Microlino

Être passionné d’automobiles anciennes tout en s’intéressant aux voitures électriques n’est plus une rare démarche. L’histoire de notre lecteur suisse Jean-Samuel est en revanche exceptionnelle, car elle exige un alignement de planètes particulier entre un modèle qui puise ses origines plus de soixante ans en arrière et sa renaissance moderne décarbonée.

Passion BMW

Tout comme les KR (Kabinenroller = Scooter à cabine) de Messerschmitt, les Isetta de BMW ne peuvent renier un héritage aéronautique dans leur conception. Il a permis d’aboutir à des modèles à cheval entre les voitures et les deux-roues. « C’est ma moto avec un toit », a d’ailleurs lâché Jean-Samuel au cours de l’entretien.

En Allemagne, dans les années 1950, une cylindrée de 250 cm³ permettait de toucher ceux qui n’avaient pas le permis de conduire une voiture. Un peu comme il est possible de conduire en France sans permis B des tricycles et quadricycles à moteur.

Notre lecteur est suisse. C’est pourquoi il n’a pas soixante-dix-huit, mais septante-huit ans. C’est un passionné de BMW anciennes : « J’en ai 5, et encore ma BMW 700, ma première voiture, que j’ai achetée en 1962 et restaurée entièrement en conservant les pièces mécaniques dont le moteur, mais en remplaçant la carrosserie très fatiguée ».

Une BMW à part entière

Pour Jean-Samuel, l’Isetta est une BMW à part entière. Acquérir la Microlino avait un sens tout particulier pour lui : « Lorsque j’ai acheté ma BMW 700, le constructeur proposait aussi l’Isetta que je trouvais amusante ». Sa fibre nostalgique a été piquée à vif lorsqu’il a découvert en 2015, dans le magazine du Touring Club Suisse auquel il est abonné, un article indiquant : « L’Isetta va peut-être revivre ».

En retraite depuis à peine un an, l’ancien ingénieur en mécanique, électricité, électronique et spectométrie des rayons X s’est tout de suite intéressé au projet. Au point de quasiment tout savoir sur cette aventure à rebondissements : « Wim Ouboter, fondateur de la marque Micro de trottinettes électriques, avait trouvé une ancienne Isetta. Après avoir remplacé le moteur d’origine par un électrique, il s’est promené à Zurich avec. Ses amis lui ont suggéré de la produire ».

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Histoire à rebondissements

Lorsque le prototype de la Microlino a été présenté au salon de Genève en mars 2016, Jean-Samuel y était : « J’ai pu m’asseoir dedans. Comme d’autres visiteurs intéressés, j’ai laissé mon nom pour être contacté si le projet devait aboutir à une production. Deux ans plus tard, lors du salon Retro Classic de Stuttgart, un prototype de présérie était exposé, non loin du stand du Club Isetta d’Allemagne ».

À la fin de la même année 2018, le seuil symbolique des 10 000 marques d’intérêt était franchi. La mise en production a alors été annoncée. À travers une coentreprise créée entre les 2 sociétés, c’est Tazzari qui devait produire la Microlino. Le rachat de ce dernier par Paragon a changé la donne et créé une certaine confusion. Sa filiale Artega a voulu sortir un modèle concurrent très ressemblant.

« Il y a eu procès et trois ans de bataille pendant lesquels le temps n’a pas été vraiment perdu pour la Microlino. Les ingénieurs l’ont améliorée. Ainsi en abandonnant le châssis à tubes soudés pour une tôle emboutie. Il a fallu à Micro d’investir dans une presse, mais au final, pour une production en série, ce sera plus simple », embraye notre lecteur.

2022 : l’année du dénouement

Si l’Isetta a connu une histoire mouvementée qui a débouché sur sa disparition, la Microlino semble être placée sous de meilleurs auspices : « En juin 2022, j’ai été contacté pour savoir si j’étais toujours intéressé. J’ai alors laissé en confirmation un pré-paiement de 500 francs suisses. En septembre suivant, un modèle roulant tout proche de la série a été présenté dans diverses villes dont Genève et Zurich. En décembre, j’ai maintenu ma demande et versé la totalité ».

Ceux qui le voulaient pouvaient opter pour la version numérotée Pioneer Series de 999 exemplaires : « C’était un peu plus cher, mais je voulais justement une des premières, très bien équipées d’origine. Elle m’a été livrée avec une trottinette électrique Micro et le chargeur pour la maison. J’ai déboursé en tout 23 838 francs suisses [Environ 24 272 euros, selon les cours au 2 mai 2023], comprenant 550 francs de forfait livraison ».

110 km d’autonomie

Si 3 capacités de batterie ont très vite été proposées, c’est l’intermédiaire de 10,5 kWh, contre 6 et 14 kWh, qui équipe les modèles Pioneer Series, pour une autonomie annoncée par le constructeur à 177 km. « À l’usage, elle est de 110 km, et ça me suffit. J’ai récupéré la voiture à Genève, à 78 km de chez moi. J’ai roulé sur l’autoroute à la vitesse maximale de 90 km/h pour la Microlino. Il restait environ 15 % de batterie. Le système s’était mis en mode Eco », témoigne Jean-Samuel.

Microlino

Aujourd’hui, son exemplaire reçu le 20 février 2023 totalise 1 200 km : « J’habite à la campagne. J’utilise la Microlino pour effectuer mes commissions, rejoindre ma compagne à 25 km de chez moi, me rendre à des rassemblements de véhicules anciens ou à l’aéroclub, aller au culte. Je la prends aussi pour me rendre à l’hôpital de Lausanne, à 15 km de chez moi. Je peux garer la Microlino sur les petites places disponibles, quand ceux qui roulent en gros SUV ne trouvent plus à stationner ».

Une voiture qui étonne

Partout où notre lecteur se déplace, sa voiture étonne : « C’est le seul exemplaire dans ma région. Les gens qui marchent sur le trottoir la regardent avec de grands yeux et se retournent sur la Microlino. Si je m’arrête, ils viennent me demander comment elle fonctionne, son prix et s’il faut un permis pour la conduire. Dans mon club d’anciennes, un collègue qui a une Isetta d’origine s’est assis dedans et a trouvé marrante la Microlino ».

Cette citadine est la première voiture électrique de Jean-Samuel. Et si elle avait été équipée d’un moteur thermique ? « Je ne sais pas si je l’aurais achetée, je ne pense pas. Je voulais qu’elle soit moderne, plus dynamique. À Lausanne, la municipalité rose-vert veut interdire les thermiques. La vitesse est déjà limitée de nuit et l’axe principal est interdit aux voitures. Je commençais à avoir peur de ne plus pouvoir aller par moi-même à l’hôpital. C’est très bien que la Microlino soit électrique justement ».

Recharge solaire

L’exemplaire de Jean-Samuel reçoit une part importante d’électricité d’origine solaire : « J’ai des panneaux photovoltaïques sur le toit de la maison. Le courant produit en excédent alimente une pompe à chaleur que je viens d’installer et la batterie de la voiture. Quand j’ai vérifié ce matin ma production, j’avais une puissance solaire de 15 kW ».

Pour raccorder la Microlino, il utilise le matériel acheté 300 francs auprès du constructeur : « Je peux choisir entre 6, 8, 10 et 12 A. Je recharge toujours à 8 A. Il me faudrait entre 5 et 6 heures avec une batterie vide. Ce qui n’est jamais le cas. En général, je branche le véhicule quand la batterie est à environ 50 % ».

Des améliorations à prévoir

Si notre lecteur adore sa Microlino, il sait aussi reconnaître les points à améliorer. Ce qu’il n’hésite pas à faire lui-même en bricolant un peu : « J’ai acheté un rétroviseur intérieur, car il n’y en a pas sur la Microlino, ainsi qu’un pare-soleil pour ne pas être aveuglé en roulant dans certaines conditions. La nuit, l’instrumentation reflète dans le pare-brise. Pour résoudre le problème, j’ai découpé une sorte de casquette dans du carton noir de l’emballage de la trottinette électrique et l’ai fixée sur le tableau de bord ».

Et comme il n’est pas évident de savoir comment s’extraire du véhicule : « J’ai collé une étiquette qui indique la marche à suivre, car le bouton d’ouverture est caché derrière la barre transversale. Grimper à bord se fait par devant en montant sur une petite marche. Ça me va très bien comme façon d’accéder dans l’habitacle ».

Jean-Samuel estime aussi : « La suspension est un peu dure, il ne faut pas dépasser les 40 km/h pour franchir un gendarme couché. Je trouve le moteur un peu bruyant. En outre, mon exemplaire présente une petite fuite d’huile au niveau du convertisseur. C’est très léger, et le constructeur m’a dit que je pouvais rouler comme ça, en attendant qu’il me trouve une solution ».

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Les points forts

Pour compenser les points à améliorer sur la Microlino, Jean-Samuel dresse une liste plus positive : « Globalement, et en particulier à bord, la finition est soignée et les sièges sont confortables. Depuis l’intérieur, on dispose d’une très bonne vision panoramique sur l’environnement du véhicule. Tout fonctionne bien. L’éclairage de la route est parfait avec les phares Led haut placés ».

Notre lecteur perçoit sa voiture électrique « comme un véhicule moderne, avec tout ce qu’il faut, mais rien en trop. Pas besoin d’un grand écran dans une voiture comme ça. Mais elle est pleine de détails pratiques, comme la fermeture électrique, et un toit ouvrant qui permet d’embarquer de longs objets. Le coffre est généreux : je peux y loger 3 caisses de bières ».

Microlino

Et pour conclure : « J’ai beaucoup de plaisir à rouler avec la Microlino. Avec elle, je suis prêt pour les futures interdictions de circuler à Lausanne en voiture thermique. Je ne risque pas d’être verbalisé pour excès de vitesse. Getting more smiles per mile ».

Automobile Propre et moi-même remercions beaucoup Jean-Samuel pour son témoignage et sa confiance. Une rencontre téléphonique vraiment sympathique et pleine de fraîcheur.

Avis de l'auteur

Messerschmitt KR, Isetta (par Iso Rivolta, BMW ou Velam) : il est sans doute difficile aujourd’hui d’imaginer ce que ces véhicules ont pu signifier pour le public à l’époque de leur lancement.

Je me souviens en revanche très bien de la perception que mon père, né en 1929, en avait. Pour lui, professionnel de l’automobile, ces engins avaient du style. Ils avaient surtout reçu une importante mission : aider à reprendre de l’autonomie et de la mobilité, notamment dans l’Allemagne qui se reconstruisait.

Pour les passionnés d’aviation, comme mon père et Jean-Samuel, il y quelque chose de plus.

En France, ces véhicules n’ont pas laissé une empreinte forte. C’est tout différent en Allemagne, et sans doute aussi en Suisse. Après tout, on n’en voudra pas aux collectionneurs de ces pays de ne pas trop s’intéresser à des modèles anciens adorés dans l’Hexagone mais qui ne représentent pas grand chose pour eux.

Quoi qu’il en soit, passer en 2022 à la Microlino 60 ans après avoir été séduit par le concept de l’Isetta : Chapeau !