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Les constructeurs automobiles ne sont pas des œuvres de charité

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Peugeot e-2008 face avant
Peugeot e-2008 face avant

Sur France 2, Elise Lucet s’est étonnée de voir que les constructeurs essaient de nous vendre des voitures plus chères avec des contrats qui leur rapportent davantage. De quoi faire réagir notre râleur en chef.

Dans son dernier numéro de Cash Investigation, Elise Lucet s’est penchée sur les SUV. Toute l’émission était consacrée à la mode de ces véhicules. Et forcément, l’idée n’était pas d’en dire du bien. 

Car la journaliste a beau répéter à qui veut l’entendre que ses reportages ne sont pas orientés et pas à charge, on ne le croit plus vraiment quand on connaît le sujet et que l’on voit le traitement qui lui est réservé. De la mise en image au vocabulaire employé, tout est détourné pour illustrer le postulat de départ, qu’il faut démontrer coûte que coûte, à savoir que les SUV sont plus gros, plus polluants et plus dangereux.

Exemple parmi tant d’autres de cette manière de retenir ce qui arrange dès l’intro, où le SUV Renault retenu pour parler d’un prix est le Rafale à 46 000 €, quand le Captur à 26 000 € n’est jamais mentionné. Et très rapidement, le reportage prend un virage curieux. L’idée est de prouver que les SUV sont un business juteux pour les constructeurs.

Tout commence avec une caméra cachée. Un faux couple arrive dans une concession Peugeot avec un budget de 20 000 €, ce qui correspond davantage à l’achat d’une 208. Mais le journaliste qui décrit la scène sous-entend aussi sec que le vendeur va tout faire pour vendre son équivalent SUV, le 2008.

Avec la caméra cachée, on voit bien que le vendeur présente en effet d’abord le 2008. Mais il fait ensuite monter le couple dans la 208. La démonstration en prend un coup, alors le journaliste trouve une autre parade pour faire croire à la vente forcée : le vocabulaire utilisé par le concessionnaire pour présenter la 208 est moins flatteur. On est assis moins haut, on est plus à l’étroit. Ce sont juste des faits, pas une manipulation.

Vient alors le moment des propositions commerciales. Là encore, une offre est bien faite avec la 208, puis avec le 2008. Le client a donc un choix. Le vendeur n’a pas disqualifié d’office la 208 pour vendre uniquement un SUV.

Il a quand même un argument pour favoriser le baroudeur : le leasing. Avec lui, les écarts de mensualités entre berline et SUV ne sont que de quelques dizaines d’euros. Autant donc prendre le SUV plus spacieux, non ?

Sans souligner que le leasing peut aider à monter en gamme, le reportage se lance finalement dans une longue critique sur ce mode de financement, véritable jackpot pour les marques.

Bon, il n’y a plus vraiment de rapport avec le SUV, car le leasing concerne tout le marché. Mais il faut bien se raccrocher aux branches pour faire dans le sensationnel. Avec une analyse complètement erronée, notée aussi par nos confrères d’Autoactu, donnant l’impression qu’avec un leasing le constructeur marge à 30 % au lieu de 8 % avec une vente classique.

On entend souvent dire que l’investigation à la télé, cela coûte cher. On s’amuse donc de voir qu’il faut une caméra cachée pour (mal) expliquer que le leasing est une technique commerciale qui rapporte davantage qu’une vente au comptant.

C’est vieux comme le commerce à crédit, c’est valable pour n’importe quel bien de consommation. Et la voiture est un bien de consommation, pas un bien de première nécessité. Elle est vendue par une entreprise privée, et non par une ONG.

Car je suis ressorti de la vision de ce reportage avec une drôle d’impression. Le but de l’enquête était indiqué dans le titre : montrer que le SUV est un jackpot pour les constructeurs. Mais tout ce qui est montré relève tout simplement du business, avec des méthodes valables dans n’importe quelle industrie.

Par exemple, dans la partie consacrée à la pollution, où l’on s’attendait à une enquête poussée et des mesures entre une berline et un SUV, on s’est retrouvé avec une critique de la motorisation hybride rechargeable. En cause ? En usage réel, on est très loin des chiffres flatteurs des brochures. Encore une porte ouverte enfoncée…

C’est la faute à un protocole de mesure trop gentil. Reconnaissons que l’enquête explique bien que ceci a découlé d’un lobbying des marques, notamment allemandes. Mais à la fin, qui a décidé ? Ce sont les parlementaires européens. Ils sont responsables du choix fait. Les marques ont tenté le coup, elles ont réussi. Cela peut sembler moche, mais si personne ne résiste en face…

Avec un tel reportage, on a l’impression que les constructeurs automobiles ne devraient pas être des entreprises privées comme les autres. Que de simples techniques commerciales très répandues seraient un scandale d’Etat, et il faut alerter les Français !

Ce n’est toutefois pas un sentiment qui se limite à Cash Investigation. Cet aspect se retrouve dans le discours de certains politiques.

Peut-être parce que la voiture est un objet de mobilité et un symbole de liberté. Mais on ne peut pas demander à des constructeurs de ne pas faire de profits sous prétexte que l’automobile serait un élément de première nécessité pour satisfaire le besoin primaire de se déplacer. Ou alors il faut qu’une entreprise de l’Etat imagine la voiture essentielle garantie sans marge.

Les acheteurs qui s’offusquent des tarifs des voitures neuves doivent avoir cela en tête. Oui, les prix ont flambé ces dernières années, mais cela dépend de tout un tas de facteurs, notamment des normes de pollution et de sécurité plus sévères en Europe. Preuve d’ailleurs que le lobbying à Bruxelles ne marche pas toujours ! Il y a aussi le coût de l’énergie, celui des matières premières…

A n’en pas douter, les marques généralistes rêveraient de baisser les prix pour attirer l’attention et vendre davantage. Même Dacia s’est résolu à augmenter ses tarifs au fil des années.

Cette chronique n’est pas non plus le fruit d’un lobbying. Elle vise juste à vous rappeler que lorsque vous allez dans une concession, vous savez où vous mettez les pieds. Dans un endroit où l’on vous vend un objet, pas dans un service public. Et il n’y a pas non plus besoin d’Elise Lucet pour le savoir.

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