaussures). Si vous vous sentez vertueux en roulant électrique, dites-vous bien que pour un activiste vert, vous faites partie du problème, et que vous aurez droit vous aussi à un dégonflage en règle. Cela devrait démarrer dès 2023, vous verrez.

En conclusion

Ce édito en direct de notre boule de cristal nous permet d’appréhender et mettre à plat les sujets qui aujourd’hui sont en pointe dans le secteur de l’électromobilité, pour le meilleur et pour le pire. Nous aurions aussi pu évoquer l’innovation en provenance de jeunes entreprises qui se focalisent sur une prestation (recharge, optimisation des batteries, planification d’itinéraires…) ou parler du rétrofit, mais le sujet est vaste et certaines tendances sont encore difficiles à anticiper. Rendez-vous en fin d’année, où nous ressortirons cet article pour le débriefer point par point.

En attendant, une très belle année à toutes et tous !