Directrice de l’environnement pour Vinci Autoroutes, Élise Bon était invitée à s’exprimer sur la mobilité durable par la Société d’encouragement pour l’industrie nationale. Sa réponse a largement dépassé le cadrage sur l’hydrogène souhaité par les organisateurs. Une aubaine pour ceux qui conçoivent la mobilité durable comme plurielle.

Les GES sur le réseau de Vinci Autoroutes

Actuellement, les transports sont responsables de 29 % des gaz à effet de serre émis en France. Les déplacements sur routes et autoroutes pèsent 94 % dans cette part, dont 12 % pour le seul réseau de Vinci Autoroutes.

Pour comparaison, 80,5 % des flux de voyageurs et 88,5 % de ceux consacrés aux marchandises sont supportés par la route. En outre, 75 % des actifs utilisent leur véhicule pour se rendre sur leur lieu de travail.

« Le réseau Vinci Autoroutes, c’est la moitié des autoroutes concédées. Il représente à lui seul 3 % des émissions de gaz à effet de serre de la France », a précisé Élise Bon. C’est pourquoi « Vinci Autoroutes a un rôle majeur à jouer », a-t-elle justifié.

Dans sa présentation, la conférencière a mis en perspective ces chiffres avec les estimations communiquées dans le cadre de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). La neutralité CO2 doit être atteinte en 2050, avec, pour palier, une baisse de 28 % d’ici 2030.

Même avec un report modal vers le train et la mobilité douce, le trafic des voitures, utilitaires légers et poids lourds restera très important dans les 30 prochaines années. « Il est donc absolument nécessaire de décarboner l’usage de la route », a indiqué la directrice de l’environnement pour Vinci Autoroutes.

En 2019, les GES libérés par les usagers du réseau Vinci Autoroutes s’élevaient à presque 16 millions de tonnes d’équivalent CO2. Contre 29 600 tCO2eq pour l’exploitation, et 831 000 tCO2eq pour les fournisseurs et les achats de l’entreprise.

« Les émissions carbone liées à nos clients sont écrasantes par rapport aux autres émissions de notre chaîne de valeur […] On ne peut pas avoir une stratégie de décarbonation au global si on ne s’intéresse pas à la décarbonation de nos clients », a mis en avant Élise Bon.

Évolution de la mobilité 2015-2050

En 2015, le parc roulant était quasiment uniquement composé de véhicules légers et poids lourds fonctionnant à l’essence ou au gazole.

Selon les chiffres publiés pour la France dans le cadre de la SNBC, la donne aura déjà changé en 2030. Les moteurs thermiques, alors alimentés à 12 % par les biocarburants, ne représenteraient plus que 76 % de la flotte des véhicules légers vendus neufs, mais encore 86 % pour les poids lourds. Pour ces derniers, le gaz naturel (GNV et bioGNV) grignoterait une part de 12 %, contre 2 % pour les électriques (y compris les architectures à pile hydrogène). Du côté des véhicules légers, les modèles électriques et hybrides rechargeables pèseraient respectivement 16 et 8 %.

En 2050, les architectures Plug-In Hybrid s’effaceraient (1 %) au profit des électriques (94 %). Les 5 % de voitures thermiques qui resteraient seraient alimentés par des biocarburants. Idem pour les 24 % de poids lourds à la même échéance. Pour eux, le gaz naturel deviendrait la source d’énergie principale (51 %), contre 25 % d’électrique à batterie ou PAC H2.

La directrice chez Vinci Autoroutes estime toutefois que cette feuille de route n’est pas figée, constatant une accélération générale des calendriers concernant la mobilité décarbonée.

Évolution du réseau Vinci Autoroutes

« Nous envisageons donc l’évolution de notre infrastructure et l’évolution des usages de cette infrastructure », a souligné Élise Bon.

Pour accompagner les changements dans la mobilité, Vinci Autoroutes a déjà imaginé plusieurs leviers d’action. Tout d’abord en jouant sur le taux d’occupation des véhicules par l’apport de services : « Construction de parkings de covoiturage, pôles d’échanges multimodaux pour accéder aux transports en commun, voies réservées, plus une couche servicielle de tout ceci », a listé la directrice de l’environnement.

Et pour les sources décarbonées d’énergie ? « Nous sommes dans une phase de déploiement des infrastructures de recharge pour les véhicules électriques à batterie. Nous sommes plutôt en pointe là-dessus pour soutenir la trajectoire [NDLR : De la SNBC] », a assuré la conférencière.

Veille active et expérimentations

« Nous avons déployé il y a extrêmement longtemps une veille active sur cette technologie et des expérimentations. Notre première borne de recharge, c’était en 2013 sur le réseau Cofiroute. Cette veille active et ces expérimentations nous permettent aujourd’hui d’être opérationnels au moment où on a l’accélération du déploiement de cette techno sur notre réseau », a plaidé Élise Bon.

« C’est un peu dans ce mode-là que nous sommes aujourd’hui sur les autres modes d’approvisionnement en énergies décarbonées, et notamment sur l’hydrogène », a-t-elle complété.

À noter que Vinci Autoroutes envisage la solution EP Tender pour faciliter la mobilité électrique sur son réseau.

Petit bilan sur la mobilité décarbonée

Les véhicules électriques à batterie et les hybrides rechargeables ? « C’est la solution la plus mature aujourd’hui pour laquelle nous sommes en phase de déploiement. Nous pensons que le véhicule hybride rechargeable est une solution de transition parce qu’elle a un impact de décarbonation moins important », a commenté Élise Bon.

« Les biogaz et biocarburants liquides sont aussi pour nous des solutions de transition qui présentent bien des impacts inférieurs au diesel, mais moins décarbonant que l’hydrogène, par exemple. Et ils ont des problèmes d’assiette de biomasse disponible pour pouvoir servir à la propulsion des véhicules », a-t-elle poursuivi. Les stations-service du réseau devraient cependant être adaptées pour distribuer ces produits « qui sont plus matures et dont la transition est moins forte puisqu’ils s’adaptent plus facilement sur les véhicules ».

Le cas de l’hydrogène

Et l’hydrogène ? « C’est une solution qui est extrêmement prometteuse, mais qui n’est pas encore mature, avec de vrais surcoûts au niveau des véhicules. Mais c’est une solution que nous voudrions encourager pour les poids lourds », a répondu Élise Bon.

« Nous sommes aujourd’hui à la recherche de synergies en matière d’usage avec des transporteurs et des régions, au niveau des territoires, pour initier l’installation sur nos réseaux des postes de distribution et d’effectuer nos premières expérimentations. Ces dernières nous permettraient d’être prêts quand il y aura une accélération du déploiement », a-t-elle rappelé. Il s’agirait alors de définir des corridors d’alimentation en hydrogène.

Vinci Autoroutes est mêlé à divers projets. Dont celui, en phase d’étude, pour l’implantation d’une station-service H2 dans le secteur de Toulouse Croix-Daurade.

Cycle de conférences

Élise Bon s’exprimait dans le cadre de la 4e des 6 conférences sur l’hydrogène proposées par la Société d’encouragement pour l’industrie nationale. Ce webinaire gratuit avait pour thème : « Mobilités terrestres : Le vecteur énergétique d’une révolution du rail et de la route ».

Ce cycle est soutenu par la plateforme Leonard de prospective et d’innovation du groupe Vinci engagée dans les secteurs des énergies et de la mobilité, et la Fondation Energy Observer.

Les 2 prochaines conférences seront consacrées à la mobilité aérienne et maritime (8 septembre 2021) et aux usages industriels de l’hydrogène (6 octobre 2021).