(photo : Eric Dupin)
Les routes se façonnent en fonction des usages et des véhicules qui les empruntent. La voiture électrique pourrait là aussi changer fortement la donne.
Aux temps immémoriaux du tout puissant pétrole, les choses étaient assez simples : le moyen le plus court de se rendre d’un point A à un point B était la ligne droite, si possible par autoroute, le ravitaillement en carburant étant une variable totalement anecdotique et maîtrisée de l’équation.
C’est ainsi que la proverbiale Nationale 7 et ses improbables hôtels et autres relais pour voyageurs représentants placiers est doucement mais sûrement tombée en désuétude au profit de l’A6-A7, beaucoup plus rapide. Idem probablement pour la légendaire Route 66, même si l’échelle est sans comparaison.
Bref, la civilisation de la bagnole et du pétrole avait déjà à sa façon redessiné le paysage, et bien sûr, la façon de voyager.
La civilisation à venir de l’électrique pourrait à son tour redistribuer les cartes et donner naissance à une nouvelle génération de voyageurs, animés par d’autres motivations que celle de se rendre à destination dans le moins de temps possible. Ce qui pourrait avoir des conséquences sur la façon dont les routes sont aménagées, et les étapes équipées.
Nous avions vu il y a quelque temps que la conduite électrique induisait un nouvel état d’esprit, entraînant lui-même des comportements différents, que ce soit dans le rapport à la voiture, à la performance, et au voyage. Nous avons vu également que les mentalités évoluent fortement en ce qui concerne les lieux de passage et de séjour, de plus en plus enclins à s’équiper de solutions de recharge.
Moi-même électromobiliste, je constate que je ne vois plus du tout la route de la même façon qu’à l’époque du thermique, que ce soit dans la façon de conduire, mais surtout dans la géographie de mes itinéraires. Contraintes liées à l’autonomie et recharges obligent, depuis que je roule électrique, je n’emprunte plus les mêmes itinéraires, ou en tout cas plus de la même façon. Et je me retrouve à visiter (ou pas) des lieux que je n’aurais jamais connus au temps du moteur à explosion. Ce qui de facto redessine ma perception du voyage, la plupart du temps de façon vertueuse, mais pas toujours. L’effet pervers de ce nouveau paradigme étant que l’on finit par connaître un lieu ou un trajet seulement à travers le prisme des stations de recharge disponibles, sans jamais prendre le temps de se poser pour réellement visiter l’étape en question.
De fait, plusieurs éléments peuvent jouer en faveur d’une modification du paysage routier à l’heure de l’électrique. En faisant un peu d’anticipation ou de prospective, sans pour autant tomber dans la science-fiction, voici ce qui pourrait contribuer à ces changements.
Une signalétique épurée
Voiture électrique étant souvent synonyme d’avancée technologique, de connectivité et de conduite autonome, on peut rêver qu’un jour les abords des routes soient exempts de toute signalisation routière, puisque d’une part les voitures se conduiraient toutes seules, mais aussi qu’elles seraient connectées les unes aux autres, le trafic se régulant sans qu’il ne soit plus besoin de panneaux. Un exemple nous a récemment été donné avec la Ville de Paris, qui a supprimé 1 800 panneaux directionnels au motif qu’ils étaient devenus sans objet à l’ère du GPS.
Des stations de recharge multiservices
Finies les bonnes vieilles stations Tesla, Ionity ou Corri-door (haha, RIP), les stations de recharge du futur pourraient proposer plusieurs prestations liées à la transmission de l’énergie : des stèles classiques bien sûr, mais aussi des robots d’échange de batterie, et des places de recharge à induction. Sans oublier bien sûr un lounge pour se relaxer, prendre un café et savourer un hot-dog (vegan évidemment). Sans compter des bornes de… décharge permettant aux électromobilistes qui le souhaitent de redistribuer un peu de jus au réseau en mode Vehicle to Grid. OK, ce seraient certainement les mêmes que les bornes de recharge, mais peut-être qu’il arrivera un moment où il sera nécessaire de dissocier les deux pour ne pas bloquer les premières ?
Des routes à induction
Dans le même registre, on parle de routes produisant de l’électricité pour recharger par induction tout en roulant. Nous sommes encore très loin de la généralisation de cette technologie, mais elle existe et sera peut-être une réalité dans quelques années (décennies ?). Ce qui induirait une conduite probablement plus lente sans passer par la case radar. Du coup, hop, suppression de ces derniers, un radar disparaît, un arbre planté.
Des parkings automatisés
Certaines voitures sont déjà pratiquement capables de se garer seules. Ce qui laisse entrevoir le développement de parkings d’un nouveau genre, entièrement automatisés, et dans lesquels l’espace et donc l’emprise au sol seraient parfaitement calculés et optimisés pour garer un maximum de voitures sur un minimum de surface.
Une chaussée renforcée
On le sait, en l’état actuel – et il se peut que cela n’évolue pas pendant un moment – les voitures électriques sont plus lourdes en moyenne que les thermiques. Un surpoids qui, même s’il est marginal, se paiera forcément en dégradation plus rapide des chaussées quand des millions de voitures électriques les emprunteront. De là à imaginer la conception de nouveaux enrobés plus durables…
Sans parler des stations-service, dont la lente disparition ne fera que s’amplifier, et qui ne seront pas toutes remplacées par des stations de recharge électrique, ces dernières étant « décentralisées » et réparties en différents lieux (supermarchés, parkings, hôtels, particuliers…).
Ce ne sont que quelques exemples de la façon dont l’électromobilité pourrait redessiner le paysage routier, et l’on pourrait certainement en trouver beaucoup d’autres. Dans une vision extrême, et partant du postulat que la fameuse civilisation de l’automobile pourrait s’éteindre peu à peu, au profit d’autres moyens de transport, et d’un rapport au temps différent, il ne paraîtrait pas totalement farfelu d’imaginer aussi la fin des… autoroutes.
Et le retour en grâce de la Nationale 7. Une N7 new-look bien sûr.
Depuis que je roule en électrique, je me suis mis a reprendre des routes que je n’utilisais plus!
par exemple le trajet AR Castillon (33) Poitiers (86), je le faisais étant jeune en passant par angoulème puis N10 vers poitiers. j’avais une petite voiture pas très rapide (mini, la vrai:)) et pas les moyen de payer l’autoroute.
puis les années passant j’ai pris l’habitude de prendre l’A10, plus rapide, plus reposant, mais plus de km et payant.
en passant à l’électrique, je me suis mis a reprendre ma « vieille » route, car moins de km, pas besoin de supercharger sur l’aller retour et donc au final moins de temps de trajet, moins de km.
bref la facilité du pétrole a complêtement occulté l’aspect économie d’énergie et réduction des coûts.
Comme beaucoup de lecteurs, je suis un techno-enthousiaste, et comme sur cet article, j’aime imaginer les changements complémentaires à l’électrification de nos véhicules.
J’aurais aimé que cet article aborde la question de l’après pétrole dans la chaussée…
Le pétrole sert à faire des produits des plus gazeux aux plus visqueux. Faire sans pétrole signifie aussi faire sans goudron.
Cela ne mériterait-il pas au moins un article dans Automobile Propre ?
Les parkings automatisés existent depuis des années au Japon. Pas besoin de VE ni de conduite autonome. Placer le véhicule sur une nacelle qui ensuite monte par l’ascenseur pour être « rangée » quelque part économise de précieuses surfaces de circulation, de rampes de montée et descente etc. Quand la nacelle redescend, la voiture est placée sur une plaque tournante pour faire un 180° et pouvoir sortir sans aucune manoeuvre. Tout cela sur une emprise foncière minime. En plus des tours à voitures automatisées, ils font aussi la même chose en sous-terrain pour les vélos!
Parfaite description des sensations qu’apporte le roulage électrique.
Là où je suis en désaccord, c’est que vous remplacez l’ère de l’énergie provenant des hydrocarbures en abondance, par une hypothétique époque d’énergie électrique -toujours en abondance. Les réalités de l’approvisionnement énergétique (et / ou des baisses massives des émissions de GES ) ne portent pas à cet optimisme. Le futur est à la frugalité.
Pour les routes renforcées, franchement… Vu les 38T qui passent dessus y a pas besoin. Les VE ne sont pas plus lourd que certains SUV type Hummer… Donc… Non y a pas besoin.
Par contre revoir les endroit ou charger, avoir des chargeurs a destination (3kW en une nuit suffit plus que largement pour récupérer de la pêche le lendemain…). Bref…. Revoir comment on bouge en voiture…
Je pense qu’une limitation à 120 serait suffisante car bon nombre de conducteurs qui roulent au dessus de 130 comprendraient mieux tout en faisant une sérieuse économie d’energie thermique ou électrique. Entre 120 et 130 on ne gagne pas beaucoup de temps,et la conso thermique peut s’élever de plus d’un litre. Paradoxalement ce sont les petites cylindrées qui proportionellement consomment le plus à 130, pied à la planche….Tout benef pour une électrique sur l’autonomie. Si on se contente de 110 alors là on peut aller plus loin et gagner du temps sur les recharges.
En conduisant comme cela j’ai une conso moyenne de 14 Kwh aux 100Km avec une tesla 3 LR en parcours mixtes. Adieu la sacrosainte vitesse, vive la conduite apaisée !
Effectivement les contraintes de déplacement ont toujours façonné le comportement et les besoins des voyageurs, et donc façonné l’offre d’hôtellerie / restauration / dépannage / souvenirs touristiques selon le comportement des voyageurs.
Mais toute rupture technologique induit un changement, parfois radical, dans ces comportements. Si demain des batteries sèches hyper performantes se généralisent, en quelques années tous les usagers de VE pourront faire de très grandes distances avec juste une pause déjeuner, comme nous pouvons faire Paris-Marseille via l’autoroute aujourd’hui.
Je crois qu’il y aura toujours, comme aujourd’hui, d’un côté des axes autoroutiers pour ceux qui doivent aller vite et/ou loin, et de l’autre des axes touristiques pour ceux qui veulent faire de la découverte (vacanciers, retraités, …).
Pour moi la Nationale 7 et les recharges à destination ce sera pour le court et moyen terme. À long terme, d’ici 20-25 ans les VE seront comme les thermiques aujourd’hui, capables de faire un trajet de 500 km sur autoroute d’une traite et recharger leurs packs de 100-150 kWh à plus de 450 kW, donc exit les trajets pittoresques et les petites bornes domestiques. Tout le monde ira faire son « plein » en moins de 15 minutes à la station ultra-rapide du coin.
J’aimerai bien qu’on réintroduise sur les grands axes très fréquentés les trains auto, ou l’on pourrait se reposer, se restaurer et recharger. Ca demanderait juste un catenaire de plus dédié à la recharge des VE transportés. Les longs voyages en VE deviendraient hyper sympa.
Nos recharges se feront avant tout pendant les arrêts naturels de nos voitures. Restaurents Hotels Hébergement B&B Parkings site touristique commerces. Tous les acteurs de ses points intérêts électromobiliens qui ne seront pas équipés rapidement subiront très rapidement une perte de clientèles significatives. 5% aujourd’hui, 10% demain, 20% après demain puis disparaîtrons s’ils ne réagissent pas assez vite voir très vite!
Osé et provocant la disparition des autoroutes mais possible sur le long terme.
Et si la conduite autonome permettait de dormir dans sa voiture comme en train-couchette ? Les voitures n’auraient plus besoin de rouler aussi vite pour des trajets moyens (l’autoroute perdrait l’un de ses atouts). La conso baisserait, le niveau de bruit aussi et le confort des passagers augmenterait.
Je plussoie cet article tout à fait compréhensible pour le futur.
En ce qui concerne les recharges ,cela peut déjà être compris avec les recharges dites de destination qui se mettent en place actuellement. La quête des recharges THP au-dessus de 100 kW est une copie conforme de la situation actuelle avec les thermiques, leur généralisation SERA IMPOSSIBLE et coûtera très chère.
Bon sang ! Prenons le temps de vivre d’autant plus que les autonomies des VE actuels autorisent facilement des roulages sereins pendant 2 heures, même sur autoroute !
Ça dépend aussi de la distance à parcourir, et si on a des enfants à l’arrière ! 😀
Pour l’instant, vu l’organisation de nos villes et nos vies, on a encore trop souvent besoin d’un véhicule individuel (tendance moins forte en zone urbaine et qui se réduit enfin un peu avec le télétravail qui se développement… mais pas assez avec l’urbanisme actuel).
Quant à la recharge multi-services, en transit ou à destination, je ne peux qu’être d’accord 😉. Cette évolution pourrait d’ailleurs permettre aux stations-services en zone rurale de survivre en se réinventant (là où d’autres stations-services perdront progressivement l’intérêt, hors axes très fréquentés équipés en THP).
Ma traversée de la France cet été, pour 3 semaines de vacances, en journée et sous le soleil, en Zoé avec 4 pauses recharge de 1h30 environ dans des villes différentes pour rejoindre la Méditerranée a été très agréable.
A la toussaint, pour une petite semaine de vacances, (voyage de nuit après 18h et sous la pluie), l’usage d’un thermique permettant de faire 500 km sans pause recharge a aussi été très apprécié.
A chaque saison sa façon de voyager…