Un des principaux freins de la charge rapide des véhicules électriques est le dangereux échauffement des composants. Une université américaine semble avoir résolu le cas spécifique des câbles attachés aux bornes ultrarapides. Ford s’est associé à ses recherches.

Effectuer une recharge de batterie à haute puissance génère de la chaleur. Elle peut être destructrice, notamment pour les cellules des batteries. D’où des incendies de véhicules électriques qui sont heureusement de plus en plus rares alors que les puissances de ravitaillement en énergie continuent à augmenter.

L’échauffement bloque également le développement du matériel de recharge. Plus le courant est élevé, plus la quantité de chaleur qui doit être évacuée au niveau du câble et du connecteur est importante.

Pour un plein des packs lithium-ion en 5 minutes, il faut que l’intensité à l’entrée de la batterie du véhicule électrique et celle à la sortie de l’alimentation et du câble qui le relie à la borne s’élèvent à 1 400, voire 2 000 ampères au minimum.

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La charge rapide bloquée à 520 A aujourd’hui

Dans une vidéo mise en ligne ces derniers jours par l’université publique de génie mécanique Purdue, installée dans l’Indiana à West Lafayette, il est rappelé qu’aujourd’hui les superchargeurs les plus rapides de Tesla ne supportent pas une intensité supérieure à 520 A.

Il y a 2 ans, des documents avaient fuité, montrant que le constructeur américain recherchait lui-même des solutions avant la diffusion de son Semi. Il envisageait une immobilisation de l’ordre de 30 minutes pour que son tracteur routier puisse retrouver une autonomie de 800 kilomètres. Ce qui laissait envisager une puissance en sortie des mégachargeurs de l’ordre du mégawatt.

Tesla avait pour cela envisagé plusieurs variantes pour refroidir avec un liquide caloporteur le connecteur et le câble entre la borne et le véhicule.

Un refroidissement liquide simple n’est pas suffisant

Pour Issam Mudawar, professeur de génie mécanique à Purdue, un refroidissement liquide simple n’est pas suffisant. Son laboratoire est spécialisé dans la recherche de solutions pour les situations où les quantités de chaleur produites et à éliminer dépassent de loin les capacités des technologies exploitées aujourd’hui.

Depuis 37 ans, il aligne des solutions pour refroidir plus efficacement les appareils électroniques. Ses meilleurs résultats, exploités par exemple par la Nasa et l’aviation, il les obtient en tirant parti des facultés des fluides à capter et éliminer la chaleur lorsqu’ils sont à l’état de vapeur.

Selon lui, « un système de refroidissement liquide-vapeur permet d’éliminer au moins 10 fois plus de chaleur qu’un refroidissement liquide pur ». En appliquant ses travaux à un démonstrateur reproduisant une architecture de chargeur ultrarapide, il est parvenu à une intensité utile supérieure à 2 400 A.

Un fluide spécifique

Au cœur de la solution préconisée par Issam Mudawar, le fluide HFE-7100. Outre son usage comme solvant de nettoyage, il se montre très efficace comme vecteur de transfert thermique. Peu toxique et disposant d’un faible potentiel de réchauffement climatique, il se caractérise par un point d’ébullition élevé.

Ce fluide circulerait autour des câbles et au niveau des connecteurs pour éliminer les hautes chaleurs dégagées pour des recharges de très fortes puissances. Concrètement, l’expérience menée en laboratoire a porté sur un câble électrique d’un diamètre de 6,35 mm soumis à un très fort échauffement.

Autour de lui, une enveloppe soutenue par des anneaux concentriques augmentant la dimension à 23,62 mm. Le tuyau ainsi obtenu présente une surface externe adiabatique, c’est-à-dire imperméable à la chaleur. De cette façon, l’électromobiliste ne ressentira pas la haute température du fluide transformé en vapeur à la fin du ravitaillement en électricité.

Le système permet d’évacuer jusqu’à 24,22 kilowatts de chaleur, pour une intensité maximale de 2 438 A. Issam Mudawar assure pouvoir arriver à de meilleurs résultats encore.

Le plein d’une voiture électrique en cinq minutes

Que recherchent les acteurs de cette étude pratique ? Tout simplement à limiter le temps de recharge des batteries de fortes capacités énergétiques pour véhicules électriques à celui d’un plein en carburant. En ne comptant que sur un refroidissement liquide, les câbles deviendraient trop lourds et très difficiles à manipuler par les utilisateurs.

Issam Mudawar espère pouvoir tester en réel dans les 2 prochaines années ses travaux. Une seconde phase qui nécessite l’implication de partenaires industriels, comme des fabricants de bornes, des manufacturiers en câbles de recharge, mais aussi des constructeurs de véhicules électriques. Pour ces derniers, Ford est déjà présent, estimant avoir ainsi noué avec l’université américaine une alliance stratégique supplémentaire susceptible de soutenir son programme de commercialisation de véhicules électriques.

Source : Université de génie mécanique Purdue

Avis de l'auteur

Cette avancée conjointe de Ford et de l’université de génie mécanique Purdue est louable. Elle va dans le sens d’une amélioration du confort d’usage des véhicules électriques.

Elle fait partie de ces innovations qui gomment petit à petit la crainte de ne pas disposer d’une autonomie suffisante pour le quotidien ou pour les déplacements longs ponctuels.

Toutefois, un tel câble deviendra utile le jour où les batteries montées sur les véhicules électriques seront elles-mêmes capables d’encaisser des puissances de recharge beaucoup plus élevées. Et ce n’est pas pour tout de suite. Le palier atteint par le groupe Kia-Hyundai avec les EV6 et Ioniq 5 devrait se présenter comme un standard suffisant pour l’instant en ce qui concerne les voitures particulières et les utilitaires légers.

C’est davantage du côté des poids lourds que les besoins en recharge à très haute puissance sont stratégiques. En attendant, les solutions qui s’appuient sur l’hydrogène et le gaz naturel jouent sur le temps d’immobilisation pour s’imposer. Ce que Tesla a bien intégré à la veille de livrer les premiers exemplaires de son Semi.