Les constructeurs et fabricants de batteries profitent bien des largesses de l’Etat français. S’il a d’abord trouvé cela nécessaire, notre râleur en chef pense que cela devient exagéré.
Cannes est un festival international, présenté comme le second événement le plus médiatisé après les Jeux Olympiques. Les yeux du monde entier tournés vers elle, sa Palme 2023 a toutefois fait un discours à l’intérêt bien franco-français, qui a relancé pendant quelques jours les débats sur les aides versées au cinéma. Car, comme beaucoup de choses en France, le cinéma ne s’imagine pas sans subventions. Que l’automobiliste ne s’en offusque pas : il en est de même avec la voiture. Encore plus si la voiture est électrique.
Les Echos en ont donné un parfait exemple cette semaine. La Peugeot e-208 va changer d’usine. Le projet est de la faire passer de Slovaquie à l’Espagne, où est assemblée sa cousine technique, l’Opel Corsa. Mais le gouvernement français négocie en ce moment une relocalisation en France. Selon nos confrères, Stellantis pourrait dire oui… si l’Etat français met la main au porte-monnaie pour régler une partie de la facture, le groupe jugeant la France moins compétitive pour l’assemblage des petits véhicules.
Pourquoi se priver d’une telle demande. Le gouvernement veut réindustrialiser le pays et voit en la voiture électrique une sacrée opportunité pour y arriver. Il signe donc facilement les chèques en ce moment. L’argent public a notamment coulé à flot pour capter les projets de gigafactory de batteries électriques. Exemple avec ProLogium, une entreprise taïwanaise qui vient de choisir la France pour poser sa première usine européenne. Cela représente un investissement XXL de plus de cinq milliards d’euros. Mais l’Hexagone aurait versé plus d’un milliard de subventions. Que Stellantis ne soit pas jaloux, lui qui vient d’inaugurer la première gigafactory de sa coentreprise de batteries ACC dans le Pas-de-Calais. Les subventions tricolores ont atteint 800 millions d’euros.
On peut saluer la réussite de l’exécutif sur ce point, qui a réussi à monter en quelques années une véritable « Silicon Valley » de la batterie en France, qui n’aura surement aucun équivalent en Europe. Mais à coups de milliards d’argent public donc. Il ne faut évidemment pas se leurrer : la carotte financière est obligatoire, car tous les pays l’agitent. Avant de monter un projet industriel, on regarde désormais d’abord quelles subventions obtenir et les pays se livrent une bataille au carnet de chèques.
Il en va ainsi pour sauver des emplois. A défaut d’en créer, car ces projets de gigafactory prennent finalement la place d’autres industries automobiles françaises. Le projet ACC dans le nord remplace ainsi géographiquement l’usine de la Française de mécanique. Reste à voir quand même si l’addition salée en argent public finit par en valoir la chandelle. Si ce quoi qu’il en coûte, c’est vraiment gagnant-gagnant.
Se demander aussi si nos constructeurs ne sont pas trop gourmands en subventions, même si elles sont censées compenser un manque de compétitivité face à des pays moins regardants sur les conditions de travail et moins généreux sur les salaires. Il faut bien sûr aider les marques face à une transition technique dispendieuse.
Et aider les automobilistes face à des voitures branchées qui restent plus onéreuses, plombées par leur coûteuse batterie. Mais les années passent et les prix des voitures ne cessent de grimper, loin de la démocratisation progressive promise. Renault a quand même une astuce. Depuis quelques jours, sur son site, les tarifs des électriques affichés en gros ont baissé. Car ils intègrent d’office le bonus.
En voilà un autre cadeau généreux de l’Etat pour la voiture électrique ! Qui commence à coûter cher. Le Monde révélait qu’en 2020, les Zoé et e-208 ont absorbé 212 millions de bonus, donc d’argent public. Un bonus dont le râleur commence à se demander s’il ne fait pas grimper de 5.000 € le prix réel des voitures, comme cela se voit avec de nombreuses hausses dès qu’une aide de l’Etat est mise en place, par exemple à la grande époque des crédits sur le photovoltaïque. On voit déjà le miracle arriver : les prix vont baisser en même temps que le bonus va disparaitre !
Bonus, prime à la casse, aides pour les usines, pour le réseau de bornes : l’électrification du marché commence à avoir un sacré coût pour le contribuable français. Il faut peut-être commencer à regarder si ces aides à la compétitivité et à l’achat ne sont pas devenues des aides à la rentabilité sur des voitures électriques. Stellantis réclame quand même des aides pour relocaliser l’e-208 dans son pays d’origine alors que le groupe a annoncé un bénéfice de plus de 16 milliards d’euros en 2022 ! Produite en Europe de l’Est, l’e-208 a d’ailleurs des prix semblables à la Zoé, qui est déjà made in France…
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Commentaires
On en parle des nombreux articles qui parlent de taxer les VE dans les mois, années à venir pour compenser les rentes de l'état ?
Et pourquoi pas une taxe sur les vélos comme avant ? Tout ceux qui utilisent les routes devraient participer à cet effort.
Une taxe sur les vélos jusqu’en 1959 - Anecdote du Jour (anecdote-du-jour.com)
Tout simplement parce que l'Etat aide à l'achat des bicyclettes, il ne va pas le taxer d'un autre côté.
Vous n'avez pas bien lu, les VE ont une aide, les vélos aussi, donc vu le nombre de cycliste quoi que plus normal d'aider pour l'entretien des nombreux équipements pour vélos qui envahissent nos villes et routes.
Je ne sais pas où vous vivez mais à part de la peinture n'importe où sur les trottoirs, je n'ai remarqué aucun équipement pour vélo en train d'envahir la ville dans laquelle je vis.
Quand l'action de l’État est un peu cohérente, ça ne fait pas de mal.
Et puis, jusqu'à nouvel informé, ce qu'il y a de trop dans les villes, ce sont des voitures, électriques ou pas, ce ne sont pas des vélos (il n'y en a pas assez).
Il est légitime de se poser la question sur al baisse des prix des VE qui est le nerf de la guerre pour favoriser la démocratisation et la dé-carbonation de la mobilité des biens et personnes, de moyenne à longue distance.
Néanmoins il ne faut pas oublié que le bonus pour électrique n'est pas un "cadeau" mais une réduction de la TVA perçue par l'état, donc il s'agit plutôt d'un "manque" à gagner, ou d'une TVA réduite selon comment on veut le définir.
D'autre part, comme le parallèle avec le cinéma est évoqué, et il ne faut pas oublier à ce sujet les sommes astronomiques de la redevance copie privée qui sont montées jusqu'a 285 millions d'euros en 2022. Celle ci a fait énormément de mal à l'économie circulaire en mettant la main mise (hold up!) sur les smartphone déconditionnés et retirer des emplois locaux qui seront délocalisés dans d'autres pays d'Europe aux couts de MO moindre.
source:
https://www.nextinpact.com/article/69720/la-redevance-copie-privee-na-pas-connu-crise-sanitaire-en-2021
A coté de ça il faut garder les ordres de grandeur : c'est moins important que les cadeaux fiscaux pour relocaliser de l'industrie. ET puis on peut faire confiance à Stellantis pour quémander des ristournes quand d'autres constructeurs s'en passent. Le discours de ce groupe est d'une constance d'un enfant de 4 ans... Mais bon ça a toujours été comme ça pour les constructeurs automobiles à l'époque des thermiques (prime à la casse, prime à la conversion, etc...)
Pour finir à remettre les choses en perspectives : la réforme de retraite ramènerait moins de 10 milliards, et le bouclier tarifaire-fiscal sur les énergies fossiles va dépasser les 100 milliards en 2023 selon le ministre de l'économie : https://www.latribune.fr/economie/france/crise-energetique-l-etat-a-depense-100-milliards-d-euros-en-trois-ans-indique-bruno-le-maire-936140.html
"ET puis on peut faire confiance à Stellantis pour quémander des ristournes quand d’autres constructeurs s’en passent. Le discours de ce groupe est d’une constance d’un enfant de 4 ans… "
C’est ce qui permet à M TAVARES de se faire octroyer un salaire de 23 millions, voilà, tout va bien.
Ce qui permet à M. Tavares de faire valider son salaire, c'est le C.A. de son entreprise. Si vous êtes contre ce système, très bien ! Votez pour des partis politiques qui s'y opposent. En attendant, c'est comme ça que ça fonctionne.
C'est jouer avec nos emplois, dénoncer est une chose, empêcher encore une autre chose.
Le Jamais Content le restera encore longtemps.
Cela fait bien longtemps que les grosses boites tournent en partie grâce aux aides et cela fait vivre aussi en partie les fournisseurs, prestataires, + tout le tissu indirect (la boulangerie du coin, le resto, le coiffeur, etc... etc...).
Une des questions est de savoir quelle est la part d'aide qui retourne à l'économie locale / nationale et l'équité du système.
Si le gouvernement décide de subventionner la voiture électrique, c'est que l'argent qu'il dépense revient dans le pays et donne du travail aux Français. Contrairement à l'essence et le Gas oil qui est importé, donc logiquement taxé.
Le cinéma français est principalement financé par le CNC et très peu par de l’argent public ! ;)
https://www.radiofrance.fr/franceinter/le-cinema-francais-est-il-biberonne-aux-aides-publiques-comme-le-disent-les-critiques-de-justine-triet-1252544
« Le CNC est placé sous l’autorité du ministère de la Culture mais est doté de l’autonomie financière : c’est-à-dire qu’il gère lui-même son budget, ressources et dépenses.
Un budget qui n’est pas financé par l’impôt, mais par des taxes spécifiques. »
Donc le CNC est financé par des taxes spécifiques, et on en déduit que ce n’est de l’argent publique. C’est donc une bonne nouvelle la TVA et toutes les taxes diverses et variées dont notre beau pays a le génie ne sont pas de l’argent public.
Bon, on va en remettre une couche : Ce ne sont pas les impôts ni la TVA qui financent le CNC mais les consommateurs de l'audiovisuel, donc l'argent des consommateurs, redistribué par la force publique.
En fait il y a toujours un truc qui en finance un autre, l'argent ça va d'un acteur à un autre, même dans le privé.
Des gens vont voir un blockbuster, regardent Hanouna ou Netflix, ça finance une création cinéma français, et du coup un savoir-faire plus important dans notre pays dans ce domaine.
Ce qui se répercute dans la capacité à faire des productions qui rapportent de l'argent aussi.
Moi je vois ça comme une taxe favorisant l'investissement.
l'argent des consommateurs-contribuables qui finance tout ce qui est en mis en oeuvre e, France, directement par un fléchage de l'argent gagné par la société qui offre un service, ou indirectement par le prélèvement de l’impôt et son transfert... deux moyens pour l'état d'organiser la redistribution ou le financement de ses politiques publiques.
La question n'est pas de savoir qui finance le CNC mais qui finance la production des oeuvres. Or, durant les années 90-2000, ce sont essentiellement Canal Plus et TF1 qui ont financé la création dans le cinéma français (et pas que), puis durant notre siècle, les éditeurs en ligne s'y sont ajoutés (l'incontournable Netflix évidemment).
Dire que l'argent public finance le cinéma français est une blague. Prétendre que c'est l'argent publique, une faute d'accord.
les chaines de télévisions sont obligées de financer le cinéma, sinon sanction de l'état. De l'argent non prélevé par l'état, mais fléché directement, comme pour le programme Advenir, les pollueurs financent des actions de déploiement des IRVE, et ils ne se prennent pas d'amende, deux techniques pour tordre le bras, et transférer de l'argent sans y toucher. La force de l'état régulateur...
Le CNC est financé par une taxe spécifique, prélevée d'abord sur le billet du spectateur en salle, et qui a été étendue ensuite aux autres modes d'exploitation des films (câble, chaînes de télé, etc). Le budget du CNC est totalement indépendant du budget de l'État, même s'il est administrativement vérifié par le ministère de la Culture. On ne peut pas considérer que le CNC bénéficie de l'argent public, dès lors qu'il n'émarge pas aux recettes et dépenses de l'État, avec le principe de généralité que cela implique. Le Jamais Content, faute de se renseigner sur des principes simples de comptabilité publique, crée des confusions dignes d'une philosophie et d'une économie de comptoir de bistrot. Je suis d'accord avec lui sur le fond, mais je suis bien obligé de reconnaître que son argumentation dessert considérablement son propos, et c'est bien dommage. Le sujet mériterait une analyse un peu plus complète et complexe.