Certains veulent bien passer à l’électrique… mais attendent la voiture parfaite. Un prétexte que le Jamais Content trouve bidon, car elle n’existera pas, comme elle n’existe pas en thermique.

Chez certains, l’herbe est toujours plus verte ailleurs. Avec les voitures aussi apparemment. Plus verte peut-être pas, mais mieux. Pour le comprendre, il suffit de lire les commentaires sous les articles d’Automobile Propre consacrés à des autos non proposées chez nous et qui visiblement font envie aux lecteurs. Exemple récent : la Kia Ray électrique. Une petite puce branchée aux caractéristiques intéressantes : un format de poche (3,60 m), un moteur suffisant (86 ch), une belle batterie vue la taille du modèle (35,2 kWh)…

Certains se demandent pourquoi elle n’est pas vendue en Europe. Des remarques que le râleur en chef lit donc souvent, notamment avec les petits modèles électriques chinois qu’Automobile Propre présente régulièrement. Dans le bingo des remarques incontournables sous ce genre d’articles, on retrouve le classique : « S’ils l’importent, j’achète de suite pour remplacer ma… ». Qu’ils sont bêtes ces constructeurs qui ne veulent pas vous vendre des voitures qui se vendraient pourtant bien ! 

Ce n’est évidemment pas aussi simple, avec pour commencer des raisons économiques. La Kia Ray branchée coûte chez elle l’équivalent de 20.000 €. Importée en Europe, le prix serait déjà plus élevé, il ne faut pas rêver. On se rapprocherait ainsi de prix de véhicules déjà en vente chez nous, par exemple la Dacia Spring ou la Renault Twingo. Des modèles qui semblent capables de remplir la même mission que la Kia Ray : assurer les déplacements du quotidien en électrique, dans un petit véhicule quatre places, quatre portes, avec l’essentiel. « Oui, mais la Twingo ne propose pas ceci, la Spring n’est pas assez cela… ».

C’est assurément vrai, mais on ne sait pas vraiment si la Kia Ray est parfaite, on l’a connait finalement mal. Et le Jamais Content en doute, car aucune voiture ne l’est. Depuis plus de 20 ans qu’il lit de la presse automobile, le râleur n’a jamais vu une voiture recevoir 20/20 lors d’un essai, sauf peut-être pour des pompes à feu qui font perdre l’objectivité du journaliste. 

Encore une fois, qu’ils sont bêtes ces constructeurs. Après un siècle d’évolution de la voiture, aucun n’a eu l’idée de mettre au point la voiture parfaite, qui sait tout faire bien. Parce que c’est impossible, tout est objet de compromis. Rolls peut faire la meilleure voiture électrique du monde en présentation, équipements et performances, c’est à un prix délirant. A l’inverse, une Spring est au prix le plus bas en imposant des sacrifices sur les prestations. Il faut savoir jouer avec les curseurs. Tout comme les clients doivent savoir le faire dans leurs critères de recherche d’une électrique.

L’offre se développe heureusement, et un modèle peut maintenant répondre à vos attentes. Mais il aura toujours un défaut pour votre voisin. Qu’à cela ne tienne, lui ira en acheter un autre, qui aura peut-être un défaut du point de vue de son collègue. Et ainsi de suite. Certains veulent bien passer à l’électrique mais attendent toujours la sortie de la voiture parfaite. Un prétexte presque bidon, car elle n’existera pas, comme elle n’existe pas en thermique.

Pourtant, les commentateurs, encore eux, ont toujours de bonnes idées. Un collègue m’a ainsi montré ce message d’un lecteur dressant le portrait robot de la voiture électrique idéale : un design sympa, des astuces pratiques, une bonne note Euro NCAP, 400 à 450 km d’autonomie, une architecture 800V pour une recharge rapide, le tout pour 25.000 €, voire moins de 20.000 €. Rien que ça. Qu’ils sont bêtes ces patrons de marques automobiles qui n’y ont pas pensé. 

Les voitures progressent tout de même à chaque génération. Exemple avec la R5 en préparation chez Renault. Elle aura le style sympa, les quatre portes, les 400 km d’autonomie, les bons équipements, du V2G. Preuve quand même que les grands manitous ne sont pas si bêtes.

Reste que le prix de la R5 sera plus élevé qu’espéré au début par Luca de Meo, patron du Losange, le contexte industriel ayant évolué avec le Covid et les tensions géopolitiques. Le ticket d’entrée devrait tourner autour de 25.000 à 30.000 €. Un prix qui reste pour beaucoup encore trop élevé. Car ils veulent bien d’une électrique, mais si vraiment ça coûte rien. Sauf qu’un constructeur automobile n’est pas une oeuvre de charité, prêt à vendre à prix coûtant sa voiture parce qu’elle répond à un besoin primaire de mobilité. D’ailleurs, une thermique, ça ne coûte toujours pas rien au bout d’un siècle d’évolution.

Le Losange semble tout de même avoir dans ses cartons un projet intéressant, justement inspiré par les petites voitures japonaises, et qui devrait lui être sous les 20.000 €. Certains commentateurs penseront que c’est grâce à eux.

Le prix final est encore le gros point noir dans l’équation de la voiture idéale pour la plupart des marques, qui doivent investir en masse pour passer à l’électrique, ce qui se répercute dans les tarifs. Le cahier des charges digne d’une liste au Père Noël peut tout de même finir par devenir réalité une fois que la techno électrique sera plus mature, mieux rentabilisée.

C’est plus simple quand on a pris de l’avance comme Tesla qui vient justement de peaufiner la première voiture électrique qu’il a imaginé pour le grand public, la Model 3. Proposant déjà un rapport prix/prestations imbattable sur le marché de l’électrique (et même à faire pâlir des thermiques), la nouvelle version est encore mieux (autonomie, présentation, équipements) pour à peine plus cher. 

Toutefois, horreur, malheur chez certains aficionados. Il n’y a pas la caméra qu’ils attendaient à l’avant. Visiblement un drame, car des articles sur ce seul fait ont été écrits. Décidément, il y en a qui ne sont jamais content, c’est fou ça.

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