Avec l’arrivée massive de voitures électriques, les entreprises pétrolières vont devoir drastiquement évoluer. Dans ce contexte, les propos du PDG d’ExxonMobil ont de quoi étonner, au moins de prime abord.

Si les compagnies pétrolières ont entrepris de changer, comme en témoigne notamment la diversification de Total en TotalÉnergies, on n’imaginait pas qu’elles puissent apporter leur soutien à l’électrification massive.

Et pourtant, le PDG d’ExxonMobil a déclaré auprès de CNBC que toutes les voitures seraient électriques en 2040. Darren Woods, c’est son nom, était présent pour parler des ambitions et actions climatiques d’ExxonMobil.

L’Américain a fait des efforts pour montrer, au moins en façade, un soutien inconditionnel à l’électrification. Celui qui dénonçait cette même électrification en 2017 a également révélé soutenir la réduction des émissions de CO2 dans le monde.

Cette posture a de quoi faire sourire, même de manière cynique, tant ExxonMobil est l’un des plus gros pollueurs au monde. La firme est d’ailleurs la quatrième entreprise pétrolière ayant émis le plus de CO2 depuis 1965. En 57 ans, elle a ainsi rejeté 42 484 millions de tonnes de dioxyde de carbone.

On sait aussi qu’ExxonMobil avait des certitudes sur le désastre climatique lié aux énergies fossiles depuis 1981. Mais pendant plusieurs décennies, la firme a assuré qu’il n’en était rien, allant jusqu’à mener une campagne pour « contester la science climatique et affaiblir les contrôles sur les énergies fossiles », comme l’avait révélé Oxfam.

Un nouvel état d’esprit, vraiment ?

Sachant cela, les propos de Woods semblent ainsi très raisonnables. On sait par exemple qu’Aramco, le pétrolier le plus polluant au monde, prédit que 90 % des voitures auront encore un moteur thermique en 2050. Deux entreprises, deux ambiances… du moins en surface.

En réalité, il y a plusieurs raisons qui font qu’ExxonMobil ne s’inquiète pas de cette transition. C’est pour cela que Woods est bon joueur et assure qu’il n’a aucun problème avec l’électrification.

À lire aussi Total change de nom et devient TotalEnergies

Selon lui, la demande en carburant resterait forte, même si les ventes étaient purement électriques dès 2040. Il révèle que les besoins en essence reviendraient au niveau de 2013 ou 2014 et assure ainsi que l’entreprise resterait bénéficiaire dans ce cas.

Mais les manœuvres d’ExxonMobil et de son PDG découlent d’un calcul bien spécifique. Et en creusant un peu, il est facile de s’apercevoir que le pétrolier a même un avantage à une certaine raréfaction de la demande en carburant, puisque les prix augmenteraient.

Exxon, un ami qui ne vous veut pas du bien

Dans un contexte de guerre en Ukraine et d’électrification, il était étonnant de voir un pétrolier demander la hausse des prix des énergies fossiles. C’est pourtant ce qu’a fait Woods dans cette interview pour CNBC.

Selon lui, cela permettrait de soutenir les entreprises pour qu’elles se lancent dans la capture du carbone. Une technologie dans laquelle tente justement de se lancer… ExxonMobil !

En faisant augmenter les prix du carbone – parmi d’autres énergies fossiles – Exxon pourra revendre plus cher celui qu’il capturera. Quitte, évidemment, à peser sur le portefeuille des ménages en bout de course, puisque cela provoquera une augmentation du prix des carburants.

Déjà l’an dernier, un actionnaire de la firme avait tenu des propos expliquant que cette technologie était bonne pour Exxon, puisqu’elle améliorait son image tout en permettant de faire du profit ailleurs que dans la production et commercialisation de carburant.

Améliorer son image en faisant du profit, voilà ce que cherche ExxonMobil avec la hausse des prix du carbone. C’est même un double bénéfice puisqu’en plus de faire du profit sur le « nettoyage » de l’air, la firme peut aussi faire relativiser son bilan global par ce même moyen.

Le greenwashing pour se laver les mains

Un bilan global qui n’effraie d’ailleurs pas son PDG, qui a refusé d’endosser une quelconque responsabilité sur le dérèglement climatique. « Il a toujours été connu que le CO2 dans l’atmosphère présente un potentiel de réchauffement », a-t-il déclaré.

À aucun moment Woods ne pense que l’Homme et a fortiori les compagnies pétrolières jouent un rôle crucial à ce sujet. En tout cas, il ne l’admet pas publiquement et dissocie un peu plus l’entreprise de son bilan carbone.

Et en tant qu’entité, ExxonMobil n’agit pas non plus en ce sens. Elle s’est ainsi engagée à la neutralité carbone pour 2050, mais seulement en partie. En effet, cet engagement à la neutralité carbone s’applique uniquement sur une petite partie de son activité, à savoir ses infrastructures, véhicules et l’énergie qu’elle utilise.

Mais cela ne s’applique pas sur la distribution de ses produits, ni sur ses produits. Malheureusement, dans le cas d’une entreprise pétrolière, cela représente 85 % de ses émissions polluantes. En résumé, l’engagement à la neutralité carbone d’ExxonMobil représente donc l’obligation de compenser seulement 15 % des émissions que génère la compagnie.

Interrogé sur la pollution globale due à ExxonMobil, Woods a une nouvelle fois botté en touche. Il assure ainsi que le géant du pétrole ne fait que « répondre à la demande des clients » propriétaires d’automobiles.

Cela permet de mieux cerner l’état d’esprit de Darren Woods, et ainsi comprendre pourquoi il ne s’inquiète pas. Tant que les comptes et prévisions d’Exxon sont dans le vert, le PDG devrait se montrer optimiste quant à l’évolution du monde de l’automobile.