Salon de Los Angeles Autoshow

Les grands salons automobiles sont de retour, mais on dirait que la fête est finie. La faute au Covid ? Pas que.

Les grands salons automobiles font progressivement leur retour sur la scène des rendez-vous incontournables du secteur.

Incontournables ? Ce n’est plus si sûr. Alors que pendant des décennies, les Mondial de Paris, Salon de Genève, de Francfort, NAIAS de Detroit ou encore Autoshow de Los Angeles faisaient la une de l’actualité automobile et même générale des semaines avant, pendant et après leur tenue, le comeback tant attendu semble se faire dans une certaine discrétion. Quand il n’est pas une fois de plus annulé, comme avec Genève, qui aura probablement du mal à renaître de ses cendres et à se relever de trois capitulations successives.

La faute au Covid bien sûr, qui aura aussi eu la peau de nombreuses manifestations, mais pas seulement. La tendance était déjà là avant le déferlement de la pandémie, avec baisses de fréquentation du public et surtout bouderie des grands constructeurs, qui ont commencé à zapper ces grands raouts dès la fin des années 2010.

Le Covid n’est pas le seul coupable

Le NAIAS de Detroit, qui annonce aussi son retour du 17 au 25 septembre prochains après trois ans de blackout, fait pourtant grise mine, puisque seuls trois constructeurs américains figurent sur la liste des exposants, Jeep, Chevrolet et Ford. Il s’agit de la plus faible participation des constructeurs depuis que le Salon automobile de Detroit, essentiellement local, a été transformé en salon automobile international nord-américain en 1989. À son apogée, les organisateurs affirmaient avoir organisé jusqu’à 70 dévoilements de produits distincts au cours de cet événement annuel.

Le Mondial de l’Auto de Paris, qui se tient exactement un mois plus tard, a également réduit la voilure (et la voiture) en amputant sa durée de moitié, celle-ci passant en trois éditions de deux à une semaine. La version 2018 avait cependant attiré plus d’un million de visiteurs, mais on restait assez loin du chiffre de 2014 avec son million et demi, ce qui reste le record absolu à ce jour, le Mondial étant toujours le salon automobile le plus visité au monde. Cela étant, les signes de désaffection étaient déjà présents puisque pas moins d’une quinzaine de grands constructeurs en étaient déjà absents. On parle de marques comme Volkswagen, Ford, Nissan, Infiniti, ou encore Volvo, Opel, Mitsubishi…

En fait, avant même que la pandémie ne frappe, le changement était en cours. Le jadis puissant Salon de l’automobile de Francfort a mis fin à sa longue série en 2019 en raison de l’intérêt moindre des constructeurs et de la baisse de fréquentation des consommateurs. À son apogée, l’événement allemand attirait 2 millions de visiteurs. Mais la fréquentation n’a cessé de diminuer, tombant à 931 000 personnes lors de l’édition 2019, soit une baisse de 40 % de la fréquentation payante par rapport à deux ans auparavant.

Quant à l’Autoshow de Los Angeles, lui aussi plusieurs fois ajourné, il a fait son retour en novembre 2021 avec un public plus clairsemé en raison de la pandémie (difficile d’obtenir des chiffres, l’organisateur ne les fournit pas) et des contraintes que celle-ci impliquait sur ce type de grand événement, et surtout avec aussi des absents de marque parmi lesquels Mercedes, Tesla, Honda, Buick, GMC…

On pourrait pourtant penser qu’avec l’avènement de la voiture électrique et la pléthore de nouveautés annoncées chaque semaine ici et là, les grands salons se referaient une santé, mais il n’en est rien.

Alors, d’où vient cette désaffection pour ces derniers ? Probablement du public, mais pas seulement. Le mal est certainement plus profond, et peut-être révélateur là aussi d’un changement de mentalité, voire – osons le mot – de civilisation.

Les constructeurs mettent la pédale douce

Ce sont d’abord les constructeurs qui rechignent désormais à dépenser des millions de dollars pour être présents sur des événements qu’ils jugent pour certains en voie de ringardisation. À l’époque du digital, d’internet, des apps, du streaming, de la réalité virtuelle et même du métavers, dépenser des fortunes pour entretenir un stand semble de plus en plus appartenir à une pratique du passé, alors qu’il est plus facile et infiniment moins coûteux d’organiser des événements en ligne, qui parfois ont autant d’impact. A fortiori quand les médias peuvent toujours servir de relais pour des essais grandeur nature des voitures, que l’on retrouvera ensuite dans la presse, à la télé, et sur YouTube ou… TikTok.

Autre changement de paradigme, perçu depuis une bonne dizaine d’années, le fait que les constructeurs sont de plus en plus présents sur les salons Tech. C’est ainsi que des Audi, Ford ou BMW ont été des précurseurs en mettant un pied dans la porte depuis une décennie sur des grands rendez-vous comme le CES  de Las Vegas ou le Mobile World Congress de Barcelone. Au début pour présenter une technologie particulière (Ford avec Link, Audi avec son Virtual Cockpit par exemple), puis, succès aidant, en lançant directement des modèles à part entière. Une tendance que les habitués de ces salons avaient déjà repérée depuis de nombreuses années, mais qui avait échappé, semble-t-il, aux organisateurs de salons auto classiques. Le bénéfice pour les constructeurs était double : d’une part, afficher une image d’avance technologique, d’autre part, capter une clientèle plus jeune et plus orientée vers les nouvelles technologies. Et accessoirement être en immersion chez les geeks pour faire un peu de veille. En d’autres termes, avant, la tech s’invitait sur les salons auto, aujourd’hui c’est l’auto qui s’invite sur les salons tech. Et c’est autant de budget en moins pour d’autres manifestations.

Une attitude et des choix qui collent également avec une époque où l’on parle de plus en plus de sobriété (et de rationnement…) et où il est de plus en plus mal vu de mobiliser une logistique monstrueuse, coûteuse en empreinte carbone, et d’inviter des hordes de journalistes à l’autre bout du monde alors qu’un lancement en streaming bien réalisé sur internet peut faire l’affaire, suivi de quelques sessions d’essais locaux.

Côté constructeurs également, si nombre de nouveautés électriques proviennent de Chine, à part quelques grands noms déjà connus, on trouve finalement assez peu de constructeurs de l’Empire du Milieu présents sur les grands salons internationaux, en rapport du nombre de marques chinoises officiant dans le secteur. Y compris sur des salons spécialisés comme l’EVS35 d’Oslo, où les constructeurs asiatiques se comptaient sur les doigts d’une main.

Un nouveau public… qui ne se déplace plus

En ce qui concerne le public, on assiste également à un changement de regard sur l’automobile, avec de jeunes générations pour qui ce n’est plus un sujet d’intérêt et encore moins de passion, mais un truc purement utilitaire, et qui reste polluant et davantage source d’ennuis que de plaisir. Si tant est qu’ils s’intéressent encore un peu à la chose, il se pourrait que les nouveaux électromobilistes, du genre des trentenaires dont la première voiture est une Tesla Model 3, ne constituent pas vraiment une clientèle de salons automobiles. Plus généralement, ce type de clientèle voit davantage l’écologie comme un ensemble beaucoup plus large dont la voiture « propre » n’est qu’une composante – et pas la plus vertueuse.

Alors, est-ce qu’on va encore sur les salons automobiles ? Certainement, et c’est tout le mal qu’on leur souhaite. Mais on ira certainement moins nombreux, et il n’est pas certain que la voiture électrique soit un argument suffisant pour les aider à renaître de leurs cendres encore fumantes, a fortiori quand on voit la liste plutôt famélique des nouveautés électriques qui seront dévoilées sur les prochains. Car le vrai salon automobile en 2022, c’est tous les jours sur internet.

Bien sûr, nous espérons nous tromper. Rendez-vous dans trois mois pour faire le point après Detroit, Paris et LA…