Le réseau électrique national peut-il supporter la recharge de plus de 15 millions de véhicules électriques ? Oui, selon un rapport de RTE paru récemment et réalisé avec l’association AVERE France. D’ici 2035, notre système serait en mesure d’absorber un parc routier composé à 40% de véhicules électriques. Ces derniers pourraient même contribuer à stabiliser le réseau si leur recharge est pilotée.

L’argument est fréquemment évoqué : la voiture électrique va t-elle faire disjoncter notre réseau électrique ? Pour y répondre, RTE, une filiale d’EDF en charge du transport d’électricité, vient de publier un rapport réalisé en collaboration avec l’Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (AVERE). Intitulé « enjeux du développement de l’électromobilité pour le système électrique », il analyse différents scénarios de croissance du parc de véhicules électriques, de pilotage de la recharge et de choix de batteries. En s’appuyant sur les estimations des pouvoirs publics et constructeurs, il imagine que 7 à 16 millions de véhicules électriques et hybrides-rechargeables circuleront en France d’ici 2035.

Les véhicules électriques représenteront 8% de la consommation

Des hypothèses que RTE met en relation avec son bilan prévisionnel paru en 2017. Celui-ci démontrait déjà « la faculté du système à accueillir jusqu’à 15 millions de véhicules électriques d’ici 2035 sans difficulté majeure ». En effet, la baisse de consommation observée sur les autres usages permettrait au réseau de fournir la quantité d’énergie nécessaire à la recharge de « plusieurs millions » de véhicules électriques. Ainsi, un parc national composé de 15,6 millions de véhicules branchés représenterait une consommation de 35 à 40 TWh, soit 8% de la production électrique totale française.

La recharge pilotée, une opportunité pour le réseau électrique

L’électrification est même considérée comme une « opportunité », à condition que la recharge soit pilotée. Les millions de véhicules électriques branchés pendant plusieurs heures pourront en effet contribuer à terme à l’équilibre du réseau grâce au «Véhicule to Grid » (V2G), en y injectant du courant lors des pics de consommation.

Une solution d’autant plus pertinente qu’une voiture est utilisée pour se déplacer seulement 4% de son temps ! Sans attendre la mise en place du V2G, un pilotage simple tel qu’un système de lancement de charge en heures creuses similaire à celui de nos ballons d’eau chaude permettrait déjà d’éviter de forts appels de puissance et une économie de 5 millions de tonnes de CO2, estime RTE.

Pas d’inquiétude pour les grands chassés-croisés

La mobilité électrique comme moyen de « stockage diffus », conduirait à « modifier largement notre représentation du système électrique » explique l’entreprise. Seulement 15% des distances parcourues annuellement par un véhicule correspondant à des trajets supérieurs à 250 km, les recharges ponctuelles sur les bornes rapides n’auraient pas d’impact significatif sur le réseau. RTE précise par ailleurs que les pics susceptibles d’être provoqués lors des fameux « chassés-croisés » seront absorbés sans risques par le réseau. Les nombreuses recharges rapides seraient en effet réalisées à des moments où le système dispose de « marges abondantes » : la consommation nationale est généralement plus basse en période de vacances et de grands week-ends.

La majorité des véhicules utilisés dans le cadre d’une mobilité locale effectuant un trajet moyen quotidien de 35 à 40 km, ils autorisent une grande flexibilité de recharge : quelques kilowatts chaque soir ou une recharge complète par semaine. Leur recharge peut donc être facilement planifiée sans contraintes sur les déplacements. Au final, les seules situations de « vigilance » concerneraient le cas d’un épisode de vague de froid pendant les vacances de Noël selon RTE.

Une facture annuelle d’électricité de 290 euros

Parmi les 16 scénarios envisagés par l’étude d’ici 2035, le plus plausible prévoit 15,6 millions de véhicules légers dont 22% d’hybrides-rechargeables et 156.000 poids-lourds électriques . La capacité moyenne des batteries s’élèverait à 76 kWh et 60% des recharges seraient pilotées dont 3% en V2G. La puissance moyenne des bornes de recharge plafonnerait à 7,4 kW dont 65% implantées à domicile. Les automobilistes réaliseraient 14.000 km en moyenne chaque année et rechargeraient de façon systématique à 65% et occasionnelle à 35 %.

Dans cette situation, les véhicules électriques ajouteraient entre 2,2 et 3,6 GW aux appels de puissance au cœur de l’hiver. Via le pilotage, ils permettraient cependant de compenser en consommant davantage d’électricité décarbonée : 10,3 Twh selon RTE. Le coût annuel moyen de la recharge pour chaque automobiliste atteindrait 290 euros. Enfin, ce scénario épargnerait le rejet de 26 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère. Une économie de pollution qui pourrait être davantage marquée (1 à 2 MtCO2) si les batteries ont une capacité maîtrisée et qu’elles sont quasi-totalement recyclées. Cette hypothèse part cependant du principe que les batteries restent majoritairement importées d’Asie et non fabriquées en France comme sur les scénarios les plus optimistes.

Dans tous les cas, l’électrique moins cher que le thermique

Pour RTE, il pourrait n’y avoir « aucun surcoût du véhicule électrique par rapport au véhicule thermique » à l’horizon 2030-2035. En effet, selon les projections les plus pessimistes, le coût de l’électrification de véhicules légers s’élèverait à 200 euros par tonne de CO2 évitée. Or, la valeur du carbone atteindrait d’ici là 250 à 500 euros la tonne. Dans toutes les hypothèses, l’économie de carbone serait notable.

Une estimation plutôt rassurante dans un contexte d’augmentation constante des émissions issues des transports, dont 95% sont imputables au routier. Depuis 1990, c’est en effet le seul secteur industriel dont les rejets de CO2 n’ont cessé d’enfler.

Les transports publics et le vélo pour une mobilité encore plus vertueuse

Si elle se focalise sur le véhicule électrique, l’étude rappelle qu’il faut aussi changer de mode pour diminuer l’impact environnemental des transports. Elle encourage par exemple le report sur les transports en commun, la mobilité « douce » comme le vélo et l’exploration d’autres énergies alternatives telles que l’hydrogène et le gaz naturel. Ses conclusions sur la voiture électrique permettent de rassurer quand à l’essor rapide de cette technologie. Elle offre des arguments pertinents pour soutenir le déploiement de bornes de recharge rapides et de prises à domicile. L’étude brise également un vieille idée reçue fréquemment relayée sur les médias sociaux affirmant que les véhicules électriques menacent la stabilité des réseaux.