Kit K2000

La première voiture intelligente ?

À l’occasion du Salon IAA de Munich, l’on a pu constater que l’intégration du digital dans la voiture est devenue un sujet central, voire stratégique.

Quand l’iPhone a été dévoilé en janvier 2007, personne ou presque n’avait jamais entendu le mot « smartphone », et aller sur internet avec son téléphone était un concept très lointain connu seulement de quelques geeks et autres early adopters (*). On connaît la suite, et la fulgurante adoption de ces appareils par le grand public, une adoption qui a été à l’origine de l’une des plus grandes révolutions que le monde ait connues, s’invitant dans les moindres détails de nos vies, et en provoquant de nombreuses autres, par cascades.

Dans un autre registre, plus récemment, il n’y a pas si longtemps (moins de 10 ans), en essais presse automobile, lorsque je demandais si tel modèle était équipé d’Apple CarPlay ou Android Auto, ou lorsque je m’enquérais de la taille de la diagonale de l’écran, tout le monde se retournait vers moi en me regardant comme un extraterrestre. Quand je dis tout le monde, j’inclus les responsables de la marque, mais aussi nombre de mes collègues journalistes auto.

À cette époque, l’intégration du numérique (ou digital, comme vous voulez) dans l’automobile n’était pas un sujet, loin de là. Une voiture était d’abord jugée sur sa ligne, ses finitions, et bien sûr ses caractéristiques routières. Jusqu’à la caricature d’ailleurs, comme quand tel magazine ou site auto poussait une Clio de base dans ses retranchements pour en déduire qu’elle était légèrement sous-vireuse, une information d’une importance capitale pour aller au supermarché ou chercher les enfants à l’école, bien sûr.

De fait, en ces temps reculés, le numérique et la connectivité étaient vus comme des gadgets sur lesquels les constructeurs investissaient peu, et dont la présence était évoquée en dernier recours, et jetée en pâture pour satisfaire la curiosité de certains journalistes ou blogueurs un peu geeks et surtout un peu casse-pieds. Il fallait s’estimer heureux d’avoir éventuellement le Bluetooth ou une prise USB.

La voiture électrique, un ordinateur sur roues

Mais ça, c’était avant. Dans ce domaine aussi, la voiture électrique a bouleversé la donne. Nous nous penchions la semaine dernière sur les nouveaux standards de design intérieur et le « tout-à-l’écran » qui fait désormais loi dans l’écrasante majorité de la production actuelle de voitures électriques.

Ces écrans ne sont pas là par hasard, ils ne sont finalement que les vecteurs, la représentation visuelle du flot incessant de données qui irriguent aujourd’hui la conduite automobile, que ce soit pour la sécurité, le confort ou l’infodivertissement. Les concepteurs d’interfaces automobiles sont d’ailleurs aujourd’hui parmi les ingénieurs les plus recherchés, et les centres de design se musclent sans cesse, quitte à faire appel à des studios extérieurs, qui prennent en charge les interfaces homme-machine (IHM), un élément devenu central, et même stratégique dans la conception et la commercialisation d’une voiture, a fortiori électrique. Une compétence qui inclut des sujets « à haute valeur innovante pour le conducteur, tels que la conduite automatisée, la réalité augmentée, les Interactions Homme-Machine (IHM) multimodales pour la détection et interprétation du geste, du regard et de la parole », comme l’indique Human Design Group, une société spécialisée dans les IHM et mandatée par le groupe PSA pour concevoir les cockpits de ses nouveaux modèles.

Aujourd’hui, tout le monde est monté en compétence sur le sujet, les marques, leurs représentants, et les consommateurs. Ce qui paraissait de la science-fiction il y a dix ans est banal aujourd’hui. Je me souviens par exemple du buzz lorsqu’Audi a dévoilé son Virtual Cockpit lors de l’édition 2014 du CES à Las Vegas. J’y étais et je peux témoigner que c’était l’une des attractions de ce salon pourtant pas avare en innovations technologiques. Ou quand le même Audi, quelques années auparavant (2009), dévoilait l’intégration de Google Earth à bord de ses modèles haut de gamme. Désormais, l’équipement d’une voiture en prestations « numériques » (écrans, commandes tactiles, connectivité, accès à internet pour les données de circulation temps réel, Apple CarPlay, Android Auto, etc.) devient un critère d’achat au même titre que la motorisation. Mieux, à l’ère de l’électrique, la puissance ne semble plus être réellement un point essentiel, et la cylindrée d’un moteur appartient évidemment au passé. On parlera éventuellement de réactivité et de reprises, et aussi, bien sûr, d’efficience et d’autonomie. Les critères du nouveau conducteur se situent davantage dans le confort, l’espace intérieur (et donc le design intérieur) et l’intégration des technologies.

L’interface avant la performance

Pour revenir au parallèle avec les smartphones, il ne vous aura certainement pas échappé que l’essentiel de la communication et du marketing autour de ces derniers depuis plusieurs années ne se situe plus sur leurs fonctions premières (téléphoner, communiquer, aller sur internet), mais sur leurs capacités photo, et plus généralement autour de l’image, dans toutes les acceptions du terme. On a un peu l’impression qu’il est en train de se passer la même chose avec l’automobile. Si sa vocation première, le déplacement, reste fondamentale, elle n’est plus perçue de la même façon, et la façon de vivre le voyage est aussi importante que le voyage lui-même. D’où ce focus sur les équipements numériques, qui vont rendre l’expérience plus agréable, plus fluide, plus ludique, à défaut de se défouler sur la pédale de droite.

Nous en avons eu récemment une illustration très parlante, à l’occasion du Salon IAA qui s’est tenu à Munich la semaine dernière, au cours duquel fut présentée la nouvelle Renault Mégane électrique e-Tech. Une présentation qui était en grande partie orientée sur l’interface utilisateur – au passage visiblement excellente – fondée sur deux grands écrans et gérée par Android Automotive (à ne pas confondre avec Android Auto). L’accent était mis sur la fluidité, l’ergonomie et le nombre de commandes disponibles. Et, chose assez rare pour être soulignée, les délégués Renault semblaient parfaitement et naturellement maîtriser leur sujet.

Ce qui change du temps où, en matière d’applications et de fonctionnalités numériques, vous aviez l’impression d’en connaître plus que le vendeur. Bref, l’avènement de l’électrique conduit à une formidable acculturation sur la gestion et la visualisation des données, et sur tout l’environnement informatique d’une voiture.

Allez, pour conclure, rien de tel qu’un petit voyage dans le temps des interfaces digitales (au sens « chiffres ») automobiles, juste pour rappeler qu’elles ne datent pas vraiment d’hier. Accrochez-vous, certaines sont gratinées.

(*) Ou primoadoptants si vous préférez, mais mon correcteur orthographique ne reconnaît pas ce mot

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