Arial view of palm plantation at east asia.

Pour sauver sa raffinerie de pétrole de La Mède dans les Bouches-du-Rhône, Total mise sur les biocarburants. Fermée en 2016, l’usine rouvrira cet été pour produire du biodiesel. Pour y arriver, l’énergéticien va importer plus de 450.000 tonnes d’huile de palme d’Asie chaque année. Une catastrophe pour les associations environnementales et les producteurs de Colza.

Dans les pâtes à tartiner, les pains et pâtisseries industrielles et bientôt… dans les moteurs diesel. Malgré sa réputation de boucheur d’artères et de destructeur de forêts primaires, l’huile de palme a toujours la côte. Bon marché et abondante, elle sera bientôt importée massivement en France par Total pour produire du biodiesel. Présenté comme un carburant « propre » et prometteur pour l’industrie hexagonale, il pourrait finalement être bien plus ravageur que son équivalent d’origine fossile.

Les huiles alternatives et recyclées très minoritaires

Selon le site d’information locale Marsactu, qui a pu consulter un document de la Direction régionale de l’environnement, Total importera 450.000 tonnes d’huiles de palme brutes par an en provenance « pour la majeure partie de l’Asie du Sud-Est (Malaisie et Indonésie) ». L’industriel fera également appel à 100 000 tonnes de distillat d’acides gras de la palme, un résidu de production originaire des mêmes pays. Il s’agira donc de la principale source d’approvisionnement de la bio-raffinerie de La Mède, qui compte sur un total de 650.000 tonnes annuelles de matières premières. Le reste, « 30 à 40% », proviendra « d’huiles de cuisson, de graisse animale ou de résidus de palme usagés » affirme un cadre de Total dans une entrevue accordée à La Provence.

Un désastre environnemental pour les ONG écologistes

Si le groupe revendique l’importation exclusive d’huile de palme « certifiée durable », il est en réalité difficile de vérifier l’authenticité de l’origine de la production. Pour Greenpeace France et les Amis de la Terre qui s’expriment à travers un communiqué, l’importation massive d’huile de palme « aura des conséquences désastreuses dans les pays producteurs, où cette culture est largement responsable de la destruction de forêts tropicales ».

Invoquant une étude commandée par la Commission Européenne, les deux ONG déplorent l’utilisation d’un produit qui « serait responsable de trois fois plus d’émissions de gaz à effet de serre que les carburants fossiles et aurait donc un impact catastrophique sur le climat ».

Un danger pour les producteurs de Colza français

Au-delà de l’impact environnemental, l’importation d’huile de palme contrarie aussi les producteurs français de Colza. Via la fédération des producteurs d’oléagineux et protéagineux (FOP), ils expriment leur crainte de déstabilisation d’un filière qui représente 30.000 emplois « directs, indirects et induits ». Malgré l’annonce de Total, qui affirme discuter « avec un grand groupe français » pour l’approvisionnement en huile de Colza de sa bio-raffinerie, ils appellent les pouvoirs publics à imposer un quota minimum d’approvisionnement.

S’ils reconnaissent une faible compétitivité par rapport à l’huile de palme, les producteurs mettent en avant l’emploi local et les vertus environnementales du Colza. La culture du végétal n’engendre en effet pas de déforestation, nécessite moins de transport et ses résidus, les « tourteaux », peuvent être recyclés pour l’alimentation du bétail.

Camps de Talavera, la Segarra – Flickr – Angela Llop

Aussitôt ouverte, déjà condamnée ?

Total a investi 275 millions d’euros dans la reconversion de sa raffinerie de La Mède. Le site, qui « perdait 100 millions d’euros tous les ans » selon le groupe, achève ses derniers travaux avant une mise en service dès cet été. Avec une production annuelle de 500.000 tonnes de biocarburant et bionaphta, il devrait être rapidement rentable d’après son opérateur. Mais sera t-il durable ? La toute première bio-raffinerie de France pourrait en effet être mise à mal par le Parlement européen, qui souhaite interdire l’huile de palme dans les biocarburants en 2021…