Air Liquide, Proviridis, Primagaz-Avia… De plus en plus de fournisseurs d’énergies imaginent des stations délivrant du GNV/bioGNV, de l’hydrogène, et même de l’électricité ou du bioGPL.

Il n’y a pas que les BEV

En mars 2016, Nissan et le cabinet d’architecture Foster + Partners imaginaient la station-service du futur comme un nouveau système dont le noyau serait tour à tour les villes, les rues, les maisons et les véhicules électriques eux-mêmes, dont les batteries serviraient à stabiliser différentes architectures de réseaux intelligents.

Une projection intéressante qui oubliait un peu vite que la mobilité durable ne s’arrête pas aux voitures branchées. Mais il est vrai qu’il y a 2 ans, le GNV et le GPL pouvaient paraître dépassés, et que l’hydrogène semblait une solution peu pertinente pour beaucoup.

Air Liquide

Des 3 fournisseurs de gaz dont nous allons visiter les projections, c’est Air Liquide qui a fait circuler le premier le concept de stations multi-énergies propres en lui attribuant ce nom il y a déjà quelques années. L’entreprise est particulièrement connue, entre autres, pour produire et distribuer de l’hydrogène. Un gaz que l’industrie dédiée avait pris pour habitude d’obtenir du gaz naturel ou d’hydrocarbures.

Air Liquide a noué différents partenariats avec les constructeurs de voitures électriques à pile hydrogène. En parallèle, l’entreprise a lancé son programme « Blue Hydrogen », par lequel elle s’est engagée à produire sans rejet de CO2, d’ici à 2020, au moins 50% de l’hydrogène nécessaire aux applications énergétiques. Un objectif qui lui impose l’utilisation d’énergies renouvelables pour électrolyser l’eau, le reformage de biogaz, et le captage puis stockage du CO2 émis lors de la production à partir du gaz naturel.

De l’hydrogène au GNV

Air Liquide est entré dans le monde de la mobilité GNV grâce à l’acquisition de petits réseaux déjà existants, comme, fin 2014, FordonsGas, une société suédoise spécialisée en distribution de biogaz dans le secteur des transports. Disposer de stations pour faire le plein en hydrogène et d’autres dédiées à l’avitaillement en GNV ne pouvait que faire naître l’idée de sites proposant ces 2 carburants exploitables pour la mobilité durable. Et c’est l’idée du concept des stations multi-énergies propres, de proposer différents produits afin de se passer du pétrole : GNV à travers ses variantes GNC (gaz naturel comprimé) et GNL (gaz naturel comprimé), ainsi que de l’hydrogène (à l’avenir). Air Liquide y a ajouté de l’azote liquide (Blueeze) pour la réfrigération des cellules frigorifiques des camions.

Primagaz-Avia

Cette configuration de stations multi-énergies propres délivrant du GNV, de l’hydrogène et de l’azote liquide pour la réfrigération des camions, on la retrouve aussi au sein du partenariat passé début 2017 entre Primagaz et Avia, embarquant GRDF en cours de route. Si Air Liquide réserve pour l’instant ses stations aux transporteurs, Primagaz et Avia vont proposer le GNV sur des stations-service ouvertes à tous. Dans un communiqué de presse émis le 5 octobre dernier, pour annoncer l’inauguration de la première station GNV publique ouverte sur autoroute, près de Limoges (87), Gino Vansteenhuyse, directeur commercial pour le gazier, justifie ainsi ce choix : « Cela va participer de l’acceptation et de la prise en considération de ce carburant par le monde du transport ».

Président d’Avia France, Michel Picoty définit un peu plus précisément dans le document l’avenir de ce réseau naissant : « L’ouverture de cette station à Limoges est une étape dans la diversification qui sera suivie par l’ouverture d’autres points de distribution de GNV en France, pour aboutir à terme sur des offres multi-énergies où le client pourra retrouver également l’hydrogène ». Et les bornes de recharge rapide ? Certaines stations Avia en sont déjà équipées.

BioGPL

Même si sa filière est encore active, le GPL ne semblait pas convié ou sérieusement envisagé pour la mobilité durable. Primagaz espère prouver le contraire avec le bioGPL. Ce nouveau gaz n’a été enregistré qu’en décembre dernier par l’Ademe dans la base carbone. Ses émissions de CO2 sont réduites de « 78% par rapport aux énergies fossiles de référence », indique le gazier. Il détaille pour un impact de 60 grammes de CO2 eq par kWh : « 36 grammes pour l’approvisionnement en biomasse, 22 pour la fabrication, 0,5 pour le transport maritime, 1,5 pour la distribution, et 0 à la combustion ».

Comme le bioGNV, le bioGPL est obtenu de déchets. Sauf que le premier fait partie de la famille du méthane (biométhane), et le second de celle du propane (biopropane). Le bioGPL, qui sera produit par Neste à Rotterdam (Pays-Bas), est obtenu par hydrotraitement (HVO) de matières premières issues de la biomasse : « 68% du recyclage de déchets industriels (huiles de cuisson, graisses animales) et 32% d’huiles végétales (palme, colza) issues de filières certifiées respectueuses du développement durable ».

Crit’Air1

« Ce carburant, plus propre et classé Crit’Air1, bénéficie d’une combustion ne produisant pas de particules fines et limitant les émissions de NOx. 100% compatible avec les véhicules GPL existants, le biopropane poursuit cette trajectoire de réduction des émissions de CO2. Il devient ainsi l’une des solutions permettant à la France d’atteindre ses objectifs en matière de mobilité durable », assure Primagaz, qui compte incorporer dès cette année 8% de biopropane dans son réseau de GPL. Un scénario qui n’a aucune incidence sur les systèmes d’alimentation des véhicules, les réseaux de distribution ou les infrastructures déjà en place.

Proviridis

Sans doute plus que Proviridis, c’est sans doute le nom de V-Gas, sa filiale de distribution de GNV, qui est le plus connu par ceux qui s’intéressent à la mobilité durable sous ses différentes formes. Et c’est là que nous allons trouver une projection des plus complètes en matière de stations multi-énergies propres. Sur son site web, la maison mère propose une visite virtuelle d’une « Station Hub V-Gas ».

Autour d’un espace multi-services très complet (espace détente, espaces collaboratifs, relais colis, restauration, covoiturage, autopartage, etc.), l’on y trouve du GNC, du GNL, de l’hydrogène et des bornes ultrarapides. Pour alimenter ces dernières, sont installés des panneaux photovoltaïques sur les différents auvents qui abritent les pistes réservées au remplissage des réservoirs. Si Proviridis se permet d’imaginer la station-service de demain, c’est parce que l’entreprise propose déjà à différents opérateurs, dont ses concurrents directs, des infrastructures clés en main qui délivrent du GNV.

Un gazier qui mise sur les bornes ultrarapides

Dans une interview accordée à BFM Business, Eric Ronco, à la tête de Proviridis, fait un étonnant aveu, a priori : « Nous, on est convaincu que c’est l’électrique qui va percer, et il faut trouver des solutions, parce que le réseau ne sera pas capable de répondre à une arrivée massive de véhicules électriques ».

Si le dirigeant n’indique nulle part la puissance des bornes électriques ultrarapides qu’il entend déployer, il donne sans doute une piste en chiffrant à 200.000 euros le prix d’un modèle d’une puissance de 130 kW.

Des doutes sur l’hydrogène

Concernant l’hydrogène, Proviridis n’est pas à la traîne, ayant développé la station d’avitaillement de la navette fluviale Navibus Jules Verne 2 qui devrait être mise en service tout prochainement à Nantes (44), aux couleurs de la Semitan. « L’hydrogène, c’est compliqué, il n’y a pas beaucoup de véhicules », a reconnu Eric Ronco, sur le plateau de BFM Business, soulignant toutefois que les collectivités veulent développer la mobilité H2. En revanche, le GNV apparaît pour lui incontournable. L’entreprise a fait très tôt le pari de l’expansion de ce gaz, il y a environ 6 ans. L’argument qu’il avance pour plaider en faveur du gaz naturel chez les professionnels : « Dans le transport de voyageurs, en 2025, 100% des véhicules devront rouler avec des carburants peu émissifs ». Pour Eric Ronco, Proviridis est en train de grandir énormément via le GNV, en particulier avec son offre en stations clés en main.