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Volkswagen : son patron du design nous révèle les secrets sur son futur

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Patron du design de Volkswagen depuis 2023, Andreas Mindt tente de transformer le visage de la marque allemande. Conversation devant les maquettes d’ID. Polo et ID. Cross.

Automobile Propre – La principale nouveauté de cette rentrée est l’ID. Cross Concept, qui annonce un petit SUV à venir en 2026. Quelle était votre approche au moment de démarrer ?

Andreas Mindt – Nous voulions qu’il ait l’air très grand. Pour parler clairement, il n’y a aucun panneau de carrosserie en commun avec l’ID. Polo, même si évidemment nous partageons beaucoup de modules de la plateforme comme la direction ou d’éléments à l’intérieur. Mais nous avons saisi cette opportunité pour faire un vrai SUV et pas une ID. Polo surélevée, comme l’imaginaient beaucoup de gens.

AP – Ce concept annonce la nouvelle orientation des SUV de la marque…

AM – Au design, nous classons les véhicules de la gamme en trois catégories. La première est « élégante » avec les véhicules classiques comme l’ID. Polo. Ensuite la branche « performance » avec, par exemple, l’ID.Polo GTI. Enfin, la branche « robuste », incarnée par l’ID Cross. Ce sont nos phares ; ils éclairent notre travail pour les prochaines années. C’est très clair côté SUV : d’autres produits arriveront plus tard et ils ressemblent à des frères et sœurs plus grands, ce qui génère un côté « famille » reconnaissable.

AP – Chaque nouveau modèle de la gamme se distinguera par ce que vous appelez une « sauce secrète ». Évidemment, quand vous dites « secret », on va tout de suite vous demander ce que c’est… 

AM – C’est fait exprès. Cela sonne mystérieux et suscite la curiosité. En réalité, c’est très simple à expliquer. La sauce consiste en trois ingrédients. Premièrement, il s’agit de traits d’humour que nous essayons d’intégrer à nos voitures, notamment dans l’habitacle. Sur le nouveau T-Roc, vous avez peut-être remarqué l’apparition de petits nageurs dessinés sur le port de recharge à induction (sur la console centrale, ndlr). Pendant le développement, nous avions tracé les lignes afin de permettre le refroidissement du smartphone. Quelqu’un a un jour parlé en interne de « couloirs », comme dans une piscine olympique. On a décidé de transformer ces lignes en couloirs. C’est une petite blague stupide, mais on essaye…

AP – Et ensuite ?

AM – Le deuxième point, c’est que nous voulons toujours offrir quelque chose de plus que ce qui est attendu en termes de qualité. On veut que les gens entrent dans la voiture et disent : « Wow, je ne m’attendais pas à cela ». Cela peut être lié au contenu de l’écran d’infodivertissement, aux matériaux utilisés, aux boutons et commodos, etc. Le troisième ingrédient, c’est un soupçon de sportivité, mais un peu cachée. Sur l’ID. Polo, nous avons voulu quelque chose de stable, avec des passages de roues apparents. C’est stable, mais aussi sportif.  Je veux mettre cela dans nos voitures, mais sans que les gens le perçoivent au premier coup d’œil, plutôt en regardant une seconde fois. Quand nous avons travaillé sur l’ID.Polo GTI, nous avons fait comme sur la Golf I GTI. Des roues un peu plus grandes qui donnent immédiatement un aspect plus musclé. On n’ajoute que quelques détails : un autocollant ici, un aileron là. Vous avez tout de suite une voiture très attrayante. La « sauce secrète », c’est le petit plus qui fait le bon repas.

AP – Dans le patrimoine VW, l’épais montant C, inauguré par la Golf dans les années 1970, est un marqueur très fort. Commencez-vous par là au moment de dégager une silhouette ?

AM – C’est essentiel, car il offre la stabilité, la connexion entre le toit et les panneaux latéraux. Mais ce que nous montrent les études cliniques (on montre une voiture à des clients potentiels, ndlr.), c’est que les gens observent d’abord les visages. C’est 70 % de l’effet. Quand tu as un beau visage, c’est presque gagné… On travaille le visage, puis il faut un beau corps, de bonnes proportions.

AP – Et justement, vous insistez sur le visage « sympathique » de vos récentes créations. Vous avez travaillé sur la Golf VII, ce n’était pas trop le genre de la maison.

AM – Oui, c’était plutôt sérieux. Mais nous travaillons sur ce thème, car nous voulons faire un contrepoint. Ces dernières années, de nombreux constructeurs ont dessiné des visages agressifs à leurs voitures. Et vous vous retrouvez avec des modèles au look de tueurs de zombie. Nous voulons faire l’inverse. Des lignes très propres, très pures. Nous appelons cette approche pure positive. Le côté positif, c’est l’attitude, mais aussi une forme que j’appellerais positive à tous les niveaux : des lignes convexes plutôt que concaves, des surfaces pleines et solides. C’est cela que nous recherchons.

AP – Vous allez donc un peu à contre-courant… Le balancier va-t-il repartir dans l’autre sens ?

AM – C’est ce que nous voulons faire, les autres peut-être pas. Beaucoup pensent que l’agressivité, c’est cool, nous voulons remettre cela en question. On voit beaucoup d’effets, de fausses entrées d’air… Pour moi, ce sont des choses qui ne correspondent pas à leur usage ou ne sont pas authentiques. Quand je suis arrivé à mon poste, il y a deux ans et demi, nous avons voulu nous poser quelques questions. Qui sommes-nous ? À quoi sert-on ? Que fait-on en réalité ? Nous vivons dans une société. À quoi voulons-nous ressembler ? Voulons-nous avoir l’air agressif ou amical ? Moi, je dis amical.

AP – La gamme ID actuelle avait été pensée avec un aspect très différent des véhicules thermiques. Cette approche est-elle complètement abandonnée ?

AM – Oui, c’est terminé. La première raison est que les early adopters constituent 8 % de la population. Maintenant, nous passons au grand public. Le deuxième point, c’est que nous voulons rassembler la société ; il ne s’agit pas de désigner des bonnes ou de mauvaises personnes. Certaines personnes avec des voitures électriques semblent dire : « je suis meilleur que toi, je fais quelque chose pour l’environnement ». Pour moi, c’est dommageable. Nous ne devons pas diviser la société, mais au contraire la rassembler. Il y a peu, je suis allé voir les designers de Scout (voir ci-dessous, ndlr.). Ils m’ont expliqué leur approche qu’ils appellent « 50 États ». Ils veulent réussir autant dans les états urbains que ruraux, au-delà des clivages. Nous avons aussi besoin de cela en Europe.

C’est qui, Scout ?

Le groupe Volkswagen a lancé, en 2022, un projet de griffe de pick-up et de SUV électriques à destination du marché américain. Scout Motors Inc. est monté sur un modèle de jeune pousse, sans lien direct avec le reste du groupe. Le siège se partage entre Fremont en Californie et la Virginie, le bureau d’études est sis près de Détroit et la future usine se construit en Caroline du Sud. L’inspiration vient de l’International Harvester Scout, une série de véhicules offroad qui avaient trouvé une niche sur le marché US entre 1961 et 1980. Le pick-up Terra et le SUV Traveler devraient sortir d’ici à deux ans.

AP – On nous a longtemps promis que l’avènement du véhicule électrique permettrait de dessiner des voitures moins conventionnelles. Cela aussi, c’est fini ?

AM – La bonne chose à propos des voitures électriques, c’est que vous avez un long empattement et des porte-à-faux courts à cause de la grande batterie. Les proportions sont différentes. Mais certaines règles s’appliquent encore. Quand on fait le package pour une voiture, oui, nous n’avons plus le gros moteur à l’avant. Mais nous avons besoin de placer le pédalier derrière l’axe des roues. Même chose pour le parebrise avancé. Qui a besoin d’un mètre de tableau de bord devant le volant ? Si vous faites cela, vous avez alors un parebrise interminable et l’habitacle prend la chaleur. Vous devez consommer plus pour climatiser. J’ai une Coccinelle de 1970 et avec le petit pare-brise très vertical, il fait toujours bon à l’intérieur. Les gens se font une idée, mais il faut toujours se demander si ces idées sont justes ou non.

AP – Il y a quelques mois, nous avons visité les souffleries de Volkswagen, à Wolfsbourg. L’un des responsables nous a dit, à propos de l’électrification : « nous gagnons peut-être désormais plus de batailles avec le design ». Avez-vous moins de liberté créative aujourd’hui avec les contraintes aérodynamiques ?

AM – Je les connais bien (sourire, ndlr.). Ils aiment dire : « les règles de la physique sont immuables » et sont parfois un peu sur leur planète. Mais il ne faut pas voir cela comme des batailles. En réalité, nous travaillons ensemble. Si vous observez la roue de l’ID. Polo devant nous, vous verrez que nous avons réussi à faire une roue très belle, très sportive, mais très efficiente côté aérodynamique. Une voiture est un produit que vous voulez vendre et il faut réunir beaucoup de facteurs pour créer un produit. Au design, nous essayons de travailler ainsi tous les domaines. Un bon exemple, ce sont les contraintes de protection des piétons. Quand un membre de mon équipe se plaint, j’ai tendance à lui demander : « imagine, dans quelques années, quelqu’un t’écrase avec la voiture que tu as dessinée. Est-ce que tu ne serais pas responsable ? ». Nous devons tous prendre ces sujets au sérieux.

AP – L’un des grands éléments stylistiques de notre époque, ce sont les LEDs. Est-ce qu’on va trop loin ?

AM – Non. Il y a toujours de nouvelles technologies qui arrivent, notamment les éclairages OLED. À ce stade, sur cette gamme, nous ne pouvons pas encore nous le permettre. Nous voyons aussi arriver les microlentilles, qui équipent déjà certains constructeurs (par exemple, la Lucid Air, ndlr.). C’est incroyable ce que l’on peut faire avec des LEDs aujourd’hui pour une consommation d’énergie très faible et un rendement lumineux très élevé. Quelque part, ces rampes se substituent aux chromes, qui contiennent des métaux lourds. Bientôt, vous verrez, par exemple, nos nouveaux volants. Jusqu’ici, on utilisait des éléments en chromes, bientôt, vous verrez le logo Volkswagen éclairé. C’est brillant, beau et riche. Quand ce sera présent sur une voiture de série, vous direz que c’est incroyable.

AP – Puisque l’on parle des habitacles, ces dernières années, l’ergonomie des Volkswagen a été très critiquée…

AM – Oui, nous avons été sévèrement critiqués, notamment les sliders (commandes où l’on devait glisser le doigt pour régler le volume audio ou la température de l’habitacle, ndlr.), les touches uniques pour ouvrir les vitres avant et arrière ou encore l’absence de touches physiques sur le volant ou la console centrale. Tout ceci est supprimé, je vous promets que nous sommes passés à autre chose. Nous avons organisé des enquêtes avec des consommateurs où ils notaient avec des points leur niveau de satisfaction. Si vous ne livrez pas un concept d’interaction stable et sûr, les gens se frustrent et cela devient vite un cauchemar. Avec nos nouveaux produits, nous avons gagné beaucoup de points.

AP – Quelle est votre stratégie par rapport à l’intelligence artificielle ?

AM – Nous utilisons cet outil. Pour nous, c’est un outil. Cela nous permet, par exemple, si nous avons scanné un habitacle, de rassembler facilement les données dans un jeu. Mais si vous demandez à une IA de dessiner un futur modèle, c’est difficile. Pourquoi ? Parce que si vous mettez toutes les Volkswagen de l’histoire dans les données et vous demandez une nouvelle voiture, l’IA mélange toutes les données et ce qu’il y a sur le marché. Et ce qu’elle produit est un retour en arrière. Or, je dois avancer. Je suis assez convaincu que l’IA sera bientôt capable de franchir cette étape. Mais pour le moment, on ne peut pas s’en servir pour concevoir la voiture de demain.

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