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Voici le plan de Stellantis pour sauver l’automobile européenne

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En marge du Salon de Munich, Jean-Michel Imparato, grand chef de Stellantis, a partagé les contours du plan de route du groupe automobile dans les mois et années à venir. Évidemment, il comporte des assouplissements sur la question du CO2.

Ce qui est appréciable avec Jean-Philippe Imparato, c’est qu’il ne tourne pas trop autour du pot. Le patron de Stellantis (Peugeot, Citroën, Fiat, Opel…) sur notre continent a défini, en marge du salon de Munich, quatre exigences à destination de l’Union européenne.

« Ce que nous aimerions, c’est arrêter de discuter et agir. Quand ? Maintenant. Pour l’immédiat, pour 2030 comme pour 2035, nous considérons que la trajectoire de réduction du CO2 n’est plus atteignable », a-t-il déclaré lors d’un point presse auquel participait notamment Automobile Propre.

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L’explication de Jean-Philippe Imparato sur l’avancée moins rapide que prévu du VE a le mérite de la simplicité : « Le contexte économique n’est pas là, les stations de recharge ne sont pas là et les prix ne sont pas compétitifs ». C’est faire peu de cas du million de points de recharges publics disponibles sur le continent ou des offres premier prix arrivant de Chine.

Une réunion décisive

Cette prise de parole servait de prélude à une réunion calée ce vendredi. À Bruxelles, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, reçoit les représentants des grands constructeurs du continent pour trouver des solutions aux crises de l’automobile. Il s’agit donc de mettre la pression à l’UE. « Si nous n’atteignons pas les objectifs fixés, nous crashons l’ensemble de l’industrie », a estimé le patron de Stellantis Europe.

Le terrain avait déjà été préparé par Antonio Filosa, supérieur hiérarchique de Jean-Philippe Imparato et remplaçant de Carlos Tavares à la tête du groupe mondial. Dans une interview croisée aux quotidiens Les Echos et Il Sole 24 Ore, publiée le week-end dernier, il demandait des « leviers de flexibilité » sur l’interdiction de la voiture thermique, prévue dans un peu plus de 9 ans.

Les fourgons en première ligne

« Nous posons quatre propositions sur la table » a poursuivi le patron de Stellantis Europe en vue du dialogue avec la Commission européenne. Le premier point évoqué est le marché de l’utilitaire léger. Comprenez des fourgons. « Nous affirmons très clairement le fait que les objectifs sont inatteignables », a expliqué le dirigeant. A ce jour, les chiffres lui donnent raison. Au premier semestre, la part d’électriques et d’hybrides rechargeables dans les immatriculations d’utilitaires légers n’atteignait que 9,4 % en Europe. C’est aujourd’hui très insuffisant pour éviter des amendes.

Sur ce point, les alarmes sonnaient déjà l’an dernier, avant même l’entrée en application des normes dites « CAFE » dans leur version 2025. Avec près du tiers du marché européen des véhicules commerciaux, Stellantis est particulièrement exposé à la faiblesse de la demande et aux amendes prévues par l’UE. D’autres, comme Ford, s’en sortent mieux grâce à une offre hybride rechargeable plus complète.

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Début juillet, Jean-Philippe Imparato avait déclaré à Rome, devant les parlementaires du parti politique Forza Italia : « Si, à la fin de l’année, cela ne change pas, je devrai prendre des décisions difficiles », pointant, par exemple, l’avenir l’usine d’Atessa, dans les Abruzzes (Italie). Le site assemble les Fiat Ducato et autres Peugeot Boxer. « Je suis prêt à payer l’amende un an, mais pas deux… », avait-il assuré aux politiques transalpins, sans doute soucieux de l’avenir de près de 5 000 salariés.

Stellantis préconise : « Nous pouvons conseiller la suppression des objectifs et/ou de prendre en compte une moyenne sur cinq ans, parce qu’aucun client n’est prêt à payer 50 000 euros pour un Fiat Ducato ». Le responsable évoque, par exemple, l’arrivée d’une motorisation hybride diesel sur le fourgon pour abaisser les émissions de CO2.

La kei-car européenne

Le deuxième point soulevé par Stellantis est peut-être le plus intéressant pour l’automobiliste. « Nous proposons de revitaliser le segment A en Europe, propose Jean-Philippe Imparato. Pourquoi ? Parce que plus de 20 % du marché se situe sous la barre des 20 000 euros et parce que les gens n’ont pas les moyens d’acheter des véhicules à plus de 40 000 euros. Le Japon a inventé la kei car. Le Brésil a le carro popular ».

C’est quoi une kei car ?

L’expression est liée au Japon et provient de la catégorie kei-jidōsha (« véhicule léger »). Peu après la Seconde Guerre mondiale, l’archipel avait inventé cette classe pour développer son industrie autour de voitures petites, simples et à la faible cylindrée. Les taxes sur le poids ou les tarifs d’assurance étaient allégées pour les ménages. La formule permit le décollage de géants industriels comme Honda ou Mazda. Aujourd’hui, Daihatsu ou Suzuki demeurent fidèles à la formule, avec des véhicules basiques, souvent dotés de boîtes de vitesses CVT et de petits moteurs de 660 cm³. Les kei cars se reconnaissent à leurs plaques jaunes et noires (blanches et vertes pour les voitures plus grosses) et à leur look souvent cubique.

Stellantis, notamment par la voix de John Elkann, pousse depuis plusieurs mois pour une « e-car ». Une petite voiture basique, simple, avec des normes de sécurité allégées et un prix de vente restreint.

Devant nous, Jean-Philippe Imparato a dressé son portrait-robot : « Nous pouvons proposer une offre à 15 000 euros. On peut limiter la vitesse maxi, la puissance et elle pourrait être mild-hybrid. Nous avons besoin d’une homologation spécifique, car nous ne pouvons pas nous permettre de mettre 1 600 euros d’équipements destinés à respecter les règles ». Expliquer le renchérissement récent des catalogues des constructeurs en invoquant les normes mais sans un mot sur la politique de valeur qui a considérablement renchéri l’automobile ces dernières années est un oubli bien utile.

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Le patron de Stellantis Europe a également précisé que l’e-car pourrait être limitée à 110 km/h et être obligatoirement assemblée en Europe. C’est rusé. Car on imagine très aisément comment Stellantis pourrait adapter des véhicules existants pour répondre à ce portrait-robot et proposer des offres très rapidement. Imaginez des Fiat Pandina ou 500, dépourvues d’équipements GSR-2, avec de braves 1.0-litre à hybridation légère.

Ursula von der Leyen a déjà ouvert la porte à l’initiative. Dans son discours sur l’état de l’Union, prononcé mercredi matin devant le Parlement européen à Strasbourg, la présidente de la Commission a évoqué l’e-car : « Nous proposerons de travailler avec l’industrie sur une nouvelle initiative relative aux voitures abordables et de petite taille ».

Avec une petite précision qui va à l’encontre des demandes de Stellantis : « Je pense que l’Europe devrait avoir sa propre voiture électrique ».

Électrique, donc, pas hybride légère. Voilà qui pourrait constituer une ligne de faille avec le Losange, qui tentera sans doute de faire entrer la future Renault Twingo ou la prochaine Dacia Spring, toutes deux électriques, dans la boîte des e-cars. Pour cette petite voiture à l’européenne, la question ne semble pas être le « si » mais désormais le « comment ».

Lors de son point presse, réalisée dans une loge avec vue sur les stands du hall B du salon de Munich, Jean-Philippe Imparato a également abordé le sujet de la batterie européenne. La récente faillite de Northvolt souligne les difficultés de la filière sur notre continent.

Les dirigeants d’ACC (lié à Stellantis), Verkor (Renault) et PowerCo (Volkswagen) ont d’ailleurs demandé du soutien à Bruxelles dans une lettre commune. « Si l’on crée les conditions où ils ne peuvent que faire faillite, nous ne serons jamais indépendants ni neutres en carbone » a expliqué Jean-Philippe Imparato.

Prime à la casse (pour les constructeurs)

Le dernier point du « plan Stellantis » est celui d’un système de crédit CO2 encourageant le renouvellement du parc. En clair, un nouveau type de prime à la casse. « Plutôt que de tout pousser en direction du véhicule électrique, pourquoi ne pas insister sur le renouvellement du parc ? Pourquoi ne pas créer un challenge, avec l’objectif, par exemple, de renouveler 10 % du parc chaque année, soit 15 millions de voitures ? », a proposé Jean-Philippe Imparato.

Plutôt qu’un bonus au client, comme il est d’usage depuis les baladurettes des années 1990, le mécanisme se traduirait par des crédits CO2 pour le constructeur. Qu’il pourrait réutiliser pour vendre des véhicules neufs électriques, hybrides ou thermiques, voire des occasions de moins de trois ans. « J’ai fait le calcul l’autre jour, explique Jean-Philippe Imparato, si je remplace une voiture de 2010 par un véhicule plus récent (thermique ou hybride léger, ndlr.), je retranche en moyenne 70 grammes de CO2 par kilomètre. Je n’ai pas besoin d’argent, juste des crédits CO2 ».

Voilà un lobbying astucieux, puisqu’il ne mobilise pas de fonds publics, à l’heure de la dette massive. Un homme ou une femme politique ne peut qu’apprécier la perspective d’un mécanisme « gratuit ». De plus, ce système peut s’appliquer dans l’ensemble de l’Union sans passer par des politiques nationales à négocier au cas par cas.

Pour les constructeurs, le dispositif aurait deux avantages majeurs. Premièrement, l’émission de ces crédits supplémentaires permettrait d’éloigner à court terme le spectre des pénalités CO2, même si l’ONG Transport&Environment estime que seul Mercedes risque une grosse contredanse pour l’exercice 2025. Deuxièmement, il prolongerait la vie à moyen terme des véhicules hybrides, capables d’émettre 70 à 90 g de CO2 par kilomètre. Pendant la réunion, Jean-Philippe Imparato a d’ailleurs confirmé que Stellantis sortirait « d’ici 24 à 36 mois » sa propre motorisation full hybrid capable de rivaliser avec l’E-Tech de Renault ou le HSD de Toyota. On ne peut pas dire que Stellantis soit en avance…

Troisièmement, il donnerait un coup de pouce aux concessionnaires en intégrant l’occasion récente — nettement plus captive que les voitures plus anciennes — dans les calculs de CO2. Et solderait partiellement la question de la valeur résiduelle qui met aujourd’hui en difficulté certains concessionnaires. « C’est la première fois que je vois un tel consensus comme celui-là parmi les constructeurs, argue le patron de Stellantis Europe. Nous venons avec des propositions positives et j’espère que des décisions seront prises avant la fin de l’année ».

Et la vente de véhicules électriques ? Elle donnerait des « supercrédits » pour continuer à vendre les autres motorisations. On ne va quand même pas tourner autour du pot.

Le fantôme de Tavares

Il y a un an à peine, Carlos Tavares, encore à la tête de Stellantis, affirmait au nom de la stabilité son attachement à la date butoir de 2035 devant des parlementaires italiens hostiles : « Si l’on change les règles maintenant, nous allons ralentir nos efforts pour limiter le changement climatique. Je pense que c’est une question éthique que nous pouvons nous poser (…) Étant père de trois enfants et quatre fois grand-père, je n’ai pas de problème à vous dire que je souhaite contribuer pour un meilleur futur ».

Il imaginait surtout Stellantis en avance sur l’électrique : « Si je pense que mes employés ont fait un super boulot pour préparer cette transition et par ce biais avoir une position plus compétitive vis-à-vis de mes concurrents, c’est une bonne chose pour mon entreprise. Nous sommes prêts et certains de mes rivaux ne le sont pas… ». Entre temps, Stellantis a réintégré l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA) et réaligné ses positions sur celles de Renault, Mercedes ou Volkswagen…

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