Partir en montagne avec une voiture électrique en hiver et sous la neige, voilà une aventure encore peu banale. Gérard, un lecteur du blog, nous a partagé son expérience au volant de sa Nissan LEAF.
Avec précision, Gérard nous explique son trajet. Il permet de mieux comprendre l’impact des conditions météorologiques et topographiques sur l’autonomie d’une voiture électrique.
« Je suis parti à 7h30, avec la voiture chargée à 100%. L’autonomie affichée par la voiture était de 141 km, la température extérieure était de 3° et le vent de force 2 à 3 soufflait par le travers, le tout sous des giboulées de neige.
Ma première étape a été Colmar, à 26 km de mon domicile. À ce stade, la voiture m’affiche une autonomie restante de 117 km, soit 10 barres sur le tableau de bord pour ceux qui connaissent bien la Nissan LEAF. La voiture était pré-chauffée au départ, donc je n’ai pas utilisé de chauffage, juste les phares et les essuie-glaces.
17h, fin du boulot, enfin ! Je prends la direction du Schnepfenried, une station de ski des Vosges à 35 km et à une altitude de 1070m (contre 170m d’altitude pour Colmar). Les prévision météo font état de chutes de neige et d’un vent fort. La voiture est froide (temp. ext 4°C) et la buée ne tarde pas à m’ennuyer sur le pare-brise.
La solution : égaliser les températures intérieures et extérieures en ouvrant les fenêtres ! J’avais déjà pensé rouler avec un tuba pour expirer vers l’extérieur mais la perspective d’un séjour au CHU de Rouffach m’a retenu ;-) Le froid ne me gène pas, sauf aux pieds. Il faudra que je pense à acheter des charentaises, version avec résistance électrique à brancher sur le port USB !
Logelbach, puis Turckeim : il me reste 100km d’autonomie estimée. A St-Gilles, pour sortir d’une très courte voie d’accélération, je dois en mettre une grosse. L’autonomie chute à 89 km. Il me reste 25 km à parcourir avec 900m de dénivelé : ça devrait aller.
Munster, Breitenbach, Metzeral : les giboulées de neige sont plus soutenues. Ça promet pour la montée ! À la sortie de Sondernach, ça commence véritablement à grimper : 7 km et 600m de dénivelé avec des passages à plus de 10%.
Il y a 5 épingles qui sont les passages-clés. Sur route enneigée, l’objectif est de ne jamais perdre de l’adhérence et donc de rouler de manière très régulière. Les épingles obligent à ralentir et à ré-accélérer en sortie : c’est là que généralement on coince par perte d’adhérence. Une fois arrêté, c’est fini, il faut obligatoirement chaîner pour repartir. Il y a 3 semaines, avec la Classe A de mon épouse, j’ai dû chaîner à la 4ième épingle.
Aujourd’hui, et à cette heure de la journée, il n’y a personne : je vais pouvoir prendre large pour perdre le moins de vitesse possible. La première épingle après le parking de chaînage passe sans soucis : il n’y a pas de neige sur la route, je continue.
Arrivé à la deuxième épingle, la route commence à être blanche. La troisième épingle est suivie d’un faux plat montant : ça passe super bien. La douceur du moteur électrique en mode ECO fait qu’il n’y a pas de perte d’adhérence. La quatrième épingle est la plus critique parce qu’elle est en forte pente, une pente qui se continue ensuite sur plus d’un kilomètre à 10% et plus.
Là encore ça passe. Quelques patinages vite contrôlés et on continue doucement. La cinquième n’est plus qu’une formalité. Encore 500m et nous voilà arrivés au Schnepfenried, à 1070m. La température extérieur est de -1°, avec du vent et de la neige. Il reste 3 barres de batterie sur le tableau de bord qui indique 29 km d’autonomie estimée. J’ai fait 61 km depuis ce matin.
Mes calculs étaient bons : j’ai consommé 61 km x 0.17 kWH + l’énergie nécessaire à élever une masse de 1750 kg d’environ 1000m soit environ 4.9 kWH + les accessoires pendant 1h30 ce qui représente environ 16.5 kWH. Il me reste donc 7.5 kWH qui pourraient suffire pour faire les 54 km du retour étant donné qu’il y a 20 km de descente.
C’est quand même un peu juste et je recharge avec une rallonge de 50m pendant 2 heures. Quand je repars à 8h, j’ai 39 km d’autonomie affichée et 5 barres soit entre 10 et 12 kWH. L’affichage de l’autonomie c’est vraiment du grand n’importe quoi ! Elle doit se baser sur la consommation moyenne du dernier trajet, soit quelque chose comme 16.5 kWH / 61 km = 0.27 et 39 km x 0.27 = 10.5 kWh.
Un affichage direct des kWh encore disponibles serait bien plus utile. Le GPS aussi raconte n’importe quoi : « Autonomie insuffisante, vous risquez de ne pas atteindre votre destination ! ». C’est ce qu’on va voir !
La voiture étant lourde, la descente est plus sportive et à la première épingle, j’ai frôlé le tout droit. Manque d’anticipation, me voilà averti. J’aimerais bien pouvoir couper l’ABS. Plus moyen avec ce système de chercher la limite d’adhérence et à mon avis sur la neige, l’ABS rallonge considérablement les distances de freinage. L’ABS c’est comme L’EPS, je n’ai jamais su à quoi ça pouvait servir : je le déconnecte histoire de rester seul maître à bord.
Sur la pente de 10%, le frein moteur ECO n’est pas suffisant et il faut doser le freinage pour ne pas glisser. Je ne consomme presque rien jusqu’à la sortie de Munster, où j’arrive avec 6 barres et 101 km d’autonomie. Il me reste 35 km que j’effectue normalement et quand j’arrive chez moi, j’ai fait 115 km. Il me reste 2 barres et 29 km d’autonomie, soit environ 4 kWh. J’aurais effectivement pu me passer de recharger !
En faisant le bilan : j’ai consommé environ -26 kWh + charge 24 kWh + 4 kWh – 4 kWh (qui restent), cela fait -2 kWh : c’est ce que j’ai dû régénérer dans la descente. Après vérification, mon historique de conduite de ce jour me donne 2.5 kWh régénérés. Le taux de régénération de l’énergie potentielle est donc à peu près égal à 50%.
J’aimerais pouvoir trouver des informations plus précises sur ce sujet : c’est quand même essentiel quand on roule en montagne. En tout cas, plus d’hésitation j’irai faire du ski avec la LEAF ! »
Merci à Gérard pour son témoignage ! Pour les matheux qui voudraient comprendre les calculs qu’il a effectué, je poste ses explications complémentaires dans les commentaires.
Bonjour,
Ouille, ben à voir, il ne faut pas être frileux là ! Si mon amie lis ça….elle va me forcer à revendre ma voiture….que je n’ai pas encore touchée !
La question : avec une PAC tu n’as pas trop ce genre de problème ? si ? non ?
115km d’autonomie….. aller retour……rayon d’action de 57.5km dans de mauvaises conditions….chacun en concluera ce qu’il veut…..
Hé bien moi qui habite à Megève avec des températures de -15° voir -18° c’est pas demain que la voiture électrique serra pour moi.
Tres bonne experience, merci de l avoir fait partagé.
Quelqu un en zoé pourrait il faire le meme exercice? Avec la pac pour le chauffage, elle doit etre assez efficace en hiver…
Je pense aussi qu une i3 sera mieux en montagne car mgh sera plus faible!
Bonjour,
Une petite question (un peu tardive) sur cette expédition: avez vous vu les barrettes de batterie « réapparaitrent » au fur et à mesure de la descente?
Pour ma part, ça ne m’est jamais arrivé, mais je n’ai pas de descente de 20Km!
Je souhaite envisager faire l’aller retour quotidien entre Grenoble (220 m) et Villard de Lans (1000 m) qui représente une distance de 35 km.
Je me posais la question sur l’usage d’une Leaf par temps très froid (-15 °C)en hiver sur tout le trajet et de son adhérence et tenue de route (on m’a dit qu’avec des thermogommes, ça n’était pas très différent d’une thermique).
Vais -je avoir les 70 km d’autonomie même en fin de vie de batterie (au bout de 5 ans par exemple) ?
Vos témoignages là dessus et conseils éventuels ?
Je n’aurait plus de sentiment de culpabilité à doubler les cyclistes suants transpirants ;-)
Christian
Sur mon scooter E Vivacity , en descente a 50km/h au compteur , par nos températures froides , je ne perds rien en kilomètres restants mais ne récupère pas d énergie , a voir si je récupère avec des températures plus clémentes .Le mode Eco est remarquable sur routes par pluies verglaçantes , pas de soucis pour rentrer du travail , bon ! a ne pas refaire ,10 kms , c est quand meme long dans ce cas ….
rien à dire sur cet test intéressant… ah, si pour les lecteur des DOV TOV (Département et Territoires d’Outre Vosges)… le CHU de Rouffach, c’est un hopital psychatrique :)
Bonjour
Le récit détailler de Gérard nous permet de d’apprécier les avantages et les petits inconvénients avec un véhicule tous électrique en région montagneuse.
Pour les batteries je crois qu’il y a possibilité d’acheter le véhicule et de prendre un contrat de l’ocation pour les
Batteries.
Gilles
Hello,
Tu pourrais faire la simulation de ton parcours avec le site http://www.jurassictest.ch/GR/ pour voir si il est encore une fois fiable?
Merci
Imaginez un instant le bonheur des cyclistes qui se plaisent à gravir les cols en été lorsqu’ils se feront doubler par Gérard au volant de sa LEAF plutôt que par un vilain turbo mazout qui pue la mort à pleine charge pour escalader la pente…
Vive le futur!
Eh bien bravo à Gérard pour son estimation et son parcours bien préparé et bien documenté.
Pour son compteur disant n’importe quoi, oui, c’est vrai.
Plusieurs journalistes l’ont signalé. L’indication semble être une estimation de l’autonomie restante, calculée à partir des conditions de conduites de la personne précédente. Ce qui peut fausser les idées d’autonomies pour d’autres personnes. Il faudra faire attention.
Pour la récupération, il faut aussi compter sur la vitesse du véhicule en descente. Plus la vitesse est élevée et plus le taux de récupération sera meilleur, c’est un problème de rendement du moteur en génératrice. En théorie, et sans freiner, on pourrait récupérer jusqu’à 80% de l’énergie dépensée à monter. Mais évidemment sur neige on ne peut pas aller trop vite en descente !
§
Article intéressant, c’est sympa d’avoir un retour détaillé de ce genre d’expérience. Je ne pensais pas que l’auto faisait un tel poids en revanche, les batteries pèsent lourd.
J’ai également eu l’occasion de me faire des montées sur routes glissantes avec la LEAF. Et l’ESP, que je ne connaissais pas, m’a fait bonne impression. En particulier sur une montée que je connais bien puisqu’elle mène chez moi, avec d’un côté les roues au sec, et de l’autre sur du verglas, j’ai trouvé le comportement très sain (peu de perte d’adhérence), le tout avec les pneus standard. Et lors d’une perte d’adhérence en virage (pas à une vitesse folle non plus ;-) j’ai eu la sentation qu’il me remettait sur la trajectoire.
Après, le top dans ces conditions ça sera le VE avec ses 4 moteurs dans les roues et une bonne électronique au milieu…
Merci pour ce récit. Cela montre (Une fois de plus?) qu’il n’y a pas de domaine interdit à une voiture électrique.
J’ai eu ma petite expérience de montagne fin janvier avec l’Ampera. Parti de Strasbourg, j’ai pu monter et redescendre tranquillement au Mont Ste Odile (mon trajet 100% électrique de retour est visible ici : http://img338.imageshack.us/img338/7457/redescente.png , le reste a été fait sur le prolongateur).
Malgré le poids important de l’auto, pas de problème, en partie grâce aux pneus hiver. Mais il est aussi bien plus facile de doser la puissance aux roues qu’avec une thermique.
Contrairement à Gérard, j’ai fait confiance à l’ESP. Avec une électrique, il est plus difficile de savoir -à temps- quand on patine.
Rouler sur la neige renforce aussi le coté « tapis volant » de la conduite électrique : les bruits de roulement disparaissent.
Bonne expérience ! La rallonge de 50 m est un peu longue a mon avis ! La longueur génère quand même de la déperdition, ce qui explique le peu de recharge ! Moi qui habite dans les Alpes et qui roule tout les jours sur neige, cette expérience me confirme que le Full électrique n’est pas fait pour moi ! J’attend les hybrid/diesel avec impatience !
Explications complémentaires de Gérard sur ses calculs :
Pour estimer la consommation en montagne je me suis basé sur ma consommation moyenne sur le plat soit environ 0.17 kWh par km.
Au final, j’ai parcouru 115 km et donc consommé sur cette base 115 x 0.17 = 19.55 kWh.
Il faut ajouter la consommation des accessoires pendant 2h30 soit environ : 2.5 x 0.5 = 1.75 kWh
Il faut aussi ajouter l’énergie nécessaire à élever la masse du véhicule (1750 kg) de 1000m : E=mgh –> E = 1750 x 9.81 x 1000 = 17167500 J (joule) soit 4.77 kWh
Cette énergie électrique consommée a été transformée en énergie potentielle une fois que la voiture est en haut. A la descente, la voiture va descendre toute seule et il doit être possible de récupérer une partie de cette énergie potentielle avec le frein moteur. La question est : combien ?
J’ai donc calculé ma consommation théorique : 19.55 + 1.75 + 4.77 = 26.07 kWh
et comparé avec l’énergie pompée dans les batteries.
Je suis parti avec + 24 kWh et j’ai rechargé environ + 4 kWh : soit 28 kWh et à l’arrivée il me reste 4 kWh dans les batteries.
Je n’ai donc utilisé que 24 kWh de mes batteries alors qu’il m’en a fallu 26.
Ceci signifie que les 2 kWh restant pour atteindre les 26 kWh de mon calcul théorique ont été obtenus par régénération de l’énergie potentielle.
Mon historique de conduite du jour de ce périple m’indique que 2.5 kWh ont été régénérés. Ceci prouve que :
1. mon calcul théorique n’est pas trop faux
2. le taux de régénération de l’énergie potentielle est de l’ordre de 0.4 à 0.5 % ( 2 / 4.77 = 0.4 et 2.5 / 4.77 = 0.5 )
Est ce que la pente influe sur ce taux ?
Certainement.
Je pense que plus la pente est forte et moins le taux de régénération sera élevé parce qu’il sera nécessaire d’utiliser les freins à disque pour ralentir la voiture et que dans ce cas l’énergie potentielle est transformée en énergie thermique évacuée bêtement dans l’atmosphère par les disques ventilés…