AccueilArticlesÉlectrification des flottes : pourquoi les entreprises sont-elles (encore) si frileuses ?

Électrification des flottes : pourquoi les entreprises sont-elles (encore) si frileuses ?

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Alphabet, leader dans le domaine de la gestion des flottes d’entreprises, vient de publier un état des lieux du marché. Au total, 730 clients provenant de 12 pays européens différents ont été interrogés entre janvier et février 2025. Les résultats sont mitigés. D’un côté on sent qu’il y a une certaine volonté de verdir les flottes, mais de l’autre on voit bien que les réticences sont encore très présentes. Voilà ce qu’il faut retenir de ce document de 250 pages.

Depuis janvier 2024, les entreprises européennes sont soumises à de nouvelles obligations environnementales dans le cadre du Green Deal. D’ici 2026, elles devront publier des informations sur leurs actions en matière de responsabilité environnementale, notamment un rapport sur les émissions de CO2 de leur flotte.

Pourtant, malgré ce cadre réglementaire de plus en plus contraignant, l’étude montre que la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) ne joue pas encore pleinement son rôle de levier. Plus de la moitié des gestionnaires interrogés (56 %) ne considèrent pas cette réglementation comme une incitation déterminante.

Une priorité stratégique, mais…

Malgré cela, les entreprises ne nient pas l’importance de la transition écologique. Selon l’édition 2025 du European Fleet Emission Monitor (EFEM), 60 % des répondants disent que le développement d’une flotte durable est une « priorité stratégique ». Un chiffre qui est toutefois en recul par rapport à 2024 (64 %), signe d’un léger essoufflement au sein des entreprises européennes. L’étude révèle également que seules 49 % des entreprises ont fixé des objectifs concrets en matière de développement durable, contre 52 % l’an dernier.

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Si l’électrification des flottes reste l’un des leviers majeurs pour réduire les émissions de CO2, Alphabet constate une forme de stagnation. L’enquête montre que de nombreux gestionnaires de flotte se heurtent à des difficultés techniques, logistiques et financières. Les répondants citent la « complexité du suivi des émissions » et le « nombre trop faible de bornes de recharge ».

Des flottes loin des objectifs fixés

À ce jour, seules 35 % des entreprises ayant mis en place un suivi des émissions parviennent à maintenir leur flotte sous les 100 g de CO2/km, seuil considéré comme un indicateur de performance. Environ 44 % déclarent toujours des niveaux supérieurs, et 22 % ne sont même pas en mesure de fournir un chiffre précis. Ces résultats traduisent les limites d’une transition encore trop souvent menée à tâtons. Cette stagnation est en grande partie le fait d’une transformation numérique globale loin d’être acquise.

En effet, 37 % des entreprises interrogées déclarent avoir du mal à intégrer efficacement les outils digitaux à leur gestion quotidienne. Un quart d’entre elles avoue « ne pas savoir comment exploiter les données collectées ». Vous avez bien lu ! Ce n’est donc pas forcément une question de mauvaise volonté. Nous sommes plutôt face à une forme « d’incapacité à s’outiller correctement » qui freine l’identification des leviers de réduction des émissions et, par ricochet, l’électrification des flottes.

Si près de 4 entreprises sur 10 affirment vouloir fixer des objectifs de développement durable dans les cinq prochaines années, d’autres restent dans l’expectative. Environ une entreprise sur sept se donne « plus de six ans » pour atteindre ses objectifs. Et 32 % des entreprises européennes n’ont toujours pas de plan clair en matière de développement durable, même si ce chiffre est en baisse par rapport à 2024 (43 %). Les démarches engagées sont souvent isolées. Il manque une « coordination sectorielle ».

Encore beaucoup de réticences

L’étude montre que 56 % des sondés pensent que leur flotte sera entièrement électrifiée « à un moment donné ». Un chiffre en recul par rapport à 2024 (62,4 %). Ils sont 20,3 % à penser qu’ils ne disposeront plus d’aucun véhicule thermique d’ici 6 à 10 ans (contre 23 % en 2024). Et on découvre que les réticences sont encore bien présentes : 90,5 % des gestionnaires de flottes estiment que l’électrification représente un grand défi. Le challenge principal selon eux ? L’autonomie des véhicules électriques.

Et la France dans tout ça ?

Si on se focalise sur les 109 entreprises françaises ayant répondu, on découvre que 42,2 % des gestionnaires de flottes se sentent « mal informés » ou « pas informés » sur les questions liées à la mobilité électrique. Ils sont seulement 39,4 % à dire que leurs flottes seront entièrement électrifiées à un moment donné dans le futur. Le sujet du monitoring des émissions de CO2 est même en train de régresser : en 2025, 45 % des sondés disent qu’ils ne mesurent pas ces émissions, contre 36,4 % en 2024.

Avis de l'auteur

Si certains voient une stagnation dans le verdissement des flottes, j'ai plutôt l'impression que nous assistons à un recul assez marqué. Et malheureusement, ce n'est pas si étonnant que cela. À l'image de la suppression des ZFE en France, on voit bien que les sujets en lien avec l'écologie perdent du terrain au profit d’une certaine realpolitik économique. Les entreprises n’échappent pas à ce mouvement. À leur décharge, elles doivent jongler entre des objectifs de rentabilité à court terme et des injonctions réglementaires qui peinent à se traduire en véritables leviers d’action. Résultat : on reporte, on temporise, on adopte des plans a minima pour « être en conformité », mais sans réelle ambition. On a une baisse de 4 points au sujet de la considération de la décarbonation des flottes comme une priorité stratégique. À mon sens, c’est plus qu’un chiffre. C’est un signal faible, mais clair, que le momentum est en train de se dissiper. Je suis également frappé par la grande solitude des gestionnaires de flotte. Ils manquent d'outils, de compétences ou simplement d’informations. Ce désengagement progressif doit nous alerter.

Valentin Cimino

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