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Un quart des voitures électriques vendues en Europe sont basées sur cette plateforme.
Il y a dix ans, un courrier de six pages changeait l’histoire de l’automobile. Le 18 septembre 2015, l’Agence de protection de l’environnement américaine (EPA) faisait parvenir à Volkswagen un « avis d’infraction ». Elle accusait le groupe d’avoir équipé ses véhicules vendus entre 2009 et 2015 d’un dispositif truquant les émissions de ses moteurs diesel. C’était le début de l’affaire Volkswagen, ou dieselgate.
Cinq jours plus tard, le patron du groupe, Martin Winterkorn, était contraint à la démission devant l’ampleur des révélations. Il fut remplacé par Matthias Müller à la tête du groupe. Parmi les hommes forts du nouvel organigramme figurait également Herbert Diess (marque VW), l’ex-monsieur ingénierie de BMW et l’un des pères de l’i3.
Soucieux de transformer rapidement l’image, la culture et les acquis techniques de l’entreprise, le conseil d’administration, nommé dans l’urgence, annonça dès le mois d’octobre 2015 la création de la plateforme électrique MEB (pour Modularer E-Antriebs-Baukasten). Il s’agit d’une boîte à outils comprenant châssis et soubassements, mais aussi différents moteurs électriques, du câblage ou encore des périphériques.
« Nous avons une task force nommée New Volkswagen qui ne s’occupe que de véhicules électriques, expliquait alors Herbert Diess au micro d’Autogefühl. Nous pensons que nous avons besoin d’une architecture 100 % électrique pour exploiter au mieux les chaînes de puissance ».
Mercedes ou BMW choisissaient alors d’adapter des plateformes thermiques adaptées pour lancer leurs EQC, iX ou i4 (1). Malgré son appartenance au groupe VW, Audi fit exception en basant le futur e-tron Quattro sur une plateforme MQB Evo, issue du thermique.
Les designers donnèrent une première idée du produit final avec le concept car ID, présenté à Paris au Mondial de l’automobile 2016. Elle annonçait, selon le communiqué, un véhicule « aussi révolutionnaire que la Coccinelle en son temps ». C’était l’ébauche de la Volkswagen ID.3. Bien connue aujourd’hui, mais sans doute pas aussi mythique que la « Cox ».
En parallèle, les ingénieurs travaillaient sur les grandes orientations techniques de cette plateforme MEB. Le projet était piloté par Christian Senger, un ancien de BMW et Continental. Concevoir une telle boîte à outil n’avait alors rien d’évident à une époque où moins d’un million de VE circulaient dans le monde.
« Nous voulons être le premier groupe à fabriquer un million de VE » promettait Christian Senger lors d’une table ronde, en marge du Mondial de l’auto 2016. Raté : Tesla fut le premier constructeur à rejoindre cet objectif en mars 2020. A ce jour, la plateforme MEB a été utilisée sur plus de 2,5 millions de véhicules en cinq ans.
Il y a neuf ans, Matthias Müller s’était basé sur une trajectoire plus ambitieuse. En 2025, il espérait « vendre 2 à 3 millions de véhicules 100 % électriques par an ». Au premier semestre de cette année, la marque a immatriculé 465 000 VE dans le monde, dont 347 000 unités en Europe.
Parmi les choix les plus forts du kit MEB figuraient l’utilisation d’une architecture skateboard, avec un empattement important, maximisant l’espace à bord et permettant de couvrir de nombreux segments. Ou encore le positionnement de la machine électrique sur l’essieu arrière, favorisant la motricité et permettant d’ouvrir davantage les passages de roues, au bénéfice du rayon de braquage.
La plateforme MEB fut également conçue pour faciliter l’industrialisation. Volkswagen a opté pour l’acier et non l’aluminium alors à la mode (BMW i3, Jaguar I-Pace, Tesla Model S…) pour la structure. De même, VW a opté pour un « rideau » placé dans le système de refroidissement plutôt que pour les volets actifs sur le bouclier, afin de décliner au plus vite sa gamme. Ceci évitait de redessiner un nouveau système sur chaque modèle.
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Cette surprenante Volkswagen électrique a été conçue avec le chinois XpengLa plateforme prévoyait par ailleurs l’utilisation de freins à tambours à l’arrière, à la place des disques. Ce retour en arrière s’expliquait par l’apport du freinage régénératif et la moindre sollicitation du système hydraulique.
Autre point : la conception d’une machine synchrone à aimants permanents APP310 très légère, intégrant l’unité de contrôle électronique. Le bobinage en épingle à cheveux (« hairpin ») ou le refroidissement par huile animé par le réducteur font partie des élégances toujours à la pointe en 2025.
Au cours des années, certains points faibles de cette famille de véhicules se sont manifestés. D’abord côté architecture électronique et logiciel : écrans éteints, fonctionnement aléatoire… Les débuts des ID.3, Q4 e-tron ou Enyaq ont été difficiles. Et le fourbi (restons polis) autour de Cariad n’a pas aidé. Les derniers véhicules ont amélioré l’expérience utilisateur et accru la stabilité des systèmes.
MEB accouche aussi de véhicules très lourds. Une Volkswagen ID.3 Pro avec la batterie de 58 kWh pèse aujourd’hui 1 815 kg, soit près de 130 kg de plus qu’une Renault Megane E-Tech équivalente. Un Škoda Enyaq 85x équipé de deux machines et d’accus 77 kWh culmine entre 2 230 et 2 384 kg en fonction des roues et des équipements. C’est beaucoup.

La plateforme a aussi été pensée avant l’avènement de la tension dite « 800 volts », permettant d’accélérer les temps de recharge. Notons tout de même que les valeurs affichées par Volkswagen demeurent dans la bonne moyenne, avec par exemple 170 kW en crête sur l’ID.7 Pro. Comme l’a démontré mon camarade Soufyane lors de son Supertest, cette valeur est même sous-estimée. Le groupe n’entend visiblement plus être accusé d’enjoliver quoi que ce soit. C’est là aussi un héritage du scandale.
En 2019, Volkswagen avait fait part de sa volonté de partager sa plateforme MEB avec d’autres constructeurs. Ford s’est montré intéressé pour sortir rapidement des véhicules électriques sur le marché européen. Les Ford Explorer EV et Capri EV font donc partie de la famille.
Par ailleurs, les récents Mahindra BE 6 et XEV 9e utilisent des éléments de la plateforme MEB, dont les moteurs arrières. La marque indienne se distingue en utilisant notamment des batteries LFP « blade » fournies par BYD. Cette chimie n’arrivera sur les MEB européennes qu’en 2027.
Au cours des dernières années, la plateforme a aussi subi des évolutions. La plus marquante fut l’introduction de la machine synchrone à aimants permanents APP550, au moment du lancement de l’ID.7. Plus coupleux (550 Nm au lieu de 310, d’où l’appellation), ce moteur se distingue par des aimants plus puissants, un régime de rotation rabaissé et un rapport modifié à 13 000 tr/min à 180 km/h (16 000 tr/min à 160 km/h sur APP310) au bénéfice de l’efficience, ainsi qu’un casing un peu plus lourd.
MEB a aussi profité d’une certaine flexibilité côté batteries. Comme le révélait Challenges il y a deux ans, les accus dits 77 kWh de capacité étaient fournis par différentes entreprises : SK On, LG ou CATL… Si l’architecture prismatique à 12 modules restait la même de menues divergences sur les capacités et vitesses de recharges se sont manifestées.
En revanche, un chantier a mis plus de temps que prévu. La plateforme MEB devait accoucher à l’horizon 2025 de modèles placés en-dessous de l’ID.3. Dès 2021, Volkwagen révélait le concept ID.Life. Il évoquait alors le passage à une machine placée sur l’essieu avant et un prix plancher de 20 000 euros.
L’ID. Polo et ses sœurs (VW ID. Cross, Cupra Raval, Skoda Epiq…) arriveront finalement en 2026-2027 pour un tarif minimum annoncé de 25 000 euros. Surtout, ce sera le fruit d’une plateforme retravaillée aujourd’hui nommée MEB+ avec l’introduction de la chimie LFP ou de l’architecture cell-to-pack. On s’en reparlera par ici.

Si certaines intuitions de MEB étaient les bonnes, cela n’a pas empêché Wolfsbourg de connaître bien des turbulences ces dernières années. À l’échelle micro, le peu de soin porté à la qualité perçue sur les premiers véhicules MEB a provoqué l’ire de la presse auto et des clients. Pour beaucoup, c’était un pilier de VW et l’ID.3 première version n’y faisait pas honneur. Tout comme des préceptes d’ergonomie bizarres (soyons polis) ayant conduit l’ID.3 à ne pas rétroéclairer ses commandes de climatisation, à opter pour les commandes haptiques peu efficaces ou à transformer son écran central en magasin de bonbons…
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Alliance Volkswagen-Rivian : où en est-on un an après ?Mais les vrais problèmes qui ont rongé VW ces dernières années relevaient plutôt de l’échelle mondiale. En Chine, la part de marché du groupe s’est effondrée face à une concurrence plus redoutable que prévu. Aujourd’hui, Volkswagen ne figure pas dans le top 10 des marques électriques en République populaire. En Europe, la demande de VE a été trop faible ou fluctuante pour abaisser les coûts et laisser assez de débouchés aux usines. Et cela ne permet pas d’atteindre des cadences suffisantes pour bien rentabiliser la plateforme. En Allemagne, il a fallu gérer les guerres intestines ayant mené au départ d’Herbert Diess ou le mécontentement social généré par la suppression de 35 000 postes à l’horizon 2030. Le récent arrêt d’une semaine à l’usine de Zwickau l’illustre une nouvelle fois.
Reste un fait. Aujourd’hui, un quart des voitures électriques immatriculées en Europe est basé sur la plateforme MEB. Et cela est intimement lié à des choix effectués dans l’onde de choc de l’affaire Volkswagen.
(1) La BMW i3, sortie avant le dieselgate faisant figure d’exception
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