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Stellantis pousse l’Europe à alléger les normes pour pouvoir proposer des voitures électriques abordables

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John Elkann, l’homme qui a évincé Carlos Tavares de Stellantis et qui occupe actuellement la fonction de président du groupe, appelle l’Union européenne à plus de souplesse. Il milite pour des règles qui permettraient aux constructeurs de fabriquer des petites voitures électriques bon marché et rentables.

Un effondrement du marché des petites voitures

Présent à l’occasion du congrès Automotive News Europe 2025, John Elkann n’a pas mâché ses mots. Le président et premier actionnaire de Stellantis, l’un des plus grands groupes automobiles mondiaux, a plaidé pour une réforme réglementaire ambitieuse auprès des autorités européennes. Selon lui, les normes actuelles rendent impossible la « production rentable » de petites voitures électriques. Pourtant, cette catégorie de véhicules était autrefois le cœur battant de l’industrie automobile du Vieux continent.

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Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2019, un million de voitures coûtant moins de 15 000 euros étaient encore vendues en Europe. Ce chiffre est tombé à environ 100 000 unités en 2024. La raison selon M. Elkann ? Une réglementation de plus en plus contraignante. Les petites citadines sont désormais soumises « aux mêmes exigences que les véhicules de plus grande taille en matière de sécurité, de connectivité ou d’émissions de CO2 ». Cela alourdit leur poids, leur complexité et leur coût.

Un modèle japonais à suivre ?

Le président de Stellantis a insisté sur ce point en affirmant que plus de 25 % des ingénieurs de Stellantis travaillent aujourd’hui uniquement « sur des questions de conformité réglementaire ». Des tâches « sans valeur ajoutée pour le client final », a-t-il précisé. À ses yeux, cette situation est un frein à l’innovation et à la compétitivité. Il appelle l’Union européenne à faire preuve de pragmatisme, à l’image du Japon et de ses célèbres kei. Ces microcars représentent à elles seules près de 40 % du marché national.

Les kei cars nippones répondent à des critères précis : longueur inférieure à 3,40 m, largeur maximale de 1,48 m, et moteur limité à 660 cm3. Grâce à des normes assouplies et des incitations fiscales, ces véhicules sont proposés à des prix défiant toute concurrence, parfois en dessous de 10 000 euros. John Elkann évoque l’idée d’une « E-Car » européenne, une nouvelle catégorie réglementaire qui permettrait aux constructeurs de proposer des véhicules similaires, mais adaptés aux spécificités du marché continental.

Dans le domaine des petites voitures électriques, Stellantis ne part pas de zéro. Avec la Citroën Ami ou la Fiat Topolino, le groupe propose déjà un certain nombre de modèles. Mais ces quadricycles légers, bien qu’accessibles et populaires (surtout auprès des jeunes), ont une vitesse limitée à 45 km/h. Ils n’ont pas non plus le droit d’emprunter les autoroutes ou les grands axes. Une catégorie intermédiaire, plus polyvalente mais toujours abordable, manque cruellement.

Même son de cloche chez Renault

John Elkann n’est pas seul à porter ce message. En mai dernier, il a co-signé une tribune avec Luca de Meo, qui était alors le DG de Renault. Ensemble, ils appellent l’Union européenne à créer un cadre réglementaire différencié pour les petites voitures. Les deux hommes font un constat similaire : les normes actuelles sont conçues « pour des SUV haut de gamme, pas pour des citadines abordables ». Et si rien ne change, ils affirment que certaines usines pourraient fermer dans les prochaines années.

Le phénomène ne touche pas seulement Stellantis et Renault. Dirk Adelmann, patron de Smart Europe, a lui aussi évoqué les difficultés à justifier la relance d’un successeur à la Smart ForTwo. Malgré des réflexions en cours, aucun projet n’a encore été validé. Ce n’est donc pas une lubie de M. Elkann. Il s’agit bien d’un constat partagé dans l’ensemble de l’industrie. Il est devenu presque irréaliste de produire en Europe des voitures des segments A et B. Sauf à consentir de lourdes pertes.

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Les différents protagonistes estiment que la disparition progressive des petites voitures n’est pas anodine. Ce phénomène menace l’accès à la mobilité pour une partie importante de la population, notamment dans les pays du Sud de l’Europe. « À ce rythme, nous devrons prendre des décisions douloureuses », a averti Elkann dans Le Figaro, pointant une baisse généralisée des ventes dans l’Union. Pour lui, la souveraineté industrielle et la pérennité des sites industriels européens sont menacées.

Une proposition soutenue par la recherche

Ce constat est partagé par le centre de recherche français Gerpisa. Son directeur, Tommaso Pardi, propose lui aussi la création d’une catégorie réglementaire spécifique inspirée des kei japonaises. Il estime que ce nouveau cadre permettrait de « relancer l’innovation dans l’électrique d’entrée de gamme » et « d’offrir une alternative européenne aux modèles chinois à bas coût ». Le dernier atout de l’Europe ne réside donc peut-être pas dans le thermique, comme l’affirmait récemment le lobby automobile allemand.

Derrière la question industrielle se cache aussi un enjeu écologique. Remplacer un vieux véhicule thermique par une petite voiture électrique bon marché est souvent plus pertinent que de basculer vers un SUV électrique de 2,5 tonnes. L’empreinte écologique d’une microcar électrique est trois fois moins importante que celle d’une voiture électrique classique, car elle nécessite moins de ressources. Une approche plus pragmatique de la mobilité pourrait donc aider l’Europe à atteindre ses objectifs climatiques.

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