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Près du parc des expositions d’Angers, VoltR met au point dans son usine pilote les machines qui vont permettre d’automatiser certains processus pour la seconde vie des batteries. Grâce à des partenariats, notamment avec l’éco-organisme Batribox, la jeune entreprise reçoit un flux régulier de cellules usagées avec déjà des débouchés pour les modules et packs remanufacturés. Les premiers clients sont très satisfaits, constatant même une meilleure qualité qu’avec des modèles neufs. Comment est-ce possible ?
Sur le site de Verrières-en-Anjou, c’est Alban Régnier qui nous commente la visite. Avec Maxime Bleskine, François Mallet et Thibaud Maufront, il l’est l’un des cofondateurs de VoltR. L’usine pilote en cours de développement depuis deux ans reçoit et démantèle des batteries usagées, puis sélectionne après une série de tests les cellules qui pourront être exploitées à nouveau : « Nous voulons prouver qu’il est possible de donner une seconde vie aux cellules. Elles pèsent 80 % de l’empreinte carbone des batteries et 70 % de leur coût ».
Afin d’avoir un fonctionnement régulier, il est nécessaire de s’assurer un approvisionnement en cellules : « Nous devons trouver des sources, des gisements, avec des clients en face pour le réemploi. Pour exemple, à partir de novembre prochain, nous serons fournisseur des 140 magasins Leroy Merlin de France ».
VoltR récupère en particulier des packs auparavant utilisés pour la mobilité douce et l’outillage électroportatif. L’entreprise traite aussi des modules provenant de systèmes informatiques et d’éclairage. Nous n’en sommes pas encore à l’échelle des batteries de voitures ou de camions. Sans doute dans quelques années, notamment grâce au jeu des partenariats.
À l’entrée de l’usine, on trouve des caisses en plastiques, cartons et fûts métalliques contenant d’anciennes cellules ou batteries. La jeune entreprise les reçoit contre rémunération : « Nous attendons un flux homogène, avec des éléments en état correct de présentation, sans trace de corrosion ni de coulures. Ils ne doivent pas avoir traîné dehors pendant des années ».
Ses fournisseurs se classent en trois catégories. VoltR profite déjà de flux directs provenant des industriels : « Avec Lime, par exemple, nous bénéficions d’un contrat d’exclusivité pour traiter les batteries usagées des trottinettes électriques. Elles présentent encore un niveau d’énergie résiduelle de l’ordre de 90 % ».
Fonctionnant sur le principe de l’économie circulaire, Lime désigne ses propres batteries répondant à des besoins précis : « Chacune contient 70 cellules avec des assemblages 11S7P à la fois en série et en parallèle pour disposer de la puissance et de l’autonomie souhaitées ».
De grands recycleurs comme Veolia fournissent également à VoltR des cellules : « Pour eux, devoir traiter ces cellules représente une charge économique. C’est aussi un enjeu de sécurité. Ils connaissent davantage de départs d’incendie depuis qu’ils reçoivent des batteries et cellules. A l’inverse, le risque d’emballement thermique est réduit chez nous ».
À ce sujet, Alban Régnier a une anecdote : « Nous avons eu un jour un dégagement de fumées sur une batterie. Nous l’avons immédiatement plongée dans un fût d’eau. Il n’y a que ça qui fonctionne bien. Quand les pompiers sont arrivés, la situation était sous contrôle. Impressionnés, ils nous ont demandé de les former sur ce risque ».
À lire aussiAutre curiosité, les cellules qui seront identifiées comme inexploitables pour une seconde vie peuvent être renvoyées chez les recycleurs classiques qui les ont fournies : « Pour eux, ça ne fait pas de différence que la cellule soit bonne ou pas pour les recycler, ils ne pourraient pas revaloriser de leur côté celles encore exploitables ». Un avantage toutefois à un tel fonctionnement : « Nous ne leur retournons que les cellules, c’est-à-dire la black mass qu’ils savent traiter, débarrassée du plastique, des cartes électroniques, etc. ».
La troisième catégorie de fournisseurs de cellules pour VoltR, ce sont les éco-organismes. Ainsi Batribox qui collecte et recycle des piles et batteries usagées depuis sa création en 1999 sous sa première dénomination Screlec. Une équipe de cette entreprise était présente lors de notre visite à Verrières-en-Anjou. En raison d’un contexte règlementaire qui est en train d’évoluer vers l’inclusion des batteries industrielles et des véhicules électriques, de nouvelles obligations pour les éco-organismes et une responsabilité élargie des producteurs sont à prendre en compte.
Batribox s’attend à devoir gérer dans les années à venir d’importants volumes et, surtout, des accumulateurs bien plus lourds. A la tête de la structure, Emmanuel Toussaint-Dauvergne n’a pas une grande visibilité aujourd’hui de ce que feront les constructeurs de véhicules électriques. Comme chez Automobile Propre, il a bien vu les différentes annonces s’appuyant le plus souvent sur des partenariats.
Depuis, la situation semble très floue. Pourtant, si Batribox entrait dans la boucle, il est fort probable que VoltR en vienne à traiter les cellules des voitures branchées que les rédacteurs et nos lecteurs conduisent aujourd’hui.
En particulier grâce à ses plus de 32 000 points de collecte en France, Batribox a récupéré 6 300 tonnes de piles et batteries usagées. Un record concernant cet organisme qui suit une trajectoire précise. En matière de rendement de recyclage, l’objectif est de passer pour les batteries au lithium de 65 % à fin décembre 2025 à 70 % cinq ans plus tard. Le taux de valorisation du lithium évoluerait de 50 % fin 2027 à 80 % en décembre 2031. Concernant les matériaux comme le cobalt, le plomb, le cuivre et le nickel, à ces deux étapes la progression serait de 90 puis 95 %.
Pour répondre à l’évolution de la réglementation européenne, Batribox va travailler à : repousser l’étape du recyclage ; adapter les schémas logistiques ; soutenir les acteurs de la seconde vie ; mettre en place un projet pilote.
Avec VoltR, l’organisme a pour ambition de bien presser comme un citron ou une orange le schéma de l’économie circulaire de la batterie. Avant le recyclage, quatre scénarios pourront être suivis, dont certains plusieurs fois : revente, réparation, remanufacturage, réaffectation.
Aujourd’hui le type de batteries que récupère VoltR contient des cellules cylindriques au format 18650. « Elles représentent 90 % des batteries en Europe. Comme les Chinois se sont positionnés sur ce format, tous les industriels se sont alignés dessus », a souligné Alban Régnier. Selon lui, même si la chimie NMC (nickel manganèse cobalt) est d’une gamme plus élevée, « c’est le LFP – lithium fer phosphate – qui devrait devenir la chimie dominante » du fait « d’une plus longue durée de vie » et d’une moindre quantité de matériaux critiques.
En visitant l’usine de Verrières-en-Anjou, nous avons pu assister à plusieurs étapes, dont la première consiste en un découpage au laser de la plaque de nickel qui maintient les cellules. L’opération est effectuée par une machine développée en interne que nous n’avons pas pu prendre en photo pour des raisons de confidentialité industrielle. Une fois ce travail terminé, un opérateur peut récupérer à la main les cellules : « A cette étape sont mises en quarantaine celles qui présentent des traces de choc ou de liquide ».
Un peu plus loin, une autre personne effectue à peu près la même tâche que la machine que nous venons de voir, mais sur une batterie différente : « Ici, elle provient d’un aspirateur Rowenta. La machine pourrait être utilisée aussi, mais il faut compter environ une demi-journée pour lui apprendre à travailler sur une nouvelle batterie ».
Un peu plus loin dans l’usine, une autre curiosité : « C’est notre carrousel de contrôle des cellules que nous avons développé aussi nous-mêmes. Chacune d’elles est soumise à huit étapes ». Dès la première anomalie détectée, les cellules défectueuses sont écartées. Parmi les points contrôlés par le carrousel : le voltage, la résistance interne, l’aspect externe via une caméra piloté par un logiciel maison, et l’impédance par spectroscopie.
Cette machine « guillotine » ensuite les traces de nickel des soudures et attribue un QR Code à chaque cellule en fonction de sa provenance (batterie d’origine + conteneur d’expédition) et des résultats obtenus ». Environ 30 % des cellules qui entrent chez VoltR sont éliminées.
Quand des batteries sont hors service, c’est principalement pour trois raisons : « Le plus souvent, c’est le BMS le responsable. Pour une question de coût, nombre de batteries sont pilotées par des systèmes pas chers. En autre cause, un point de soudure qui saute ».
La dernière raison, c’est quand une cellule n’a plus une capacité énergétique suffisante : « Dans une batterie, si une seule cellule à sa capacité résiduelle interne à 50 %, toutes les autres seront limitées à 50 % lors des recharges. Environ 97 % des cellules que nous contrôlons présente encore une bonne capacité ». Une fois testées, elles sont ensuite rangées dans des cartouchières de 256 cases.
Pour bien attribuer ensuite les cellules à réemployer, il est nécessaire d’évaluer leur comportement dans la durée selon leur provenance de fabrication. Pour cela, VoltR utilise quatre chambres climatiques à atmosphère contrôlée : « Pendant quelques mois, nous faisons vivre ici aux cellules leur seconde vie en accéléré, avec une succession de décharges/recharges ». Seul un échantillon par type subit ce traitement.
En revanche toutes les cellules qui sont identifiées comme bonnes à la sortie du carrousel passent par une étape de cyclage (décharge profonde/recharge) qui dure huit heures : « Ce qui nous permet d’en déterminer la capacité résiduelle ou SoH, avec une précision de 17 chiffres derrière la virgule ».
Avec l’aide de doctorants souvent très sensibles à la mission de VoltR, l’intelligence artificielle de prédiction du comportement des cellules a été développée en interne : « Ce qui nous permet, par exemple, de déduire que telles ou telles cellules pourront servir encore cinq ans dans un vélo électrique, dix ans sur des lampadaires ou seulement six mois avec une perceuse électrique qui nécessite davantage de puissance ».
Pour former les modules et batteries, VoltR utilise un algorithme d’association qui permet d’assembler entre elles des cellules présentant des caractéristiques rigoureusement homogènes à tous les niveaux : « Ici, environ 1 000 cellules reçoivent chaque jour leur étiquette en fin d’évaluation. Parmi notre stock d’environ un million d’unités, nous allons bientôt en livrer 150 000 à Leroy Merlin. Elles seront récupérées au cours d’une phase de picking très chronophage ».
Bien des clients comme cette grande enseigne du bricolage et la Poste à laquelle VoltR fournit des batteries pour les vélos électriques des facteurs font d’excellents retours sur les cellules de seconde vie. Elles seraient même meilleures que lorsqu’elles étaient neuves. Comment est-ce possible ? « Les cellules des batteries de Lime ont une capacité de 3,2 Ah. Quand elles arrivent chez nous, leur valeur est encore de l’ordre de 3 Ah. Nous les fournissons, par exemple, à des clients qui ont un besoin de 2,6 Ah. C’est pourquoi ils constatent une plus grande autonomie ».
L’entreprise applique une sorte « d’escalier de performances en réaffectant les cellules en seconde vie à la marche juste en dessous de sa précédente utilisation ». Ce n’est pas tout : « Les batteries chinoises ne sont pas toujours soudées avec le meilleur mélange de métaux. Les nôtres bénéficient de quatre points par cellule avec un alliage de nickel, et sont gérées avec un BMS de qualité ».
Comment VoltR gagne-t-il de l’argent ? « Le plus gros de notre chiffre d’affaires, 90 %, est réalisé par la revente de nos cellules. Nous nous faisons aussi rémunérer pour la collecte des batteries, et touchons pour le nickel que nous arrachons des packs pour détacher les cellules. Nous valorisons aussi les cartes électroniques. À ce jour, la société n’est pas encore rentable ».
À lire aussiAlban Régnier n’hésite pas à dire que les concurrents directs de l’entreprise « sont les revendeurs de cellules neuves ». Avec une empreinte en équivalent carbone moindre de 86 %, celles en seconde vie ne sont pas pour autant bradées : « Elles sont vendues à peu près au même prix que les cellules neuves fournies par les Chinois, dans une fourchette de 10 % moins chère à 10 % plus cher, mais avec de meilleures performances ».
VoltR a des objectifs ambitieux de développement. L’entreprise a déjà remis sur le marché 200 000 cellules et espère en livrer 200 millions par an à horizon 2035 : « Nous sommes aujourd’hui plutôt en avance sur notre agenda. D’ici deux ans, nos process seront automatisés à 90 % ». Actuellement en pleine phase de seconde levée de fonds, la jeune entreprise prévoit d’ouvrir en Europe d’ici à 2033 trois usines et cinq sites de stockage.
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