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L’ovale bleu a lancé trois modèles électriques en un an. On fait le point avec Louis-Carl Vignon, président de Ford France.
Automobile-Propre – Sur les véhicules particuliers, Ford affiche au premier semestre un recul de 23 % de ses immatriculations. C’est évidemment inquiétant. Comment analysez-vous ce chiffre ?
Louis-Carl Vignon – Ford possède deux piliers. Sur les véhicules utilitaires, nous avons réussi à refaire une partie du retard accumulé sur la voiture particulière. En prenant en compte les deux, nous avons un retard de 7 000 véhicules, soit environ 15 %, par rapport à 2024. Cela s’explique très simplement. L’an dernier, nous avions encore des Fiesta et des Puma E85. À cela s’ajoute un effet « push » sur les immatriculations qui avait touché les véhicules qui arrivaient en fin de conformité sur les normes GSR. Nous devions immatriculer nos anciens Kuga ou Puma avant une certaine date, ce qui a poussé les volumes au premier semestre 2024. Enfin, nous n’avons pas encore pleinement reçu l’apport des véhicules électriques : Explorer est arrivé après l’été l’an dernier, mais Capri en février en Puma Gen-E en juin.
AP – Vous vous attendez donc à du mieux au deuxième semestre…
LCV – Si je regarde les commandes, nous finissons à – 4 % à la fin du mois de juin par rapport au premier semestre 2024. C’est plutôt mieux que la moyenne du marché. Nous avions prévenu nos concessionnaires que le deuxième semestre serait plus positif. L’an dernier, nous n’avions pas de véhicule éligible au leasing social, ce sera le cas cette année avec Explorer et Puma.
AP – Quel est aujourd’hui le pourcentage de VE dans vos immatriculations ?
LCV – A date, nous en sommes environ à 12,5 % en France. Dieu merci, nous sommes bien au-delà de cela au niveau des commandes, à un peu plus de 20 %. Mais on constate un phénomène d’inversion par rapport à l’an dernier : en 2024, les particuliers tiraient les volumes de l’électrique et les sociétés étaient en retrait. Cette année, c’est l’inverse : les ventes aux sociétés tirent le VE. Le leasing social a basculé en deuxième partie d’année, cela pourrait relancer la demande des particuliers.
AP – Vous avez abandonné le Puma E85 pour des questions de normes. Le Kuga poursuit sa carrière avec ce carburant…
LCV – Les immatriculations restent hybrides FlexFuel à plus de 90 % et le PHEV constitue le reste. Nous ne faisons plus de pur thermique ou de diesel en raison des malus et de la fiscalité. Le restylage de l’an dernier a été apprécié par les clients avec un style plus expressif et un intérieur modernisé. L’offre E85 est aussi aidée par les règles. Cette année, la taxe sur les véhicules de société bénéficie enfin de l’abattement de 40 % du CO2, comme c’était déjà le cas sur la carte grise. En France, payer moins de taxes, c’est assez rare… Un Kuga, par rapport à un véhicule hybride d’une autre marque émettant 130 à 140 g/km, possède un avantage non négligeable côté fiscalité pour les sociétés.
AP – Vous lancez Puma et Explorer dans la course au leasing social. Quelles sont vos ambitions ?
LCV – Le leasing social concerne 50 000 véhicules. Nous en visons environ 1 500, ce qui correspond à notre part de marché en France. La demande devrait être orientée vers les petits véhicules, donc nous pensons que Puma devrait représenter les deux tiers des immatriculations, pour un tiers d’Explorer. Celui-ci est bien positionné. Mais nous pensons vraiment que le Puma Gen-E peut tirer son épingle du jeu, car le nombre d’offres sera moins grand dans son segment SUV-B tout électrique. Et c’est une petite grande voiture ou une grande petite voiture qui correspond à beaucoup d’usages.
À lire aussiAP – Vous avez lancé le Puma Gen-E au printemps. Quels sont les premiers retours ?
LCV – Nous avons vraiment lancé le véhicule au mois de juin avec la campagne de communication et les retours sont excellents. Je ne vous donnerai pas de chiffre exact, mais près de la moitié des commandes de Puma Gen-E en Europe ont été passées en France. Ici, le modèle correspond bien à la demande. Il est bien connu, avec une belle visibilité sur la route. Par ailleurs, nos concessionnaires immatriculent beaucoup de véhicules par Idée Ford, notre solution de location avec option d’achat. Pour beaucoup de clients, passer d’un Puma E85 à un Puma Gen-E est très intéressant en termes de coûts d’usage, notamment si vous vivez en province et faites des trajets pendulaires. La double proposition Puma thermique ou électrique aide nos vendeurs, car on peut facilement comparer les coûts, convaincre d’essayer les véhicules… Nous devrions arriver à 25 % d’électriques sur Puma.
AP – De leur côté, les Explorer et Capri connaissent un début de carrière plus discret. Vous avez récemment annoncé une version de base de l’Explorer, beaucoup moins chère (à partir de 39 990 €). Est-ce que cela va relancer ce duo ?
LCV – Nous n’avions pas encore la version « petite batterie » de l’Explorer (52 kWh), on commence seulement à les recevoir maintenant. Dans l’intervalle, de nouveaux entrants sont arrivés sur le segment et notre offre était super équipée. Nous nous sommes finalement dit : « n’avons-nous pas mis trop d’équipements par rapport aux attentes des clients ? En introduisant l’Explorer 52 kWh, ne peut-on pas introduire une version un peu plus simple sans être sous-équipée ? ». Nous avons à peine lancé ces versions Style et les concessionnaires n’en ont pas forcément en stock, mais elles figureront au leasing social. Cela devrait aider.
(source : Ford / Jato Dynamics)
AP – Quid de la Capri ?
LCV – La clientèle est plus typée flotte avec près de trois quarts des immatriculations, contre 60 % environ sur l’Explorer. Nous avons de bons retours, notamment des taxis, qui apprécient son efficience.
Entre la réalisation de cette interview et sa publication, Ford a annoncé la suppression de 1 000 postes dans son usine de Cologne (Allemagne). C’est précisément sur ces chaînes que sont assemblés les Explorer et Capri. « La demande pour les véhicules électriques demeure inférieure à ce qui était prévu » précise la marque dans un communiqué publié le 16 septembre. Le travail passera de deux à une équipe à partir de début 2026. Des compensations pour départs volontaires seront proposées aux salariés.
AP – Ford a été l’un des premiers constructeurs à massifier les offres LOA (location avec option d’achat). Ces dernières années, il a beaucoup été question du deuxième cycle de leasing sur les véhicules électriques, après 3 ou 4 ans, afin de populariser le VE. Y croyez-vous ?
LCV – Traditionnellement, les concessionnaires travaillent avec plusieurs maisons de crédit. Pour un véhicule neuf, ils prévoient le financement avec la “captive” du constructeur, mais travaillent avec d’autres sociétés en occasion. Mais le fait de remettre les véhicules ex-LOA sur un deuxième cycle commence à prendre. Il est en train de se passer ce que nous avons vécu il y a 20 ans sur le neuf. Les vendeurs spécialisés occasion font le chemin mental pour passer à la LOA, certains sont déjà à 40 % de contrats sur des VO. L’émergence du véhicule électrique a aussi changé un facteur en rallongeant les durées. Quand nous avions lancé Idée Ford, on parlait de 24 mois et de la « joie du neuf » tous les deux ans. Aujourd’hui, les usages ont changé, nous sommes à 36-37 mois de durée moyenne, ce qui aide à faire un deuxième cycle. En revanche, le troisième cycle, nous n’y sommes pas encore…
AP – Ford est l’un des acteurs majeurs du véhicule utilitaire, avec 17 % du marché en Europe. Ces derniers mois, Stellantis ou Renault ont mis la pression à l’Union européenne pour l’abaissement des objectifs de CO2. Quelle politique menez-vous sur ce sujet ?
LCV – Pour nous, ce n’est pas un souci. Nous avons des véhicules électriques dans la gamme, avec les Tourneo Courier, Transit Custom et E-Transit. Comme tous les autres, nous voyons que la demande du marché n’est pas assez forte. Nous sommes à peu près à 8 % de VE en France. Idéalement, nous devrions être à 12-13 %. Nous n’avons pas de menace de pénalité, car nous commercialisons des utilitaires hybrides rechargeables. Nous en sommes, par exemple, à 20 % des immatriculations en PHEV sur Transit Custom, ce qui rééquilibre notre balance CO2. Sur le 100 % électrique, on voit que cela commence à prendre du côté des grosses entreprises. Là où c’est encore compliqué, c’est chez l’artisan. Un jour, cela décollera. L’artisan fait rarement plus de 200 km, les autonomies sont donc suffisantes et avec une petite wallbox, il est possible de tout recharger dans la nuit, en heures creuses. En termes de TCO (coût total de possession, ndlr.), c’est imbattable.
AP – Vous commercialisez très majoritairement des véhicules made in Europe. Mais votre maison mère est à Détroit, aux États-Unis. La question des droits de douane fait sans doute parler au sein de la maison…
LCV – Cela n’a pas d’impact sur notre activité européenne. Nos produits vendus ici sont tous faits hors des États-Unis, y compris le Mustang Mach-E, qui est assemblé au Mexique. Maintenant, pour Ford en général, les droits de douane sont évidemment une problématique au quotidien. Les effectifs chargés des affaires publiques à Washington ont triplé. Nous sommes les moins impactés des constructeurs américains, même si l’on achète, par exemple, de l’acier au Canada ou qu’une part des V8, par exemple, pour le F-150, sont fabriqués au Mexique. Évidemment, cela met sous pression toute l’organisation Ford mondiale. Chacun doit contribuer à la rentabilité ou compenser, autant que possible, l’impact des droits de douane sur notre résultat de fin d’année.
AP – Ces derniers mois, la gamme européenne a été réduite avec l’arrêt de la Fiesta et la fin prochaine de la Focus. La presse indiquait récemment que la marque envisageait d’étendre à nouveau la gamme. Ce repentir était-il nécessaire ?
LCV – Je ne sais pas si c’est un repentir, je ne dirais pas ça comme cela. Il y a effectivement eu une communication à notre réseau après une réunion du conseil d’administration de Ford au niveau global. Compte tenu de nos ambitions globales et de la tournure du marché, nous nous sommes dits qu’il fallait être plus présent côté voiture particulière, donc de présenter une gamme avec plus de véhicules. Ceci est notamment lié à un effet croisé : les voitures font vendre des véhicules utilitaires et inversement. Nous voulons jouer avec cette synergie. Nous l’avons dit aux concessionnaires, sans être plus précis que cela : il y aura plus de véhicules particuliers dans la gamme Ford et Ford veut renouer avec la croissance.
Si l’on ne sait encore rien de ces nouveautés annoncées aux concessionnaires, un projet important était déjà dans les tuyaux. Il s’agit d’un futur modèle assemblé à Almussafes, près de Valence, en Espagne. Le site produit aujourd’hui le Kuga. Selon Louis-Carl Vignon, il s’agira d’un véhicule « multi-énergies ». Souvent bien informé, le magazine britannique Autocar révélait début septembre qu’il pourrait s’agir d’un crossover nommé… Focus. « Il ne remplacera pas le Kuga, mais sera vendu à ses côtés, introduisant un nouveau modèle avec des moteurs hybridés et électriques, à l’image du Puma », expliquent nos confrères. « Étant donné que les deux modèles seront fabriqués ensemble, on s’attend à ce qu’ils soient proches en termes de format afin de ne pas multiplier les modifications sur les lignes et processus, tout en partageant certaines pièces clés ».
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