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L’Union Européenne semble vouloir s’ouvrir à une catégorie de petites voitures sobres et économiques, en levant notamment certaines normes qui bloquent le développement de ce segment. On fait le point.
Avec l’électrification à marche forcée, une petite musique se fait de plus en plus entendre, celle du retour à des voitures plus simples, moins encombrantes, plus sobres, moins coûteuses et adaptées à l’usage dominant qui est celui des petits déplacements quotidiens.
Renault avait anticipé le mouvement il y a déjà plus de dix ans avec la fameuse Twizy, avant que Citroën ne lui emboîte le pas plus récemment avec son Ami. Des concepts à la portée et à la clientèle toutefois limitée, ou trop ciblée pour en faire un véritable succès de masse.
Les choses pourraient changer dans les prochaines années sous l’impulsion des instances européennes, et même des constructeurs. En effet, dans une récente déclaration lors de son cinquième discours sur l’état de l’Union européenne prononcé parallèlement au salon automobile IAA Mobility de Munich en septembre dernier, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a annoncé vouloir travailler à la création d’une nouvelle catégorie de véhicules légers et abordables : « Je crois que l’Europe doit avoir sa propre E-car. E pour environnementale, efficace et légère. E pour économique, accessible. E pour européenne, fabriquée ici avec des chaînes d’approvisionnement européennes. L’automobile est un pilier de l’économie et de l’industrie européenne dont dépendent des millions d’emplois. Nous devons travailler avec l’industrie automobile à une nouvelle initiative relative aux voitures abordables et de petite taille, l’Europe doit avoir sa propre voiture électrique ». L’Union européenne pourrait ainsi favoriser une nouvelle génération de voitures électriques consistant en de petits modèles urbains, ultra-compacts et peu puissants, inspirés de la philosophie des fameuses kei cars japonaises. Ce segment, jusqu’ici ignoré des classifications officielles européennes, pourrait bientôt bénéficier d’un statut à part entière, ouvrant la voie à une mobilité électrique plus abordable et plus adaptée à la ville. Des modèles qui ne cherchent pas à impressionner par leurs performances, mais à rendre l’électrique pratique, simple et économique.
Ce concept de mini-voiture électrique n’a rien de vraiment nouveau. Au Japon, les kei cars sont depuis des décennies une catégorie à part qui représente pas moins de 40% du marché automobile national. Une catégorie régie par des normes précises, soit un gabarit limité, une puissance réduite et une fiscalité allégée. Résultat, des millions de Japonais roulent dans ces voitures compactes, idéales pour les rues étroites de Tokyo ou d’Osaka. En Europe, on retrouve déjà quelques tentatives proches, comme la Citroën Ami, la Microlino ou la très réussie et cossue Silence S04. Mais ces véhicules sont en réalité des quadricycles lourds entrant dans la catégorie VELI (Véhicule Léger Intermédiaire) et ne sont pas considérés comme de véritables voitures, ce qui limite leur usage et leur perception auprès du grand public. La création d’une catégorie officielle de “petites voitures électriques urbaines” changerait donc la donne et permettrait d’unifier le cadre réglementaire en donnant une base claire aux constructeurs pour développer ce type de modèles.
Ce qui aurait aussi pour effet que l’Europe renoue de façon intelligente et écoresponsable avec son glorieux passé, où le marché automobile était essentiellement peuplé de petites bagnoles agiles et pratiques, aptes à se faufiler dans les moindres recoins de nos villes tout en étant capables d’emmener ponctuellement une famille en vacances à l’autre bout du pays. On pense évidemment à la Fiat 500, à l’irrésistible Vespa 400, puis, plus près de nous, à la 4L, la R5 et enfin, à la Twingo.
La Commission européenne planche donc sur le sujet, et elle pourra probablement compter sur le soutien de quelques constructeurs, comme Stellantis (dont le président John Elkann a déjà fait des déclarations en ce sens), ou Renault, voire même de quelques États membres, comme l’Italie. Alors qu’il était encore directeur général de Renault, Luca de Meo avait a rappelé à l’occasion d’une conférence sur le futur de l’automobile que les petites citadines représentaient 50 % du marché automobile européen dans les années 1980 et qu’aujourd’hui, cette part est tombée à 5 %. En cause, selon lui, les normes de plus en plus strictes imposées par l’Union européenne.
On le sait, la plupart des trajets quotidiens font moins de 40 km. Pourquoi continuer à utiliser des SUV de 2 tonnes pour ces trajets quand un petit véhicule électrique de 400 kg suffirait ? L’idée serait par conséquent d’introduire une nouvelle sous-catégorie de véhicules électriques destinés aux déplacements urbains. Les discussions portent notamment sur les critères techniques, comme la taille maximale, la puissance, la vitesse bridée autour de 90 km/h, autonomie d’environ 150 km et les exigences de sécurité adaptées. Et, dans le cahier des charges, bien entendu, un prix contenu en dessous des 15 000 euros. L’enjeu est d’éviter de créer une “sous-voiture”, mais plutôt une alternative réaliste et cohérente aux modèles urbains classiques. Une démarche qui s’inscrit aussi dans un contexte de réduction de l’encombrement urbain et de révision des usages de la voiture. Selon la Commission Européenne, les futures voitures nées de cette nouvelle initiative devront être propres, efficaces et légères, commercialisées à un prix abordable, et construites en Europe grâce à des chaînes d’approvisionnement européennes.
Mais pour cela, encore faudrait-il que l’UE lève un peu le pied sur les normes qui étouffent les constructeurs et les contraignent à produire des voitures toujours plus sophistiquées, donc plus lourdes, plus chères et plus compliquées et coûteuses à entretenir. Car, comme le demandait ironiquement Jean-Philippe Imparato, le directeur de Stellantis Europe lors du salon de Munich, « Une petite voiture a-t-elle besoin d’une assistance au changement de ligne pour aller chercher le pain ? ». Il pourrait s’agir d’un retour aux normes de 2018, avant l’introduction de la norme GSR2.
Mais c’est surtout le volet environnement qui plaide en faveur de ces petits véhicules. Car qui dit taille réduite dit poids réduit, et donc des batteries plus petites également, et moins énergivores. Et des voitures nécessitant forcément moins de matières premières à la construction, et un recyclage plus facile. Côté usages, en effet la question de l’autonomie reste subalterne dans un contexte de déplacements urbains et péri-urbains. Au risque de se répéter, à confort et sécurité équivalents (à savoir un habitacle chauffé – ou climatisé, relativement bien isolé phoniquement, une sono correcte, et 4 places habitables sans trop de contorsions), à quoi bon se déplacer en ville avec un engin de 2 tonnes et de 5 mètres de long quand on peut le faire avec une petite boîte à chaussures, qui de surcroît sera beaucoup plus facile à garer ?
Même si le mouvement est récent, l’Europe ne part pas pour autant de zéro sur le sujet, et des pistes de travail concrètes sont déjà sur la table. Les réflexions en cours à Bruxelles pourraient s’appuyer sur les pistes esquissées l’an dernier par le groupe de recherche Gerpisa, spécialisé dans l’étude des mutations de l’industrie automobile. Ce collectif avait proposé la création de deux nouvelles classes de véhicules électriques légers : l’une destinée à la ville pure, avec une puissance plafonnée autour de 40 kW et des équipements de sécurité simplifiés, l’autre plus polyvalente, dotée d’un niveau de protection équivalent aux voitures compactes actuelles et autorisée sur tout le réseau routier. Dans les deux cas, les modèles imaginés ne dépasseraient pas 3,80 m de long pour un poids inférieur à une tonne, batterie comprise. Un tel cadre technique ouvrirait la voie à des véhicules simples, légers et économiques, dont le prix d’accès pourrait tomber sous la barre des 15 000 €.
Du côté des forces en présence, certains modèles actuels se rapprochent déjà de cette définition. La première qui vient à l’esprit est évidemment la Dacia Spring, mais il y a aussi la Leapmotor T03, ou encore la BYD Dolphin Surf. Problème, elles sont toutes les trois chinoises, ou en tout cas fabriquées ou assemblées en Chine, pour le moment. Côté européen, on pourra bientôt compter avec la Renault Twingo, et dans un avenir un peu plus lointain, avec la Volkswagen ID.1, voire l’ID. Polo et la Dacia Hipster. Mais c’est à peu près tout, et ces modèles ne correspondent pas vraiment au cahier des charges, notamment en raison de leurs équipements de sécurité et d’assistance à la conduite, aussi pléthoriques que coûteux (et inutiles dans cette catégorie ?).
Alors, cette nouvelle catégorie d’automobiles pourrait-elle incarner le salut de l’industrie automobile européenne, ou juste un pansement sur une jambe de bois ? Il faudrait interroger les consommateurs, mais mon petit doigt me dit que l’attente est forte et que le succès pourrait bien être au rendez-vous. En tout cas en deuxième voiture, mais pourquoi pas en voiture unique pour toute la famille ?
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