Le domaine de la voiture électrique n’est peut-être pas aussi simple qu’il n’y parait. Il est temps d’aider le grand public à mieux appréhender le sujet.
Alors qu’il y a encore seulement quelques années, le sujet de la voiture électrique ne concernait qu’une part infime des automobilistes, celle des férus d’innovation – souvent primo-adoptants –, et que les professionnels du secteur se comptaient presque sur les doigts d’une main, il touche désormais le grand public. Le très grand public, même, puisque selon divers sondages et enquêtes, il se dit que près de 6 Français sur 10 envisageraient d’acheter une voiture électrique[1] d’ici 2030 (chiffres très variables selon la date, la source et la proximité de l’achat).
Des chiffres d’intentions encourageants, mais qui masquent une autre réalité, que l’on constate fréquemment dans les marchés en forte croissance : le manque de « culture » du secteur en question. Si les très jeunes générations ne semblent pas avoir de problème (même s’ils sont encore assez rares, on commence à rencontrer de nouveaux conducteurs qui n’ont jamais possédé de thermique, et dont la première voiture est une électrique), il n’en va pas de même pour l’ensemble des futurs électromobilistes.
Avec une conséquence directe : comme pour tous les secteurs en développement exponentiel, l’acculturation, et même la formation, peuvent constituer un élément clé en matière d’acquisition des connaissances nécessaires, des bons gestes et des bonnes pratiques en vue de ne pas rouler « idiot ».
Car, contre toute attente, si la technologie est relativement simple, puisqu’une voiture électrique compte beaucoup moins de pièces que son équivalent thermique, et qu’un moteur électrique est moins complexe qu’un moteur à énergie fossile, le secteur donne l’impression – vraie ou fausse – de s’étoffer, de se spécialiser, et donc se complexifier au fur et à mesure qu’il grandit. Une tendance qui transparait notamment au sein des réseaux sociaux, où l’on ne compte plus les groupes et forums sur le sujet. Des groupes qui, loin de se cantonner à réunir les fans de diverses marques, agrègent également avec beaucoup de succès et d’engagement des milliers de membres autour de sujets comme les réseaux de recharge, les bonnes pratiques en matière de gestion de la batterie, ou encore les trucs et astuces pour améliorer la vie de l’électromobiliste.
Quand on observe ces forums, ou simplement quand on aborde le thème de la voiture électrique avec des personnes de son entourage, l’on comprend qu’il y a souvent plus de questions que de réponses, et que le besoin d’en savoir plus est prégnant au fil des discussions. De quoi s’interroger sur la pertinence de fournir un corpus de formation qui couvrirait l’ensemble des questions que pose la transition vers l’électromobilité.
Au-delà des mesures gouvernementales ou des propositions censées inciter à passer à l’électrique, le mot-clé semble être la vulgarisation. C’est déjà ce qu’Automobile Propre s’efforce de faire à travers ses rubriques comme La Minute Branchée, La question du jour, et même dans une certaine mesure avec son podcast.
Mais c’est loin d’être suffisant. En observant le secteur, on identifie essentiellement cinq grands thèmes sur lesquels une meilleure connaissance semble nécessaire de la part du grand public, qu’il s’agisse d’acculturation ou de formation à proprement parler. Les voici.
Lutte contre les fake news
C’est sûrement l’un des principaux enjeux pour une meilleure connaissance du sujet, notamment pour lutter de façon efficace contre les préjugés, les idées reçues et tout simplement l’intox autour de la voiture électrique. L’idée n’est pas d’affirmer à tout crin que cette dernière est LA solution ultime et unique à tous les problèmes de la planète, mais de dire qu’elle peut – à défaut d’être totalement propre – d’une certaine façon contribuer à rendre les déplacements moins polluants. Il suffit de parcourir encore une fois les réseaux sociaux pour réaliser à quel point la tâche est immense, tant les fausses informations circulent sur le sujet, avec souvent ce petit fumet complotiste qui évoque même parfois la rhétorique antivax. Encore une fois, Automobile Propre fait le job, mais il faudrait une vraie task force d’experts pour faire œuvre de pédagogie en toute transparence sur les plateformes. Il y a du boulot.
Formation à la connaissance des fondamentaux de l’énergie électrique
Pas sûr qu’aujourd’hui la majorité des apprentis électromobilistes fassent vraiment la différence entre kW et kWh (même nous, il nous arrive de nous tromper, même s’il s’agit le plus souvent d’une faute de frappe). Pareil pour comprendre la subtilité entre une infrastructure 400 volts ou 800 volts, et leurs conséquences sur la puissance et le débit de charge. Sans parler des bonnes pratiques à la borne de recharge, ou de la façon de bien utiliser le freinage régénératif (ou pas) pour obtenir un peu plus d’autonomie. D’ailleurs, commencer par compulser un bon lexique serait une bonne idée.
Formation à la conduite
Certes, les fondamentaux restent les mêmes, mais conduire une voiture électrique représente tout de même une expérience différente, et souvent nouvelle pour certains utilisateurs. Passons sur l’absence de boîte de vitesse qui surprendra surtout ceux qui viennent d’une thermique à boîte mécanique, mais peut-être aussi ceux qui utilisaient déjà une boîte auto. Car là, à part sur la Porsche Taycan ou l’Audi e-tron GT, il n’y a plus de boîte du tout, ce qui induit un changement d’attitude dans le dosage de la pédale d’accélérateur… et l’absence de levier ou de palettes. Idem pour la gestion de la puissance, souvent immédiate, notamment en raison du couple important des moteurs électriques, ce qui peut parfois surprendre. Apprendre à anticiper le comportement des piétons qui ne vous entendent pas arriver malgré l’AVAS devrait aussi faire partie du cursus de l’élève en conduite électrique. Quant au freinage régénératif, crucial en électro-conduite, voir chapitre précédent.
Formation à la gestion de la charge
On évite de charger au-delà de 80 %, et ce pour plusieurs raisons. D’une part pour ne pas squatter inutilement un chargeur public si d’autres attendent leur tour, mais aussi pour ménager ses batteries, qui n’apprécient pas trop les charges trop importantes répétées de façon fréquente. Enfin parce que la courbe de charge a cela de particulier qu’elle s’effondre souvent au-delà de 80 %, ce qui est totalement contre-productif en termes de gestion du temps de trajet. Il y a énormément d’autres facteurs qui interviennent dans la gestion de la charge et qui nécessiteraient probablement une bonne formation, ou au moins une initiation. Connaître, installer et prendre en main les bonnes apps spécialisées comme ABRP (entre autres) pourrait faire partie du cursus.
Formation des vendeurs
Nous l’avons déjà évoqué, une bonne formation des vendeurs en concession est primordiale. Si cette dernière a probablement fortement progressé au cours des mois, il reste encore sûrement du chemin à faire pour que ceux-ci possèdent l’expertise et l’expérience que l’on est en droit d’attendre d’eux quand il s’agit de dépenser une somme conséquente pour passer à l’électrique.
Alors, qui s’y colle ?
On le voit, le sujet est vaste, l’innovation y est incessante, et les acteurs de plus en plus nombreux. De quoi ouvrir un boulevard pour imaginer des modules de formation pour tous publics qui seraient propices à une transition énergétique plus rapide et mieux comprise. Reste à savoir qui est à même de s’emparer du sujet. L’état ? Des organismes spécialisés ? Les marques automobiles ? Des médias comme Automobile Propre ? Probablement un mix de toutes ces compétences (même si l’on sait que l’état n’a généralement pas bonne presse dans ce type d’initiative).
En tout cas il y a de la matière pour qui veut réellement faire œuvre de pédagogie.
[1] source
Commentaires
J'ai vu pas mal d'arguments intéressants dans les commentaires qui défendent ou discréditent la VE.
Mais je pense qu'il faut prendre un petit peu de recul et se rappeler pourquoi on s'est "e**erdés" à inventer la voiture électrique.
Alors certes, il y a un besoin de pédagogie sur la VE, comme pour toutes les nouvelles technologies.
Mais là où ça pèche énormément c'est au niveau de la compréhension, par le grand public, de la complexité et de la gravité du changement du climat. (Et à ce niveau ci les fake news sont d'un autre ordre de grandeur).
La communauté scientifique s'est penché sur le sujet depuis suffisamment longtemps pour qu'on puisse en conclure avec certitude que la combustion effrénée de combustibles fossile nous mène droit dans le panneau. Seulement voilà, le déni est très fort tant qu'on a pas reçu eu une explication claire et complète du problème.
Ce qui fait que je suis prêt à parier que, même sur ce forum, plus de 50% des gens considèrent la modification du climat comme un problème certes, mais un problème parfaitement gérable qui n'affectera pas tant que ça nos modes de vie...
Je vais être parfaitement honnête avec vous. Je ne me suis pas acheté une VE pour des raisons écologiques mais financières (A la longue ça me reviendra moins cher). C'est seulement après mon achat que je me suis repenché sur les questions énergétiques et climatiques et je suis vraiment tombé de ma chaise quand j'ai réalisé quand fait je n'avais jusque là pas compris grand chose au problème, alors que j'ai pourtant une formation scientifique...
Bref, revenons à nos moutons.
Concernant la VE il faut être parfaitement honnète. Aujourd'hui, le passage à l'électrique ne se fait pas sans un certain nombres de compromis. Elle nécessite vraiment un changement dans nos habitudes et les trajets longs sont clairement plus compliqués qu'avec une thermique.
Mais soyons réalistes. Ces inconvénients, aussi chiants et nombreux soient-ils, sont incroyablement anecdotiques face à toutes les **** qu'on risque de se prendre dans la figure quand on verra le prix des denrées alimentaires augmenter, conjugué à l'immigration climatique, conjuguée aux conflits sociaux, conjugués à l'augmentation du coût de l'énergie, etc...
L'avenir de la voiture électrique est vraiment incertain, mais celui de la voiture thermique est écrit dans le marbre.
A mon avis le plus difficile n'est pas tellement de bien gérer sa VE, c'est plutôt d'avoir suffisamment de connaissance du sujet pour faire le bon choix de modèle quand on veut s'en acheter une !
Sinon, comme pour l'eau en bouteille, on peut se laisser guider par la publicité pour choisir sa marque et son modèle, mais ça me semble assez risqué (on risque fort d'acheter un modèle où le concessionnaire marge bien, mais qui est inadapté à nos besoins et contraintes)
C'est pour cela que personnellement je fais l'effort de suivre chaque semaine l'essentiel des articles et commentaires de ce site internet, afin d'être capable, le jour où je serai décidé à franchir le pas, de savoir par avance et par moi-même le modèle qu'il me faut, sans attendre les conseils intéressés du commercial.
Mais c'est beaucoup de boulot ! Et ça évolue sans cesse !
Mais si on ne prend pas le train en marche dès le début on va être méchamment largués !
Merci à tous pour vos commentaires très instructifs et cela fait avancer le débat j’espère que Hyundai et consorts lisent attentivement tous ce que vous dites.
Mais oui, ce qu'il faut pour que les gens comprennent l'urgence climatique et le besoin de se retrouver a prendre des crédits à vie pour avoir un déplaçoir qui ne leur convient pas, tout en ayant a supporter le vrombissement des 40 éoliennes de 300m de haut au bout de leur jardin, c'est évidemment un SÉJOUR EN CAMP DE RÉÉDUCATION.
Bonjour,
Personnellement, quand on m'interroge sur l'autonomie, je précise bien que l'autonomie WLTP est un chiffre artificiel dont la seule utilité pour moi est de comparer les autonomies. Puis je précise en citant la différence entre 130 km/h ou 80km/h et même 40 km/h.
(Mais en thermique le problème est voisin quant aux différences en fonction de la vitesse, mais ça ne se voit pas, il suffit de s'arrêter à la pompe)
non, en thermique ce n'est pas pareil car en ville on consomme souvent plus qu'à 90 (voir même à 110) stabilisé.
le thermique dispose d'une boite à vitesses pour baisser la consommation à vitesse élevée,
l'électrique ne consomme rien quand la voiture n'avance pas (ce qui représente une part non négligeable des trajets en ville).
C'est vrai, c'est pourquoi j'ai mis "voisin" et non "pareil"