Voiture électrique : ce géant qui se réveille et qui pourrait bousculer le marché

Le salon IAA Mobility de Munich est le théâtre attendu d’un sursaut allemand. Les principaux constructeurs locaux dévoilent leurs nouveaux modèles électriques pour prouver que l’industrie d’Outre-Rhin n’est pas sur le déclin. Et qu’elle pourrait même rebondir très fort.

Lors de la précédente édition du salon automobile IAA Mobility de Munich, les observateurs avaient été marqués par la relative discrétion des constructeurs allemands, qui semblaient ne plus être prophètes en leur pays, et a contrario l’offensive des marques chinoises. Pour certains, la messe était dite, et l’avenir de l’automobile électrique s’écrirait en mandarin.

Nous ne sommes pas vraiment de cet avis, et nous avons souvent dit ici que l’industrie automobile allemande était too big to fail (trop grosse pour sombrer) selon l’expression consacrée, et qu’on n’effacerait pas un siècle de savoir-faire et une aussi forte aura d’un simple trait de BYD.

Je ne sais pas si l’édition 2025 du Salon IAA sera celle de la renaissance de l’Allemagne automobile, mais certains indices montrent que les constructeurs locaux ont su s’adapter et proposer des produits attractifs qui pourraient séduire ceux qui veulent passer à l’électrique, mais refusent pour différentes raisons de le faire avec une voiture chinoise.

Le salon IAA Mobility 2025 ouvre ses portes du 9 au 14 septembre à Munich. Pour la première fois sous l’appellation « Mobility », ce rendez-vous met en avant une vague d’innovations technologiques et de nouveaux modèles, après des années difficiles pour l’industrie germanique (crise du Diesel, concurrence étrangère, transition énergétique). Dans une ambiance qui entend regarder le futur (et la concurrence asiatique) dans les yeux, Volkswagen, BMW, Mercedes-Benz, Audi et Porsche vont tenter de tenir leur rang et de montrer au monde qu’ils sont encore là pour longtemps, et qu’ils entendent reprendre l’avantage dans un secteur désormais dominé par l’électrification et la connectivité. Un nouvel élan ? Probablement, mais qui s’inscrit cependant dans un contexte tendu, où les marques allemandes font face à une pression internationale accrue et à des enjeux géopolitiques majeurs.

Revue de détail des atouts d’un géant qui se réveille.

Volkswagen et BMW en leaders

Au cœur de cette renaissance, l’offensive produit des groupes allemands se révèle massive. Le Groupe Volkswagen dévoile plusieurs concepts et avant-premières consacrés à l’électromobilité accessible. VW présente l’ID.CROSS – un petit SUV urbain électrique destiné aux clients les plus soucieux de leur budget (prix annoncé autour de 28 000 à 30 000 € à son lancement prévu en 2026). La marque indique également qu’elle adopte officiellement le nom Polo pour sa future citadine 100 % électrique (ID.Polo), proposée sous la barre symbolique des 25 000 € en version de base. Le PDG de Volkswagen, Oliver Blume, rappelle que le groupe introduit près de 60 nouveaux modèles en deux ans, en dépit de la hausse des coûts liés à l’électrification et aux tensions commerciales. Pour maintenir ces investissements, Volkswagen lance parallèlement un vaste plan d’économies – réduction de capacités et d’effectifs – afin de financer son offensive électrique sans compromettre sa compétitivité.

Rappelons par ailleurs que la marque a déjà enregistré un succès commercial en 2025, porté par l’ID. 7 et l’ID. 4, VW devenant le constructeur vendant le plus de voitures électriques en Allemagne et en Europe.

BMW, de son côté, continue à surfer sur son succès dans l’électrique avec le lancement de la nouvelle BMW iX3, premier modèle de la plate-forme « Neue Klasse » promise pour transformer radicalement la gamme du constructeur bavarois. Cette génération d’iX3 au design audacieux – et qui apparemment ne plait pas à tout le monde – fait la part belle à une technologie de pointe, avec notamment une batterie de 108,7 kWh offrant jusqu’à 800 km d’autonomie WLTP et d’une recharge ultra-rapide (pointes à 400 kW). Mais c’est son architecture qui innove, en embarquant quatre calculateurs « superbrains » qui gèrent l’électronique pour rendre l’auto plus intelligente et évolutive. À bord, l’interface numérique franchit un cap avec le BMW Panoramic iDrive, tandis que la voiture inaugure la charge bidirectionnelle (V2H et V2G). La marque annonce une quarantaine de nouveaux modèles (électriques ou hybrides) d’ici à 2027, tous basés sur cette plate-forme.

Chez Mercedes-Benz, on choisit de mettre en avant le design et le luxe intelligents. La grande attraction est la toute nouvelle GLC électrique. La nouvelle version du SUV milieu de gamme adopte l’incontournable calandre XXL qui semble être de mise chez les Teutons, et une batterie haute capacité (94 kWh) qui lui confère officiellement jusqu’à 714 km d’autonomie WLTP. L’habitacle arbore un incroyable écran panoramique unique (MBUX Hyperscreen) et un logiciel MB.OS piloté par intelligence artificielle. Le constructeur présente aussi la nouvelle génération de la gamme CLA (déjà dévoilée officiellement il y a quelques semaines), en berline et Shooting Brake, disponibles en versions 100 % électriques ou hybrides hautes performances. Plus de 40 nouveaux véhicules électrifiés sont annoncés d’ici 2027.

Chez Audi, pas vraiment de grande nouveauté, mais trois actus qui laissent concrètement entrevoir la direction prise par la marque. Tout d’abord la Concept C, un petit roadster deux places 100 % électrique, qui incarne la nouvelle charte stylistique « clair et technique » et que l’on qualifiera de nouvelle TT, à moins que ce soit la nouvelle… R8. Audi présente également le nouveau Q3 Sportback hybride rechargeable, troisième génération du best-seller compact, enrichi en technologies d’assistance à la conduite et en solutions d’éclairage haut de gamme. Autre annonce, moins flamboyante, mais tout aussi — voire plus — intéressante, celle de l’intégration de technologies Rivian dans les véhicules de la marque. Audi vient, en effet, de confirmer que les éléments issus du partenariat entre le Groupe Volkswagen et Rivian seraient intégrés dans de nouveaux modèles prévus en 2028, et dont les prototypes circulent déjà. Enfin, le patron d’Audi rappelle que la marque a lancé plus de 20 nouveaux modèles depuis 2024 et promet de maintenir cette cadence. L’objectif est de couvrir tous les segments, avec des électriques performants, des hybrides rechargeables et des thermiques ciblés selon les marchés. Autre signe positif, l’Audi Q6 a récemment fait son entrée dans le Top 10 des voitures électriques les plus vendues en Europe.

Enfin, Porsche profite du salon pour dévoiler un peu plus son futur Cayenne électrique, qui bénéficiera pour la première fois de la recharge de la batterie par induction, alors que la gamme Macan EV reçoit déjà une mise à jour visant à améliorer de nombreux points du SUV star de la gamme.

Alors, les constructeurs allemands reprennent-ils la main ? Probablement, mais évitons de nous enflammer, car il reste quand même quelques zones d’ombre dans ce tableau presque idyllique.

D’une part, vous aurez certainement remarqué que les marques en question sont, hormis VW, sur le segment premium, et que par conséquent les modèles en question ne sont pas vraiment donnés. On est donc encore assez loin d’un marché de masse que semblent viser les concurrents asiatiques (Chine et Corée du Sud), voire même les français.

Encore quelques hésitations sur la transition électrique

D’autre part, la concurrence mondiale se fait particulièrement visible à Munich, alors que sur le plan géopolitique, les incertitudes pèsent lourdement. Les tarifs douaniers américains inquiètent, et l’Europe attend la promesse de les ramener à 15 % pour aider ses exportations, alors que les précédents 25 % avaient incité VW et Mercedes à freiner leurs ventes aux États-Unis. Les patrons allemands ont profité du salon pour souligner l’urgence d’un accord commercial transatlantique stable. En parallèle, la réglementation européenne sur le climat est sur la sellette. Plusieurs décisions (renouvellement pour 2035 des objectifs CO₂, restrictions sur les carburants fossiles) inquiètent l’industrie. BMW a publiquement estimé que l’interdiction pure et simple des moteurs thermiques dès 2035 serait une erreur, plaidant plutôt pour des normes de CO₂ couvrant tout le cycle de vie. D’autres dirigeants conseillent de se focaliser sur l’innovation (batteries, hydrogène, carburants alternatifs) plutôt que sur des interdictions secouantes.

Il y a aussi les hésitations et reculades de certains constructeurs – ou en tout cas de leurs dirigeants et porte-parole – qui brouillent quelque peu le message de la détermination à aller résolument vers l’électrique.

Dans le détail, Oliver Zipse, patron de BMW, persiste à défendre la pile à combustible comme plan B stratégique pour l’Europe. BMW mène des essais mondiaux (iX5 Hydrogen) et promet un SUV H₂ de série vers 2028. Cette option multi-tech n’est pas partagée par tous, et certains y voient un tiraillement alors que tous les autres planchent sur le 100% batterie. Le calendrier 2035 marquant la fin des ventes de voitures thermiques fait encore polémique chez les Allemands. Oliver Zipse, toujours lui, n’hésite pas à qualifier cette échéance butoir de « grosse erreur », plaidant pour autoriser les carburants neutres (e-carburants, H₂) après 2035. Même son de cloche chez Mercedes, où Ola Källenius dénonce des objectifs CO₂ « devenus impossibles » sans mesures d’accompagnement. Et même Porsche, via son CFO, admet que le recul du bannissement des moteurs thermiques pourrait devenir inévitable.

Dans ce contexte, nombre de signaux montrent que l’IAA 2025 se présente comme un bon millésime pour l’industrie allemande, avec des annonces qui montrent une offensive ambitieuse sur l’électrique. Reste à chasser les vieux démons de l’industrie automobile européenne, et plus particulièrement allemande, comme cette obsession pour les prix élevés et les options insensées, et cette propension à essayer de faire du neuf avec du vieux. BMW et Mercedes semblent sur la bonne voie, et font même mieux que les concurrents chinois, notamment en termes d’efficience. Un petit effort sur les prix et on sera bien.