Si cette fonctionnalité pourra sembler peu importante pour beaucoup de lecteurs, elle ouvre les productions du constructeur américain à nombre de scénarios susceptibles de rendre plus désirables les voitures électriques. En particulier comme maillon facilitant le déploiement des énergies vertes et participant à l’équilibrage des réseaux électriques.
Découverte inopinée
Dans un article daté d’hier, mardi 19 mai 2020, Electrek met au jour qu’un « ingénieur impliqué dans le démontage d’une Model 3 a montré que le chargeur embarqué de Tesla est prêt pour la recharge bidirectionnelle ». Le constructeur pourrait potentiellement activer cette fonctionnalité V2G (de véhicule à réseau électrique) sur un parc de 100.000 véhicules électriques.
En juillet 2018, Elon Musk indiquait dans un Tweet que « très tôt, nous avons pu utiliser nos voitures comme source d’alimentation » et envisageait de « revoir cela ».
Le point faible de la recharge gratuite en cours d’élimination
Lorsque les Tesla étaient vendues avec un accès illimité et gratuit aux superchargeurs, ouvrir le V2G aurait forcément donné lieu à des utilisations abusives. Après un passage par une station du constructeur, il aurait alors été possible d’alimenter en électricité sans frais le bureau ou une partie de la maison. Un scénario qui aurait pu coûter cher à Tesla.
Maintenant que le pourcentage de véhicules associés à la recharge gratuite sur superchargeurs devient négligeable, il est temps de faire entrer ces voitures électriques américaines dans une autre dimension. D’autant plus que la marque encourage de faire le plein d’énergie à domicile, en particulier via les solutions solaires commercialisées par l’entreprise.
Avant de mettre au milieu des réseaux électriques les modèles Tesla, il faudra au constructeur un long chemin de validation et établir des partenariats stratégiques dans le domaine du V2G.
V2x
Concrètement, et pour rappel, les architectures V2H (Vehicle to Home, de la voiture à la maison), V2B (Vehicle to Building, de la voiture au bâtiment), et V2G (Vehicle to Grid, de la voiture au réseau), résumées en V2x (Vehicle to everything, de la voiture à toute application), permettent, via la recharge bidirectionnelle, de puiser de l’énergie dans les batteries des voitures électriques et hybrides rechargeables branchées pour alimenter en électricité une maison, un immeuble ou soutenir le réseau national.
Ce qui passe par une gestion très fine de la flotte des véhicules qui devront avoir suffisamment d’autonomie lorsque leurs utilisateurs auront besoin de les utiliser.
En France, on estime que cette solution permettrait d’éviter l’ouverture de nouveaux réacteurs nucléaires pour faire face à la demande croissante en électricité, et, surtout, aux pics de demandes de plus en plus importants à certaines heures.
Des constructeurs précurseurs
Quelques constructeurs, principalement japonais, ont une longueur d’avance sur le sujet V2x. Lesquels ? En particulier ceux qui s’accrochent encore au standard CHAdeMO qui rendait possible déjà il y a quelques années la recharge bidirectionnelle. On y vient également avec Combo CCS désormais.
C’est d’abord Nissan qui a multiplié les communications, les partenariats et les démonstrateurs pour une ville, des entreprises, des bâtiments et des réseaux où les voitures électriques viennent participer à l’équilibrage de l’alimentation, à assainir l’empreinte polluante de la production d’énergie, et à réduire les factures d’électricité.
Avec des batteries de capacités énergétiques modestes, Mitsubishi commercialise déjà une offre baptisée Dendo Drive House pour produire, stocker et rediffuser l’énergie. Elle se compose, en plus du véhicule, de panneaux solaires à installer sur le toit de la maison ; d’une batterie de stockage tampon, d’un chargeur bidirectionnel, et d’un système de gestion de l’énergie domestique.
Unité de secours
Avec le pack 13,8 kWh d’un Outlander hybride rechargeable, Mitsubishi assure qu’il est possible d’alimenter pendant une dizaine de jours les consommateurs habituels d’une maison, hors chauffage électrique. Alors avec une batterie 75 kWh de Tesla Model 3…
En Europe, nous sommes peu sensibles à une unité de secours qui s’appuierait sur une ou plusieurs voitures électriques. Au pays des cerisiers, mais aussi des typhons et des tsunamis très destructeurs, cette architecture commence à se répandre.
Autre lieu : l’année dernière, la Californie a également été le théâtre de catastrophes à répétition qui obligent ses habitants à sécuriser davantage encore leur vie quotidienne. Il ne serait pas étonnant que Tesla propose, avec ses voitures électriques, sa propre solution de secours, exploitable aussi dans des territoires dépourvus d’accès à un réseau électrique.
Et l’usure des batteries ?
Nombre de détracteurs de l’utilisation des véhicules électriques dans une architecture V2x redoutent l’usure prématurée des batteries avec cet incessant jeu de décharge/recharge. Force est de reconnaître que nous n’avons pas de recul suffisant pour estimer le phénomène. Les constructeurs à la pointe sur ces solutions prétendent qu’il est négligeable, sans fournir de chiffres vérifiables.
C’est sans doute cette inconnue qui les motivent à mettre régulièrement en avant une rémunération possible des propriétaires des voitures branchées ainsi exploitées. Une manne qui serait largement suffisante pour faire oublier une durée de vie écourtée pour les packs.
Avant que les particuliers n’acceptent de jouer le jeu, ce sont les entreprises qui devront montrer l’exemple. Où trouver des flottes de Tesla ? Chez les taxis et VTC !
Cher Monsieur Schwoerer, l’adresse que vous donnez pour se documenter donne seulement accès à la déclaration de Nuvve, et non aux discussions qu’elle ouvre, c’est un peu dommage pour le lecteur. Je donne ci-après un aperçu des réponses données par Nuvve aux questions qui lui ont été posées (l’électromobiliste comprendra facilement la nature des questions et objections) :
Le V2G rallonge la durée de vie des batteries
En fait le V2G préserve la batterie et peut même étendre sa durée de vie car la batterie n’est pas profondément cyclée. Elle ne subi que des charges ou décharges extrêmement douces pour le V2G, comparées à celles violentes liées à des accélérations ou freinages en conduite. Bientôt les batteries devront supporter des recharges rapide à 350kW, seront plus grosses (100kWh) et pourront dépasser les 5000 cycles. L’impact de rendre des services système sera alors insignifiant.
Les dégradations calendaires et liées aux températures extrêmes sont mitigées par une utilisation fine dans des gammes de paramètres définis en étroite collaboration avec les constructeurs, ce qui leur permet de maintenir leur garantie constructeur.
Nuvve dispose de près de 100 000 heures d’expérience cumulés d’opérations V2G sans avoir rencontré de problème de dégradation.
Quant bien même le service V2G dégraderait la batterie, il suffit à l’algorithme d’arbitrer entre ce coût de dégradation et le bénéfice tiré du service.
Plusieurs études récente ont étudié cette préservation des batteries par le V2G, entre autres :
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0360544217306825
https://www.researchgate.net/profile/Andrew_Thompson49/publication/32386…
L’arbitrage n’est qu’un cas d’usage parmi beaucoup d’autres. Il y a aussi les services systèmes ou derrière le compteur. Si le delta de prix se réduit, c’est la rentabilité des batteries stationnaires et autres moyens de stockage dédiés qui sera affecté en premier, avant le V2G, car la batterie des véhicules a été payée par ailleurs, pour l’usage mobilité. Ses coûts sont donc moindres puisqu’il n’y a pas d’investissement à amortir.
La pointe de 19 h ne dure justement que 2H.
Le V2G est une technologie pour l’optimisation à l’échelle de temps hebdomadaire. Quand un conducteur rentre chez lui, sa batterie est quasiment pleine s’il ne s’en est servi que pour un déplacement pendulaire ou s’il l’a rechargée sur son lieu de travail. Elle est alors disponible juste au moment où la consommation culmine. La pointe de 19 heure ne dure en fait que 2 heures. La voiture a ensuite toute la nuit pour se recharger.
Même les semaines sans vent, il fait jour, les fleuves coulent et les centrales nucléaires produisent. Au cours de ces journées il y des heures creuses ou ces capacités ne sont pas utilisées à plein. C’est alors que les véhicules peuvent être rechargés, par exemple la nuit, pour se décharger en support du système, par exemple lors de la pointe du matin.
Le V2G est bien plus versatile que la recharge intelligente
Le V2G permet de faire bien plus que seulement des services systèmes, par exemple des services de flexibilité pour le réseau de distribution (évitant des investissements en renforcement) ou des services derrière le compteur (comme la maximisation de l’autoconsommation et la réduction de la puissance souscrite).
La principale limite de la recharge intelligente (c’est-à-dire unidirectionnelle pilotée) est qu’une fois la batterie pleine, elle ne peut plus rendre de services. Or les véhicules parcourent en moyenne 27 km par jour je crois, donc la recharge quotidienne des batteries dure peu de temps. Le V2G bidirectionnel permet de fournir des services indéfiniment, la batterie pouvant être constamment chargée et déchargée.
Selon les études, le V2G peut fournir entre 6 et 13 fois plus de service que la recharge intelligente.
Par exemple http://orbit.dtu.dk/files/125363562/Economic_Comparison_of_Electric_Vehi…
En terme de valeur, une récente étude de modélisation sur la Californie montre que le V2G aurait 9 fois plus de valeur en terme d’investissements évités que la recharge intelligente. https://www.researchgate.net/publication/325164093_Clean_vehicles_as_an_…
Aucune subvention n’est nécessaire pour le V2G, juste un cadre réglementaire juste, qui ne privilégie pas une technologie de flexibilité par rapport aux autres.
A 19 h, consommateurs chez eux + voiture garée = V2G
Au retour du travail vers 19h les véhicules des consommateurs sont branchés et disponibles pour participer à la pointe. En effet, le véhicule n’aura effectué que quelques kilomètres dans la journée et aura peut-être même été rechargé dans l’après-midi. C’est alors une ressource idéale pour passer la pointe du soir en déchargeant sa batterie dans la maison ou l’immeuble. Il restera ensuite toute les heures de la nuit pour être rechargé.
Les batteries des véhicules électriques permettent de déplacer une production d’énergie à une période de demande de consommation. Si il y a du vent et peu de consommation (ex : la nuit) on peut stocker puis décharger en période de consommation (ex : le jour).
Lors de périodes sans vent, on peut faire tourner à plein régime les centrales nucléaires, 24h sur 24. Par exemple, au lieu de les ralentir la nuit, on charge les batteries des véhicules que l’on décharge ensuite lors des périodes de consommation de la journée ou la ressource éolienne fait défaut.
Le G2V et le stockage stationnaire Tesla nous sommes prêt! Et nous demandons que cela👍
https://ibb.co/7t4BdQy
« En France, on estime que cette solution permettrait d’éviter l’ouverture de nouveaux réacteurs nucléaires pour faire face à la demande croissante en électricité » … là, je « monte aux soupapes » : premièrement, « éviter l’ouverture de nouveaux réacteurs nucléaires » n’est pas souhaitable pour la France. Faux !!! Nous en aurons besoin, c’est notre fierté nationale, c’est de la haute technologie de production décarbonée à très forte valeur ajoutée. De l’énergie concentrée. Il ne faut surtout pas sacrifier notre filière nucléaire civile (et militaire d’ailleurs également). Deuxièmement, un petite calcul simple montre que le V2G « véhicule to grid » dans le meilleur des cas, apporterait 1 centième de la production d’un réacteur nucléaire : un réacteur, c’est 5, 6, 7 TWh par an environ, selon sa puissance nominale et son coefficient de disponibilité, 70 %, 80 %, même 90 % pour le futur EPR. Disons seulement 4 TWh / an pour simplifier, soit 4 milliards de kWh (4 E9 kWh ou 4 E12 Wh). Prenons 10 000 TESLA – dix-milles – chacune avec une batterie de 80 kWh qui restituerait au réseau toute son énergie, disons, 1 fois par semaine, 50 semaines par an, je suis « optimiste ». Nous arriverions alors à 10 000 x 80 kWh x 50 = 40 millions de kWh soit 40 E6 kWh. Je fais abstraction du rendement charge ==> décharge au réseau. Si je compare à 4 E9 kWh par an pour un réacteur, je vois juste 100 fois moins !! Il faudrait un peu revenir aux réalités scientifiques et technologiques. Troisièmement : si un grand pays riche développé comme la France en arrive au point de devoir faire soutenir son réseau électrique aux heures « critiques » par les milliers de batteries de véhicules électriques, je pense simplement que c’est la honte pour nous, le début de la faillite, en fait le glissement certain vers le sous-développement. Pour moi, le seul expert reconnu réaliste en matière de politique énergétique est Jean-Marc JANCOVICI – un très bon communicant vulgarisateur – et non pas tous ces « décideurs » politiques ignorants en la matière, et donc incompétents, qui prennent les décisions. Honte à eux !
Cher Monsieur Schwoerer, vous êtes insuffisamment informé, semble-t-il. L’usure des batteries par l’usage du V2G a été largement documentée par les ingénieurs de Nuvve, vous en trouverez trace par exemple dans Commission Nationale du Débat Public, PPE, Cahier d’acteur n° 85 juin 2018. Dans la discussion qui suit l’article, si je me souviens bien, Nuvve assure avoir simulé l’équivalent de 100 000 décharges/recharges sans effet notable sur les batteries, étant entendu que ces décharges/recharges n’ont évidemment pas la même intensité en usage V2G que lors de la conduite ou de la recharge sur borne rapide. N’étant pas ingénieur je ne me prononcerais pas sur les résultats annoncés, mais j’utilise une borne Nuvve et je vous assure qu’elle fonctionne très bien. C’est une étude qui date de 2018, et je suppose que depuis on doit avoir davantage de données sur la question ; en tout cas il me semble que vous êtes mieux placé que moi pour y accéder, je suppose.
VE+PV = achat d’électricité divisée par 2 (et zéro carburant off course)
VE+PV+V2H = plus de facture du tout…
La supercharge gratuite n’a jamais été un problème pour la charge bidirectionnelle. On peut très bien imaginer l’interdire logiciellement pour ces clients particuliers, c’est facile à faire. Et s’ils souhaitent vraiment bénéficier du V2x, il suffit de leur faire abandonner la supercharge gratuite illimitée en échange. Paf, un client payant de plus.
Les gouvernements jettent l’argent par les fenêtres, les politiques brassent de l’air et Tesla avance…