Le développement de l’électrique va-t-il signer la fin des excès de vitesse ?
La vitesse c’est dépassé. Ce (très) vieux slogan assorti d’une pub en noir et blanc qui fleurait bon la France de Giscard avait sûrement fait son petit effet lors de sa diffusion. Pas sûr cependant que tous les conducteurs aient bien adhéré au concept alternatif de la roulotte remplie de gentils babas cool dans son allégorie finalement pas si datée du beauf pressé et légèrement macho qui s’embrouille avec les écolos de service.
Il se pourrait pourtant que cette punchline reprenne (ou prenne) des couleurs avec la croissance en cours et vraisemblablement inéluctable du marché de la voiture électrique. Nous avons déjà vu et revu à plusieurs reprises comment l’électromobilité induisait chez certains de nouveaux comportements au volant. Des comportements plus apaisés, plus respectueux des autres.
Des comportements favorisés par la zénitude de l’électrique, mais aussi par une préoccupation plus terre à terre, celle d’économiser les batteries pour tenter de sauvegarder l’autonomie afin d’arriver à destination autrement que sur une dépanneuse (diesel).
Aller moins vite pour aller plus loin (et garder ses points par la même occasion)
Ainsi, quiconque roule ou a déjà roulé électrique connaît le sujet. Ne pas avoir le pied trop lourd, aller moins vite pour aller plus loin. Une tendance qui semble prendre de l’ampleur et peut-être même s’imposer comme un mode de conduite, voire un mode de vie, qui deviendrait la norme. Ce qui n’est pas le moindre des paradoxes quand on connaît la puissance, le couple et les performances, notamment en matière d’accélération, de certains modèles électriques.
En fait, même avec une « grosse cylindrée » (comprendre, pour l’électrique, une voiture avec une autonomie d’au moins 500 km et une capacité de charge d’au moins 250 kW), on conduit l’œil sur l’afficheur d’autonomie, à tel point que l’excitation qui peut être produite par la vitesse ou les accélérations fait progressivement place à une autre forme de plaisir, plus vertueux et au demeurant plutôt ludique, celui de l’écoconduite et des petits challenges personnels que l’on se fixe en matière de rayon d’action. Oui, il est amusant de se dire que si la voiture affiche 350 km d’autonomie on va essayer de faire un peu plus, quitte à sacrifier légèrement sa moyenne et ses velléités de se prendre pour Lewis Hamilton dans un tour de qualif.
D’ailleurs, les normes de consommation viennent confirmer ce nouveau paradigme puisque le cycle WLTP, pour ne citer que lui, est fondé sur une conduite au pied léger, que ce soit en thermique ou en électrique (rappelons que le WLTP mesure la consommation d’énergie de tous les véhicules), avec une vitesse maxi de 131 km/h, ce qui est raccord avec les limitations maximales connues généralement en Europe. Et surtout une moyenne générale incluant ville ou autoroute de 46,5 km/h. Ce qui est lent, mais correspond aussi grosso modo à un trajet sur route où la vitesse est limitée entre 80 et 90 km/h.
Bref, le WLTP est un véritable plaidoyer pour le respect des limitations de vitesse, puisqu’il donne une raison supplémentaire de lever le pied : en plus d’arriver vivant, il permet aussi d’arriver tout court.
Éloge de la lenteur au royaume du WLTP
C’est ainsi que vous voyez régulièrement des Tesla ou des Taycan de plus de 500 chevaux rouler tranquillement à 120 km/h sur la voie de droite de l’autoroute, ce qui n’arrive évidemment jamais avec des thermiques de puissance équivalente. C’est ainsi, aussi, que vous voyez probablement moins souvent des voitures électriques sur autoroute, ces dernières préférant emprunter les chemins de traverse pour économiser l’énergie et en profiter, parfois un peu involontairement, pour visiter nos riantes campagnes dans le plus grand des calmes, tandis que leurs conducteurs sont libérés de l’angoisse obsessionnelle de repérer les radars.
Alors, l’électrique signera-t-il vraiment la fin des excès de vitesse et de la conduite sportive sur route ouverte ? Probablement pas, et de loin. Mais il faut prendre aussi en compte l’arrivée d’une nouvelle génération de jeunes conducteurs, qui se contrefichent des performances, et pour lesquels l’écoconduite est un critère fondamental. Il se peut que ces derniers gardent leurs points un peu plus longtemps que leurs aînés, et qu’un bon 110 sur autoroute suffise amplement à leur bonheur nomade. Surtout lorsqu’ils savent que ce type de comportement est favorable à la préservation de l’environnement.
Ce qui nous conduit forcément à tenter d’imaginer quelles seraient les conséquences d’un tel éloge de la lenteur automobile au royaume du WLTP. Rions un peu avec cette fiction en pensant que les fabricants de radars feraient faillite (même si on ne peut pas se réjouir du chômage et de ses drames humains), que les sociétés qui opèrent ces infâmes voitures-radars n’auraient plus grand-chose à opérer, et que même l’état se retrouverait fort marri face à l’effondrement des recettes perçues grâce aux amendes pour excès de vitesse. Sans parler des éditeurs d’applications comme Coyote et autres systèmes antiradars, devraient trouver de nouveaux axes de développement. Et les flics à jumelles d’autres occupations.
En fait, l’électrique ne fait que confirmer et entériner une évidence que l’on connait depuis longtemps et que l’on savait déjà au temps du thermique : modérer son allure permet de voyager plus loin (merci Captain Obvious). La seule différence étant qu’en électrique, vu les autonomies actuelles, l’infrastructure des réseaux de charge et la capacité de charge moyenne des voitures, on n’a plus vraiment le choix. Soit tu te calmes, soit c’est la panne.
On pourra rétorquer que, si la phase que je décris non sans un certain angélisme est probablement une réalité aujourd’hui, elle ne sera que transitoire. Et qu’il y a aussi des électromobilistes qui ont le pied lourd. Et que, le temps que les trois variables mentionnées ci-dessus évoluent, les amateurs de vitesse reprendront vite leurs habitudes avec un réseau de recharge dense et de grosses autonomies. Probablement.
Mais entretemps, des milliers de conducteurs auront découvert la voiture avec l’électrique et son corolaire l’écoconduite, et ne seront peut-être jamais tentés de chatouiller le chronomètre puisqu’ils n’auront pas connu le frisson de la vitesse, une valeur à leurs yeux totalement… dépassée.
Commentaires
Bon article mais je le nuancerai avec certains propos:
Je pensais qu'avec les accélérations franches au démarrage et le quasi silence en roulement, en ville, la situation pourraient être plus dangereuse.
Quelq'un qui roule moins de 200km par jour et recharge tous les soirs peut ne pas adopter une eco-conduite.
Je vous rejoint sur l'éco-conduite qui n'est une évidence que pour les journalistes d'automobile propre (bien qu'ils ne tarrissent pas d'éloges sur les performances incroyables des voitures électriques à longueur d'articles).
J'habite dans un coin de la france où les gens aiment bien pousser leurs voitures au bout de leurs fiches techniques, notamment en ville et notamment sur l'accelération. Je circule essentiellement à vélo et je ne trouve pas que les voiture électriques hyper coupleuses soient utilisées avec d'avantage de raison que leurs équivalent thermique. La différence c'est que la petite familiale type kona ou id3 font du 0 à 100 en moins de 7 secondes ce qui ouvre aux chauffards des capacités de nuisances qui étaient hors de leur portée jusqu'à aujourd'hui. Je suis assez inquiet de ce qui va se passer quand les voitures électriques représenteront une frange importante des véhicules en circulation.
Dans un monde un peu cohérent en matière de sécurité routière, on imposerait aux constructeurs de plafonner leurs accélération tout comme on leur impose une certaine efficacité de freinage ou un bruit max de pot d'échappement pour avoir le droit de rouler en France.
Par contre, je trouve que les bruits ajoutés aux voitures électriques compensent largement le vroum-vroum du moteur. Je les entends bien venir et c'est moins pénibles que certains moteurs thermiques. Dans ma voiture, je peux pas le désactiver et j'imagine que c'est réglementaire.
Très bon article.
Les comportements des uns et des autres est différent suivant les circonstances bien évidement.
Personnellement, je ne suis pas un voyou, mais comme vous 400 CV de temps en temps on a envie de tester et la adieu la voiture et le permis.
Mais en temps normal on est cool en écoutant de la bonne musique.
Pour les longs trajets sur autoroute, comme avec mon Gasoil, je reste vers les 110-120, cela permet de faire des économies potentielles, le voyage en sera plus cool car la vitesse demande davantage de concentration et on fatigue plus vite.
Article sans chiffres, c’est dommage.
Je me demande si à terme (VE très majoritaires) les VE rouleront moins vite que les VT dans les villes limitées à 30 km/h.
Et les aides à la conduite, c'est oublié ?
Exemple chez Tesla, avec l'auto-pilote standard qui impose la prise en compte des limitations de vitesse (pas toujours les bonnes d'ailleurs) et vous punit en cas de dépassement trop important...
Les aides à la conduite existe sur les thermiques...
manque le limiteur