Le marché de la recharge de véhicules électriques se structure rapidement, faisant apparaître déjà une segmentation en fonction des usages.
Le marché de la recharge de véhicules électriques continue à se développer très vite et fort. En France, il y avait au 31 octobre 2022 75 279 points de recharge ouverts au public, ce qui correspond à une évolution de + 53 % de leur nombre en un an. Certes, on le répète encore, on est encore loin des 100 000 points auxquels s’était engagé le gouvernement à fin 2021, mais on s’en approche inexorablement.
D’ailleurs, si le rythme d’ouvertures se maintient, la barre symbolique des 100 000 points de charge pourrait être atteinte mi-2023. Certes cela représente 18 mois de retard par rapport à l’objectif initial, mais n’oublions pas qu’un certain Covid est passé par là, mettant en standby ou au ralenti de nombreux chantiers pendant plusieurs mois, une inertie amplifiée par la pénurie de composants.
Cela étant, la croissance du déploiement des points de charge n’a fait que s’amplifier au cours des deux dernières années puisqu’il s’en est ouvert autant durant les 3 premiers trimestres de 2022 qu’au cours des 5 années précédentes. Des chiffres encourageants qui devraient rassurer ceux qui sont tentés par l’électrique mais qui hésitent encore à franchir le pas par crainte d’une infrastructure insuffisante.
Il va falloir accélérer encore très fort
Pourtant, si l’on se projette dans un futur assez proche, comme par exemple l’horizon 2035, date marquant la fin de la commercialisation des voitures thermiques en Europe, les énergéticiens et les opérateurs de réseaux de recharge vont devoir encore cravacher pour fournir assez de jus et de stations de recharge pour satisfaire la demande. Si l’on considère qu’à mi-2023 on aura atteint 100 000 points de charge pour un parc d’un peu plus d’1 million de véhicules électriques et hybrides rechargeables en France, soit un point de charge pour 10 véhicules, ce qui est toujours considéré comme insuffisant, il faudrait au minimum que le réseau dispose d’1,5 million de points de charge en 2035, puisque les prévisions font état de 15 millions de voitures électriques sur les routes à cette date.
Pour atteindre cet objectif, le calcul est assez simple, il faudrait ouvrir près de 10 000 nouveaux points de charge chaque mois ans interruption pendant les 12 années à venir. Or le rythme actuel d’ouvertures, qui s’est pourtant fortement accéléré, est de 2 105 nouveaux points de charge par mois sur les 10 premiers mois de 2022, soit 21 048 nouveaux points de recharge ouverts au public.
On voit très bien que le compte n’y est pas, et qu’il va falloir encore accélérer très fort les déploiements pour juste atteindre le seuil minimal d’une offre acceptable. Bon, d’ici 2035 on peut aussi imaginer que les voitures électriques auront doublé leur autonomie et divisé leur temps de recharge jusqu’à atteindre quelques minutes pour faire un plein, ce qui pourrait libérer d’autant la pression sur les stations. Mais il ne va pas falloir trainer en route.
D’autre part, il ne faut pas perdre de vue que les points de recharge ouverts au public représentent moins de 10% des solutions de recharge, et que près de 90% des recharges se font à domicile ou sur le lieu de travail, à parts à peu près égales.
De fait, le marché s’est déjà segmenté en fonction des usages, permettant à de nombreux acteurs spécialisés d’émerger et d’adresser précisément la demande par spécialité.
Comme le faisait justement remarquer François Oudot de Bump dans notre dernier podcast, il existe en fait désormais 5 grandes sections dans le secteur de la recharge de véhicules électriques : la recharge à domicile, la recharge en voirie, la recharge sur autoroute, la recharge en entreprise et la recharge à destination (ou dans des ERP – établissements recevant du public). A chaque segment du marché ses acteurs spécifiques. Regardons cela un peu plus en détail.
La recharge à domicile
Elle concerne toutes celles et ceux qui résident en habitat individuel et qui ont donc le privilège de pouvoir recharger dans la grande majorité des cas la nuit en heures creuses alors que la voiture dort au garage. Cela représente selon l’INSEE 55% de la population. Quand tout le monde roulera en électrique, ce chiffre revêtira une importance capitale en termes de sollicitation du réseau. Dans ce domaine, les acteurs sont pléthore, à commencer par les fournisseurs de prises domestiques renforcées comme Green’UP ou de solutions plus « robustes » comme Wallbox, obligatoirement installée par un professionnel IRVE (Infrastructures de Recharge pour Véhicules Électriques). C’est de loin la solution qui offre le coût au kilomètre le plus avantageux. Avec un coût moyen du kWh à 0,17 euro et une consommation moyenne de 18 kWh aux 100 kilomètres, il en coûtera seulement 3 euros pour parcourir 100 kilomètres.
Malheureusement, cette solution ne s’adresse qu’à une moitié de la population, ce qui nous amène au deuxième point, celui de…
La recharge en voirie
C’est sur ce marché que les progrès les plus importants sont à accomplir en termes de maillage et de densité de l’offre. Il s’agit essentiellement de fournir de quoi se charger à tous les particuliers qui résident en habitat collectif. Pour ce parent pauvre de la recharge électrique, des solutions commencent à émerger, mais elles sont encore bien trop timides en raison de la complexité du sujet. Car développer une infrastructure de recharge sur la voie public n’est pas une mince affaire. Mais des solutions émergent cependant, notamment grâce à la créativité de certaines jeunes entreprises qui en on fait leur spécialité, comme E-GAP, qui promet de vous livrer votre charge à domicile ou au bureau comme un Deliveroo du kW, ou encore Charles, le robot-chargeur du lyonnais Mob-Energy.
Mais il n’y a pas qu’eux. Izivia reprend par exemple l’opération d’une partie des bornes Bluely à Lyon (l’équivalent d’Autolib) pour fournir des points de recharge intra-muros stratégiques dans différents arrondissements de la métropole. Electra essaie également de s’approcher des centre-villes, idem pour Bump, et même Tesla, qui a commencé à déployer des Superchargeurs dans le centre de plusieurs grandes villes américaines, et qui devrait faire bientôt la même chose en Europe. Belib fait également partie des opérateurs à surveiller, même s’il n’est actuellement déployé qu’à Paris. Autres solutions intéressantes, celles qui consistent à utiliser l’infrastructure existante pour y greffer des points de recharge, comme les fameux réverbères faisant office de bornes de recharge à Londres et Berlin.
On ne pourra clore ce chapitre sur la recharge en voirie sans mentionner l’incontournable borne de la place du village, souvent installée de longue date par les syndicats départementaux d’énergie, et qui est toujours vaillante pour un petit complément de recharge pendant une visite des curiosités locales.
La recharge sur autoroute (et sur route)
Si ce segment ne représente qu’environ 7% de l’offre, c’est celui qui est au cœur de toutes les attentions, et parfois des polémiques. C’est aussi là que se concentrent actuellement tous les efforts et investissements des grands opérateurs comme Ionity, TotalEnergies, Electra, Fastned et autres. Ici aussi que les moyens les plus importants sont mis, notamment au travers de levées de fonds dont les montants n’ont rien à envier à ceux des start-ups de la tech ou des cryptos. C’est aussi dans ce secteur que la recherche et développement et l’innovation sont les plus sollicités, et les puissances de charge les plus importantes, le record étant détenu actuellement par Bump avec des bornes pouvant délivrer jusqu’à 360 kW, juste devant Fastned et ses 350 kW.
La recharge en entreprise
Si vous ne pouvez pas charger à domicile, vous avez peut-être une deuxième chance avec les bornes mises à disposition sur le parking de votre entreprise. C’est le même cas de figure, à cela près que vous allez recharger la journée au lieu de la nuit, sauf si vous faites les 3/8 évidemment. L’employeur pourra alors vous « faire cadeau » de cette recharge qui passera en avantage en nature, ou vous la facturer partiellement ou intégralement moyennant un forfait mensuel. De nombreux opérateurs sont déjà sur ce marché, comme Zeplug, ChargeGuru ou encore Bump.
La recharge à destination
C’est l’un des secteurs promis également à un très fort développement. On pense d’abord aux établissements recevant du public comme les supermarchés et hypers, et également les grandes surfaces spécialisées. Des opérateurs comme Allego (avec Carrefour entre autres), Power Dot ou – encore – Bump ont déjà largement investi ce marché prometteur. Lidl peut être lui considéré à la fois comme un « pure player » et un opérateur avec déjà plus de 384 stations déjà déployées en France, et l’ouverture récente de nouveaux « superchargeurs » n’ayant pas grand chose à envier à ceux des cadors du secteur. Autre marché, celui de l’hôtellerie, ou deux opérateurs, Tesla et Porsche, sont déjà fortement implantés avec plusieurs centaines de points de recharge à destination chacun.
On le voit, en matière de recharge de véhicules électriques, la segmentation de l’offre en fonction des usages ne résoudra pas tout, mais contribuera certainement à mieux répartir la fourniture d’énergie d’un point de vue territorial mais également temporel. Pour la suite, on peut certainement compter sur l’imagination et la créativité des entrepreneurs du secteur pour imaginer encore des solutions inédites qui viendront enrichir l’offre.
De mes deux années d’expérience en VE je constate que la recharge rapide se développe plutôt bien, on voit très nettement la différence entre aujourd’hui et il y a deux ans, même si on n’est pas encore au bout.
Je n’en dirai pas autant de la recharge à destination. Je ne suis pas prêt comme certains à sacrifier le choix d’un lieu agréable et bien situé, juste pour avoir une prise pour charger la nuit, aussi sur mes 6 dernières villégiatures, il y en a 5 où j’ai fait choux blanc de ce côté-là. Heureusement, la ZOE chargeant à 22 en AC, deux heures suffisent pour refaire un quasi plein, et deux heures c’est une très bonne durée pour plein d’activités touristiques. A 11 kW ou pire 7kW, c’est bien plus problématique.
J’ai participé aux premiers jours du déploiement du wifi il y a 15 ans. Mes clients étaient principalement des hôtels, des campings et des fast-foods. Je vois la même trajectoire maintenant. La recharge des véhicules électriques va devenir un « must have » pour de nombreuses destinations. Je voyage beaucoup et j’essaie de rester dans des hôtels avec recharge EV, principalement parce que j’ai 100% de batterie au début de la journée, donc je n’ai pas à recharger en cours de route ou au plus une seule fois. J’attends que la première chaîne hôtelière annonce la recharge des véhicules électriques à tous les endroits.
La mobilité électrique rentrant dans l’âge de la maturité, cela va avoir impacte majeur sur ceux qui n’ont pas compris les conséquences de cette révolution. Premièrement il y aura moins de voitures en ville dans le future aux profits des vélos électriques où pas et autres trottinettes. Ne pas sous estimé l’effet vélo électrique, beaucoup d’utilisateurs découvre l’existence de la mobilité électrique par le vélo. Le déclic se passe souvent à ce moment là pour passer à la voiture électrique. C’est un effet accélérateur puissant. Un autre phénomène important est l’effet internet, accepteriez-vous d’acheter où louer un bien immobilier qui ne pourrait avoir accès à internet? La réponse est simple et elle est aussi pour choisir le parking de cinéma où d’un restaurent surtout si on est pendant sur long trajet. Vous choisirez aussi votre centre commercial qui aura une solution de recharge performante à un coût raisonnable. C’est la même chose, comme une personne le faisait remarqué pour un Airbnb où Booking…
les utilisateurs de véhicules électriques vont durement sanctionner les enseignes et entreprises qui ne jouent pas le jeu. Par exemple Total qui ont un % excessif de bornes à l’arrêt. Quand un utilisateur s’est fait avoir deux où trois fois chez Total, il va le boycotter et le punir pour longtemps où à vie.
Les réseaux fiables sont rapidement identifiables par les utilisateurs et on prend vite les bonnes habitudes.
Alors la vrais question est de savoir si un commerçant est prêt à perdre 5, 10% de sont C.A. avant de réagir où de perdre une parti importante de sa clientèle au point de faire faillite!
la France perd déjà une partie de ses touristes étrangers excédés par le manque de réseau structuré et en bonne état pendant des années.
Vraiment complexe tous ces points de charge. Tout simplement ajouter 11000 points pour des bornes rapides dans les stations-service à côté des pompes à essence. Une reconversion pour les pompistes. Quelle erreur d’avoir mis en place il y a quelques années des centaines de bornes 11 ou 22 kW AC par département sur des places de stationnement dans les villes et villages.
Dans la recharge à destination on peut aussi mentionner le travail à faire sur les locations de vacances (type airbnb / booking) ou les campings.
Ici le système D domine encore, entre le propriétaire qui indique sur son annonce qu’une prise est dispo (alors que cette dernière est dans un village situé à 2 km), celui qui n’est pas au courant, mais vous laisse utiliser la prise 220v située à l’extérieur, etc.
Il y a un gros travail de communication à faire vers les propriétaires.
Peut-être est-il possible de proposer des kits (box ou compteur permettant le décompte des KWh + le cas échéant configurée en heures creuses, vérification que la puissance souscrite du logement est suffisant et qu’une prise est accessible de l’extérieur, création d’un label « VE bienvenue »… pour les gites plus grands quelques prises disponibles sur le parking).
Personnellement si un tel label existe ce sera un argument fort pour choisir un logement.
Lorsqu’une prise est disponible l’expérience du VE pendant les vacances change radicalement, sans compter l’aspect écologique et économique de moins utiliser les bornes de recharge rapides, en diminuant ainsi les pics de charge sur le réseau électrique et la saturation des bornes rapides pendant les grands chassés croisés des WE de mai ou des vacances.
Je pense que l’aspect recharge en habitat collectif est sous estimé. Les immeubles neufs intègrent une solution d’origine et des sociétés comme Zepkug proposent aux copropriétés de proposer une recharge sur stationnement par abonnement, pour ceux qui n’ont pas l’électricité sur leur parking