Moins de pollution globale et une mécanique rodée, le Ford Kuga Flexifuel semble la meilleure motorisation sur le papier. Automobile Propre a essayé le SUV au bioéthanol sur les routes de Champagne et fait le bilan écologique mais aussi économique de la solution.

Voilà 15 ans, la carburation au superéthanol, E85 pour les intimes, était devenu populaire. Or la crise a sonné la rationalisation chez les constructeurs, mettant au rebut la technologie tout comme de nombreux projets électriques ou à hydrogène. Mais dans une société de plus en plus sensible à la question écologique, quoi de plus normal que ce biocarburant revienne au goût du jour.

Ford seul en Europe, enfin, en France

Le constructeur américain rappelle qu’il est déjà l’initiateur de la solution en 2001 en Europe, avec le premier véhicule Focus Bioflex en Suède. En France, il a fallu attendre début 2005. D’abord pour voir la compacte débarquer de façon illégale, l’Etat n’ayant homologué l’E85 qu’en fin d’année. Suivirent les C-Max, Mondeo, S-Max et Galaxy, ainsi que d’autres marques, dont Dacia Peugeot, Renault, Saab et Volvo. Plus tard, la Volkswagen Golf Multifuel a suivi, arrêtée en 2015.

Suite à l’homologation des boitiers de conversion, Ford a annoncé en février 2019 le retour d’un véhicule neuf à l’E85 : le Ford Kuga Flexifuel. En concessions depuis juillet, nous avons pu l’essayer et visiter un site de production à Bazancourt, près de Reims (Marne).

Une surconsommation importante

Ne nous attardons pas sur le Kuga Flexifuel. Il s’agit donc du même SUV sorti en mars 2013 et restylé début 2016. Sa motorisation essence 4 cylindres EcoBloost 150 ch a été adaptée pour le nouveau carburant. La principale modification est la cartographie moteur, assurant la bonne quantité alimentant le moteur (l’E85 est moins énergétique donc il faut plus de volume pour la même puissance). D’autres éléments ont été légèrement revus, comme les sièges de soupapes évitant la corrosion et les injecteurs.

Le Kuga Flexifuel en finition ST-Line, avec options

Sur la route, aucune différence de performance. Les 1.615 kg de l’ensemble souffrent des accélérations et relances malgré les 150 chevaux, le confort étant identique. Le seul changement est la consommation. De 7,6 l/100 km en moyenne (cycle WLTP proche de la réalité) en essence, le Flexifuel revendique 11,6 l/100 km. Lors de notre périple d’environ 150 km, mélangeant départementales, nationales, autoroutes, du plat et parties vallonnées de la route des champagnes, elle s’est révélée à 10 l/100 km. Avouons-le, cela reste élevé, même pour un SUV de cette puissance. En stabilisé à 80 km/h, l’appétit ne passe pas sous 8 l/100 km. Pour le reste, le SUV américain est toujours assez silencieux.

-70% d’empreinte carbone au total

Une telle consommation pénalise l’autonomie, mais est-elle anti-écologique ? Non si l’on prend le cycle global. Justement, la production du biocarburant, locale et issues de cultures renouvelables, est bien plus vertueuse que le sans-plomb fossile. Ford estime la baisse des gaz à effet de serre à -70% par rapport au modèle essence en cycle global, comprenant l’absorption par les cultures, transformation et l’utilisation sur route. De plus, les émissions de NOx (dioxydes d’azotes) et de particules fines à l’échappement sont respectivement 50% et 90% inférieures selon une étude suisse.

Le site de production de bioéthanol de Bazancourt (Marne)

Sur le site de production du bioéthanol de Cristal Union visité en marge de l’essai, le groupe a précisé que le bioéthanol représente deux tiers de la récolte de betteraves ou de blé récoltés. Le reste n’est pas jeté, servant à la production de sucre, à la pharmaceutique, des cosmétiques ou d’alcool pour spiritueux. L’eau est également épurée, la production de vapeur est assurée par du bois ou gaz (en partie biogaz produit sur place). Même le CO2 est recueilli, puis reconditionné en carbone alimentaire (boissons gazeuses, etc).

Écologique, mais aussi économique

En plus de rejeter moins de CO2, de NOx et de particules, le Kuga Flexifuel a l’avantage d’être plus intéressant financièrement. À l’achat, les 100€ supplémentaire vs essence (à partir de 29.200 €) deviennent un bénéfice allant jusqu’à 2.500 €. Ceci grâce à l’absence de malus écologique (abattement de 40% sur le CO2) et une carte grise gratuite (sauf Bretagne moitié prix et dans le Centre). Et sous les 116 g/km après abattement, le SUV peut prétendre à la prime à la conversion, s’élevant jusqu’à 5.000 €. Côté entreprises, si la TVS n’est pas concernée, la TVA est récupérable à 80%, contre 40% en 2019 pour l’essence.

Même geste pour le ravitaillement en E85, dans le réservoir unique

À la pompe, le litre de superéthanol ou E85 coûte environ 0,69 €/litre aujourd’hui, contre 1,50 €/L pour le SP95 classique. Avec un kilométrage annuel de 15.000 km et malgré la consommation supérieure de 53%, l’économie est de 500 €/an. Sur une durée de 5 ans, le calcul est vite fait, l’économie totale est de près de 5.000 €. Suite à l’annonce de l’arrivée de la version Flexifuel en février, Ford nous a indiqué que le mix est passé de 90% de diesel à 80% d’E85 en l’espace de quelques jours.

Côté ravitaillement, pas de stresse puisque le nombre de stations est en forte croissance. De 300 en 2012, elles sont passées à plus de 1.450 en septembre 2019. En France, 16% des stations, soit une sur 7, proposent désormais de l’E85. Une part qui grimpe même à 25% en Occitanie. Certains distributeurs sont aussi plus actifs que d’autres, comme Intermarché (35% des stations), Total et Leclerc (20%). Et si vous ne trouvez pas d’E85, du SP95 ou de l’E10 peut se mélanger sans problème à l’E85.

Ici, l’E85 à 0,560€/l, loin de la moyenne nationale de 0,69 €/l

Une fin proche… avant un nouveau retour ?

Le Kuga est un modèle en fin de vie. Cette dernière est plus que proche, car la fin de production est programmée pour novembre 2019 avec une présentation du nouveau modèle en avril dernier. Selon Ford, il resterait environ 2.500 unités de Kuga à fabriquer.

À l’avenir, Ford France milite pour la pérennisation du Flexifuel, nous assure son directeur Fabrice Devanlay, auprès de la branche européenne basée à Cologne (Allemagne). Seulement, les nouveaux modèles inondent l’agenda de la marque pour 2020, et l’E85 n’est pas dans les priorités. De plus, le moteur compatible 4 cylindres sera aussi arrêté. Il faudrait alors modifier le 3 cylindres qui équipe l’actuelle Focus ou le futur Kuga.

Le Flexifuel disparaitra en novembre, pour mieux revenir en 2021 ?

Le directeur français rassure, le développement serait en cours, mais il ne faudrait pas compter un nouveau modèle Ford Flexifuel avant 2021. Mais bonne nouvelle rappelle F. Devanlay, « les versions hybrides ou rechargeables sont tout à fait compatibles avec la carburation bioéthanol. » Le Kuga hybride rechargeable, en plus de limiter sa consommation moyenne à 1,2 l/100 km, pourrait ainsi baisser davantage son empreinte carbone.

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