Les aides financières pour l’achat d’une électrique reposent sur plusieurs critères. Mais s’ajoutent parfois des lignes aussi stupides que politiques.

Au lendemain de la première vague du coronavirus, le gouvernement a ouvert tous les robinets pour soutenir la filière automobile, et plus principalement le développement de la voiture électrique. Au bonus écologique rehaussé à 7 000 € au maximum (pour les voitures électriques vendues moins de 45 000 €) se sont ajoutées de nombreuses autres mesures incitatives, telles que la prime à la conversion.

Les collectivités locales ont aussi apporté leurs contributions avec diverses aides proposées par les régions, départements ou municipalités. Et si les montants diffèrent d’une localité à l’autre, l’ambition est la même : favoriser et inciter les conducteurs à adopter un mode de déplacement plus propre.

Des conditions (parfois étonnantes) à remplir

Pour débloquer ces aides, de nombreuses conditions existent toutefois. On note principalement le prix du véhicule concerné, le type d’achat (LOA/LLD ou achat intégral) ou le revenu fiscal de référence du demandeur, entre autres exemples communs. Il existe aussi des conditions suspensives afin de bénéficier de l’intégralité des aides, telles qu’un engagement de propriété du véhicule (interdiction de vendre son véhicule pendant une durée et/ou un kilométrage définis localement) ou, c’est plus invraisemblable, l’engagement de coller un adhésif « véhicule financé avec l’aide du département » !

C’est effectivement la dernière trouvaille en date du département des Bouches-du-Rhône dans le cadre de ses mesures incitatives : en plus des aides gouvernementales telles que le bonus écologique ou la prime à la conversion, le département du sud de la France propose une aide supplémentaire de 5 000 €.

Mais il faut répondre à plusieurs critères avant d’effectuer une demande. Cette prime s’adresse ainsi aux particuliers, qui ont fait l’acquisition en pleine propriété (les contrats LOA/LLD sont exclus) d’un véhicule électrique d’une valeur inférieure ou égale à 45 000 €, ou d’un véhicule électrique de démonstration après le 13 février 2021. En outre, ce véhicule devra être conservé pendant 3 ans (ou avoir parcouru plus de 65 000 km) avant d’être revendu.

Il suffit ensuite de joindre toute une liste de pièces justificatives en bonne et due forme afin de faire passer le dossier de demande au vote de l’assemblée départementale, qui attribue officiellement l’aide financière de 5 000 €. Le demandeur reçoit alors un dossier avec de nombreux documents et un mystérieux autocollant.

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Un autocollant contre 5 000 €

Mais pour débloquer le paiement, une seconde étape est nécessaire. L’administration réclame ici diverses pièces telles que la carte grise du véhicule, un justificatif de paiement du véhicule, une facture avec la mention payée ou acquittée et, roulement de tambour, une photo du véhicule concerné portant fièrement à l’arrière de la voiture l’autocollant du département des Bouches-Du-Rhône « véhicule financé avec l’aide du département ». Au même titre que les autres documents à fournir, l’absence de photo ou le non-respect de la demande (autocollant partiellement posé sur la carrosserie) entraîne donc une annulation de l’aide financière d’un montant non négligeable de 5 000 € !

Cet autocollant divise sur les réseaux sociaux, et notamment sur les groupes dédiés aux voitures électriques. De nombreux utilisateurs, concernés ou non, ont rapidement affiché leur mécontentement de ce qui semblerait, c’est notre avis, prendre en otage la voiture électrique des demandeurs. Outre la publicité ambulante camouflée sous couvert d’aides financières, c’est bien le message affiché qui interloque.

Car on est bien loin, ici, d’un mignon « Ma Toyota est fantastique » collé à l’époque sur les lunettes arrière par le fabricant japonais : avec sa formulation, le sticker du département ouvre sur un boulevard d’interprétations, teintées de propagande politique. Ou même, pour les plus friands de vie politique, d’électoralisme, à quelques semaines seulement des élections départementales. Précisons à ce titre qu’il n’y a là aucun lien de cause à effet, puisque cette démarche existe depuis plus de deux ans désormais.

Pas d’éthique ou pathétique ?

En revanche, les parades se mettent en place rapidement. De nombreux bénéficiaires ont fait le choix de coller cet autocollant uniquement pour la photo à retourner au département. À raison d’ailleurs, en raison du message discutable renvoyé par cet affichage, mais aussi pour éviter les dégradations : certains ont estimé que cette note pouvait faire naître l’animosité chez certains contribuables, pouvant aboutir à des dégradations sur le véhicule concerné.

Dans le camp opposé, certains ont rapidement fait remarquer que la pose de cet autocollant de manière permanente était un juste retour des choses pour remercier les efforts du département des Bouches-du-Rhône. Une poignée estimant aussi qu’il s’agit là d’une question de respect envers le contribuable ou que le refus de se plier à l’obligation n’était tout simplement pas éthique !

Interrogés sur le fond comme sur la forme par le but de cette démarche, nous avons contacté par voie électronique le département. À l’heure où nous écrivons ces lignes, nous n’avons pas obtenu de réponses à nos questions. Mais nous ne manquerons pas toutefois de vous faire part de leurs explications lorsque nous les aurons.

Avis de l'auteur

C’est un fait : le message de cet autocollant et son caractère obligatoire ne sont absolument pas adaptés. Car comme l’ont souligné certains automobilistes concernés, utiliser son véhicule personnel à des fins de promotions politiques n’est pas concevable. Et si les avis contraires sont somme toute légitimes (bien que saupoudré de respect à outrance), rappelons que nous n’avons encore jamais vu de panneau affiché sur les fenêtres d’un appartement avec la mention « logement financé par les APL », entre autres exemples loufoques.

Souligner le grand effort collectif avec un autocollant est une chose. Adapter le message en est une autre qui réclame toutefois quelques notions de communication que le département devrait être en mesure de maîtriser. Cet effort-là ne devrait pas se limiter à de simples aspects financiers en provenance de l’administration, mais se rapprocher éventuellement des considérations écologiques notamment soutenues par les différentes aides existantes : un message « je préserve l’environnement avec mon département » aurait été plus en phase avec les ambitions premières de la prime accordée.

En tout état de cause, constatons que de nombreux autocollants seront aussitôt retirés après la photo obligatoire puis, je l’imagine facilement, jetés à la poubelle. Ce qui soulève d’autres interrogations concernant l’aspect écologique de ces étiquettes imprimées qui ne font pas l’unanimité.