Renault : les chantiers urgents du nouveau patron

C’est officiel, François Provost est le nouveau directeur général du groupe Renault. Les vacances attendront, car plusieurs défis l’attendent déjà.

Une surprise peut en cacher une autre. Après le coup de théâtre du départ de Luca de Meo, le conseil d’administration a choisi un remplaçant inattendu, François Provost. L’homme était Directeur des Achats, des Partenariats et des Affaires Publiques. Il a travaillé à la mise en oeuvre du plan de relance de Luca de Meo. Autant dire qu’il est question de continuité et que ce nouveau DG ne va pas bousculer l’organisation et les projets.

François Provost va toutefois assurément ajuster le prochain plan stratégique sur lequel Luca de Meo a planché avant son départ. Et si l’Italien a brillamment relancé le Losange, tout n’est pas rose dans le groupe, d’autant que l’industrie automobile traverse encore une zone de turbulences, entre guerre des droits de douane et difficultés sur le marché de l’électrique. Automobile Propre fait le tour des chantiers prioritaires.

Rattraper le retard technique sur le marché des voitures électriques

Après avoir constitué sa nouvelle offre d’entrée de gamme (avec les Twingo, R5, R4), le prochain gros chantier de Renault est la construction d’une nouvelle gamme de voitures familiales électriques, pour remplacer la Megane et le Scenic, mais aussi offrir un équivalent branché à l’Austral. Avec ces véhicules, le constructeur compte rattraper d’un coup son retard technique face à la concurrence. Il a notamment prévu une architecture 800V.

Ces projets sont ultra-importants. La marque a déjà commencé à travailler dessus et François Provost devra s’assurer de la réussite de leur conception, Renault n’ayant pas le droit à l’erreur face à une concurrence de plus en plus redoutable. On garde aussi en tête que les ruptures technologiques chez Renault ont pu se faire dans la douleur en matière de fiabilité, une faute qui pourrait cette fois être fatale.

Mettre fin à Mobilize ?

Luca de Meo était un homme de produit. En ce sens, il a multiplié les marques et les partenariats… Ampere, Horse, The Future is Neutral, Flexis… C’était presque une passion. Au point que le groupe comprend désormais un grand nombre de ramifications et d’entités, assurément trop.

S’il est difficile de stopper les co-entreprises, François Provost pourrait faire du ménage dans les entités internes. On se demande par exemple si Mobilize a un intérêt. Luca de Meo en avait fait un des quatre « business unit » de la Renaulution, avec un côté fourre-tout : des véhicules de petite mobilité, de la recharge, des services financiers…Le remplaçant du Twizy n’est pas une Renault, c’est le Mobilize Duo. Mais au final, Mobilize ça ne parle à personne, alors que les clients ont besoin de connaître une marque pour l’acheter. D’ailleurs, pendant que la Citroën Ami cartonne, le Duo connait des débuts chaotiques.

Savoir gérer les nombreux partenariats

Comme dit au-dessus, Luca de Meo a multiplié les co-entreprises, une manière de contourner un problème du Losange, celui d’être un groupe trop petit. Luca de Meo a donc cherché tout un tas de partenaires pour partager les frais : Volvo et CMA-CGM pour les utilitaires électriques, Geely pour les moteurs thermiques/hybrides… Une stratégie risquée car ces partenaires peuvent devenir des sources de problèmes et gêner Renault dans la conception de ses projets. On voit bien la fin calamiteuse de l’Alliance avec Nissan, dont François Provost devra aussi gérer les derniers soubresauts.

Veiller à ce que Dacia reste dans le droit chemin

Petit à petit, Dacia monte en gamme. La marque n’est plus low-cost, elle propose maintenant le nécessaire à bon prix. Un changement poussé par les normes plus sévères mais aussi les attentes de sa clientèle, qui elle même opte pour les versions haut de gamme. Reste qu’avec cette évolution, la marque n’est plus toujours le choix pertinent. Son Bigster hybride n’est ainsi pas si bon marché face à un MG EHS hybride.

Dacia doit présenter un plan stratégique en fin d’année, où l’accent sera mis sur de nouveaux modèles compacts. Attention donc à ne pas trop s’embourgeoiser et perdre de vue sa mission d’origine dans le groupe. Maintenant qu’il est aux commandes, François Provost pourrait amender ce plan.

Trancher sur l’avenir 100 % électrique d’Alpine

Lorsque Luca de Meo a pris les commandes du groupe Renault, Alpine avait un avenir incertain, malgré le retour réussi de l’A110. L’Italien a vite dissipé les doutes et avait même de très grandes ambitions pour la firme, promettant une gamme de 7 modèles pour 2030. Avec une particularité : ils seront électriques.

Reste que le marché de l’électrique ne progresse pas comme espéré, encore plus auprès de la clientèle des sportives. François Provost pourrait donc bien revoir les plans et remettre en cause cette bascule anticipée vers l’électrique. Des projets pourraient être reportés voire annulés en raison de la guerre commerciale entre la Chine, l’Europe et les Etats-Unis, d’autant que des véhicules étaient pensés pour partir à la conquête du marché américain.

Maintenir la hype autour de Renault

En plus de relancer les finances du groupe, Luca de Meo a clairement redoré le blason de la marque, qui fait de nouveau envie avec des modèles comme la R5 et des projets fous tels que la R5 Turbo 3E. Luca de Meo a beaucoup travaillé sur l’image du Losange… en se mettant beaucoup en scène.

Une starification qui selon Les Échos plaisait moyennement au conseil d’administration, qui aurait justement choisi un patron plus discret pour rééquilibrer le tandem avec le président Jean-Dominique Senard.

Mais soyons honnêtes : la nomination du peu connu François Provost n’a pas suscité l’enthousiasme de celle de Luca de Meo. Il ne faudrait pas que cela se traduise par une descente de cette « hype » qui porte Renault depuis quelques temps et qui a fait revenir de nombreux clients.

D’autant que le Losange vient aussi de perdre son designer vedette Gilles Vidal, retourné chez Stellantis. L’une des premières grosses missions de François Provost sera de nommer son successeur, qui imprimera assurément sa patte sur le style de la marque. Un choix crucial car c’est un élément essentiel du pouvoir d’attraction d’une marque.