AccueilArticlesVentes de voitures électriques : derrière une forte progression, des signaux négatifs qui s'accumulent

Ventes de voitures électriques : derrière une forte progression, des signaux négatifs qui s'accumulent

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Marché VE
Marché VE

À quoi jouent les gouvernements et les législateurs ? Alors que les ventes de voitures électriques progressent fortement, de nombreux signaux négatifs semblent vouloir freiner la tendance. 

Les ventes de voitures électriques en Europe se portent bien en 2025, avec une nette accélération de la tendance depuis la fin de l’été, notamment en France. En novembre, avec 23,3% des immatriculations de voitures neuves, une voiture sur quatre vendue durant cette période était électrique, ce qui représente une progression de +48,5 % par rapport à novembre 2024 [*]

Si l’on ne peut que se réjouir de cette forte poussée, il n’en demeure pas moins que quelques signaux récents ont tendance à assombrir l’horizon, et devraient modérer l’enthousiasme des tenants de l’électrification totale du parc automobile.

J’ai en effet repéré ces dernières semaines tout un chapelet de mauvaises nouvelles qui à chaque fois m’ont un peu fait bondir de mon siège. Rien de très grave si l’on prend ces annonces individuellement, mais le cumul dans une fenêtre temporelle relativement réduite peut avoir pour effet d’agacer, sinon d’inquiéter un peu même l’électromobiliste le plus convaincu.

De quoi parlons-nous ? Petit inventaire des obstacles qui se lèvent insidieusement sur le chemin du tout électrique. Accrochez-vous : du législatif au politique en passant par le technique, il y en a pour tous les goûts. Ils ne constituent pas à eux seuls des ruptures, mais pris ensemble, ils façonnent un climat d’incertitude pour les consommateurs et les professionnels de l’industrie.

La taxe au kilomètre pour les voitures électriques

On la voyait venir, ils l’ont fait. En tout cas pour le moment au Royaume-Uni, qui pour une fois a été plus rapide que notre bon vieux pays pour dégainer une nouvelle taxe. Et donc, l’idée d’une « taxe au kilomètre » appliquée aux véhicules électriques, déjà expérimentée au Royaume-Uni, fait son chemin dans plusieurs discussions politiques européennes. Il faut reconnaitre que la logique économique est assez implacable, puisqu’avec la disparition progressive des ventes de véhicules thermiques, les recettes fiscales liées aux carburants s’effritent. Il faudra donc (en tout cas dans l’esprit des gouvernements) à terme envisager de nouveaux mécanismes pour financer les infrastructures routières. Certes, c’est peut-être légitime, mais faire planer cette menace pile au moment où l’électrique semble enfin décoller révèle quand même un sens du timing un peu particulier. Car, pour l’automobiliste, cette perspective brouille un argument qui a longtemps été central dans la promotion du VE : l’avantage fiscal.

L’augmentation prévisible du coût de l’électricité

Une augmentation prévue du prix de l’électricité en 2026, évoquée par plusieurs acteurs du secteur, modifie les projections de coût d’usage pour les propriétaires de VE. Même si l’électricité reste globalement moins coûteuse que les carburants fossiles, l’écart se réduit. La part des coûts fixes — abonnement, taxes, réseaux — augmente, tandis que les coûts variables deviennent plus sensibles aux fluctuations du marché de l’énergie. Pour l’utilisateur qui recharge à domicile, cela signifie qu’un calcul simple basé sur des prix bas de l’électricité est désormais moins réaliste.

La fin probable du crédit d’impôt sur l’installation d’une borne de recharge à domicile

Un troisième facteur touche plus directement l’entrée dans le quotidien des utilisateurs : la fin du crédit d’impôt pour l’installation de bornes de recharge à domicile. Jusqu’ici, cette aide à hauteur de 500 euros jouait un rôle non négligeable pour réduire le coût d’accès à une recharge privée efficace, en particulier pour les ménages en maison individuelle. Sa suppression prévue en 2026 renchérit le ticket d’entrée pour un certain nombre d’acheteurs. Ce n’est pas un obstacle insurmontable, mais dans un contexte où chaque euro compte, c’est un élément de friction supplémentaire.

Le malus au poids va bientôt concerner les électriques

Celle-là elle fait très mal, et elle est finalement assez révélatrice de la façon dont fonctionnent les États et ceux qui façonnent les règlements. Après avoir littéralement assommé les constructeurs de normes et règles de sécurité en tous genres — pour la bonne cause, celle de sauver des vies — ce qui a inévitablement fait prendre beaucoup d’embonpoint aux voitures, puis imposé l’électrification, voilà que les mêmes législateurs leur reprochent de faire des voitures trop lourdes. Il faut donc les alléger, sinon on va payer le prix fort. Qui, « on » ? Les constructeurs ? Ben non, les clients, pardi. La taxe existe déjà, mais elle concerne seulement les modèles de plus de 1 800 kg. Depuis 2024, c’est au-delà de 1 600 kg. Le 1ᵉʳ janvier 2026, ce sera à partir de 1 500 kg. Et le barème de la taxe se fera aussi plus sévère. Il existe cependant un abattement pour les modèles électrifiés, mais cela va aussi changer le 1ᵉʳ juillet 2026.

Les constructeurs chinois reviennent à l’hybride pour percer en Europe

Le fait que des constructeurs chinois historiquement “pur VE” — Xpeng est un bon exemple — investissent désormais dans des hybrides rechargeables avancés ou des véhicules à prolongateur d’autonomie (EREV) n’envoie pas non plus un très bon signal en faveur du 100% électrique. Ces acteurs voient très bien que, malgré la progression rapide de l’électrique, il subsiste des zones de friction. Si les constructeurs chinois, qui n’ont pourtant aucun héritage thermique à défendre contrairement à nos marques européennes historiques, se mettent à l’hybride de nouvelle génération, c’est que la demande des clients l’exige impérieusement. C’est aussi — et surtout ? — parce qu’ils ont tôt fait de détecter une faille dans le système de taxes mises en place par l’Union européenne, qui vise exclusivement les électriques… et pas les hybrides. Si vous voulez une formation approfondie sur l’art de se tirer une balle dans le pied, adressez-vous aux eurocrates, ils ont un module complet sur le sujet.

Les atermoiements, et la reculade prévue de l’UE sur l’interdiction du thermique en 2035

Quel plus mauvais signal que celui qui consiste à dire qu’il faut électrifier à marche forcée pour le bien de la planète en fixant une échéance, et en même temps repousser ladite échéance ? Si rien n’est encore acté (cela devrait être quand cet article sera sorti), les hésitations de l’Union Européenne, aussi louables soient-elles d’un point de vue économique et industriel, n’envoient pas vraiment un bon signal aux consommateurs, et au marché en particulier. D’ailleurs, il suffit d’observer la tendance générale sur les réseaux sociaux pour s’en convaincre, qui dit en substance : « C’était évident que ça ne tiendrait pas, le diktat du tout électrique est une fraude, longue vie au thermique ».

Les vols de câbles sur les bornes publiques

Certes, ces incidents restent — pour le moment — marginaux en termes de volumes, mais ils sont très visibles, et leur impact sur l’imaginaire autour de l’électrique est désastreux. Une station hors service parce qu’un câble a été volé génère des images fortes, des discussions dans les forums et des inquiétudes chez les utilisateurs. Cela alimente une perception que l’écosystème n’est pas encore pleinement mature. Pour un automobiliste qui n’a jamais conduit de VE, entendre parler de bornes vandalisées peut aller jusqu’à suffire pour repousser une décision d’achat.

Voilà, ça fait déjà beaucoup, non ? Entre les hésitations, les maladresses de communication et les vrais coups de freins décomplexés, l’électrique en prend quand même un peu pour son grade depuis quelques semaines. De quoi retourner le marché ? Peut-être pas, mais on entend déjà des voix s’élever, de la part de futurs électromobilistes, qui annoncent renoncer à leur projet dans l’immédiat et repartir sur du thermique « en attendant d’y voir plus clair ».

Une accumulation de signaux qui ne constitue certainement pas le meilleur moyen de rassurer les futurs acheteurs.

[*] Source : Baromètre mensuel Avere France

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