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Chassé-croisé en voiture électrique : est-ce vraiment la galère pour recharger sur la plus grosse aire de France ?

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Comme chaque année, nous avons décidé de prendre la tension sur la route des vacances. Nous avons passé une journée sur les populaires aires de Montélimar !

Chaque été, c’est le même scénario : avec une part grandissante de voitures électriques mises en circulation, la crainte d’une interminable attente aux bornes de recharge sur les aires de repos refait surface. Voilà qui anime les débats sur les réseaux sociaux, entre posts moqueurs et clashs. Les pro-électriques (puisqu’ils se font appeler ainsi) se font un malin plaisir de partager des images de stations de recharge vides et de stations-services pleines à craquer, alors que les plus réfractaires, les anti-électriques (puisqu’ils se font appeler ainsi) partagent des images contraires, oubliant qu’ils sont eux aussi coincés entre deux camping-cars sur une aire.

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Pour faire la lumière sur la situation, nous avons décidé de nous rendre sur des aires populaires à cette période. Après une première immersion signée Philippe Schwoerer sur l’aire de la Vendée (A83), nous avons passé une journée sur le mastodonte du genre : l’aire de Montélimar, temple de l’autoroute A7 le plus fréquenté de France, un jour de grands départs, classé noir par Bison Futé. Soit le pire jour de l’année pour rouler.

Montélimar, la capitale du nougat et de la recharge rapide

Située de part et d’autre de l’autoroute A7 et reliée par une passerelle, s’étalant sur plus de 50 hectares au total et accueillant 25 millions de visiteurs par an, l’aire de Montélimar est la plus grande d’Europe. Vinci Autoroutes comptabilise en moyenne 40 000 véhicules par jour, et 300 tonnes de nougat se glissent quotidiennement dans le sac à dos des vacanciers. Idéalement positionnée à mi-distance entre Marseille et Lyon, elle attire aussi bien les amateurs de douceurs que de kilowattheures.

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Pour satisfaire ces derniers, c’est Ionity qui occupe le terrain sur les aires de Montélimar, où l’opérateur allemand enregistre sa plus grosse activité annuelle en France. Après deux premières stations, l’opérateur a décidé d’installer de nouvelles bornes sur les parkings. Désormais, les aires comptent chacune 24 points de recharge, soit un total de 48 prises. Outre les deux bornes tri standards de part et d’autre (CCS 50 kW, CHAdeMO, AC Type 2), on retrouve au total 12 bornes ABB 350 kW de première génération et 12 bornes ABB HP CP500C Gen 4 et 6 bornes Alpitronic. A noter que ces dernières proposent deux « pistolets », permettant donc de diviser par deux le nombre de bornes pour le même nombre de places. Cependant, si elle peuvent offrir un maximum de 400 kW aux rares voitures compatibles, la puissance est divisée par deux (200 kW max. par prise) lorsque deux voitures sont raccordées.

Vers 100 % et au-delà

Alors que la station vit tel un battement de coeur tout au long de la journée, avec des voitures qui vont et viennent, c’est quand le soleil est à son zénith, entre « midi et deux », qu’a eu lieu ce pic de part et d’autre de l’autoroute du Soleil, au même moment où l’autoroute commence à saturer, comme partout ailleurs en France. Bison Futé a compté 1 079 km d’embouteillage dans tout le pays ce samedi 2 août à 12h00 !

Un moment clé où, une fois encore, ce ne sont pas tant les batteries que les estomacs qui crient famine. Voilà un des vrais problèmes lors des grands départs. Car si nous avons effectivement rencontré de très rares automobilistes jouant avec la quasi intégralité de leur jauge en se raccordant avec moins de 15 % restants le matin, la quasi majorité des conducteurs ont branché leur voiture à plus de 50 %, pour des ravitaillements jusqu’à… 100 %.

Inutile ? Absolument. « Mais pourquoi je m’en priverais ? » Voilà ce qui est dit aux Gilets Bleus qui attirent l’attention des conducteurs sur leur pratique. Voilà qui suffit à souligner l’état d’esprit des conducteurs qui, du moment que la voiture est branchée, même à 99 % avec une puissance résiduelle ridiculement basse, sont dans leur bon droit.

Même chose pour ceux qui monopolisent les bornes tri-standard pour une recharge d’appoint avec la prise CCS 50 kW : la recharge n’est pas nécessaire (taux de charge des voitures supérieur à 50 %) et lente. Les conducteurs en sont conscients, et s’en justifient en invoquant leur droit. Reste que cela monopolise les seuls accès aux prises CHAdeMO qui feraient le bonheur des conducteurs de Nissan Leaf, entre autres, qui passeraient par là. Nous n’en avons vu aucun ce jour là.

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Aucun conducteur nous a précisé sa feuille de route. Mais une chose est sûre : nos expériences passées ont démontré que les automobilistes s’arrêtent très régulièrement. En cause, des incessants bouchons, avec une vitesse moyenne digne d’un escargot asthmatique. Au final, les occupants peuvent atteindre leur limite avant même d’avoir pu parcourir une centaine de kilomètres. Et tant qu’à s’arrêter, autant prendre une borne, surtout qu’elle garantit une place de parking à deux pas des boutiques, tant qu’on est branché.

Des places convoitées

Des places de choix, presque VIP, qui attisent les convoitises. D’un côté, bien sûr, les utilisateurs de voitures thermiques ou hybrides non-rechargeables sont toujours tentés de venir squatter ces places. D’abord par facilité (les bornes font partie des premières places dans le sens de circulation) et par fainéantise (l’économie de pas quotidiens pour aller acheter du nougat est visiblement importante). Preuve en est avec ce conducteur de van aménagé, prêt à abandonner son véhicule garé en diagonale sur deux places, mais rapidement réorienté par Jean-Marc, le Gilet Bleu en chef du jour.

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Mais parfois, c’est non sans un malin plaisir. Voilà qui emmène parfois rapidement à des échanges virulents, voire insultants, à la limite de la confrontation physique, lorsque certains conducteurs sont invités à libérer la place. Arrive alors la seconde question rhétorique habillée d’arrogance des deux camps : « qu’est-ce que je risque ? ». Spoiler Alert : absolument rien ! Ni pour le portefeuille depuis l’abandon de la recharge à la minute ou des pénalités après un temps donné de recharge, comme chez Total Energies par exemple. Ni pour les voitures garées sur ces places sans recharger.

Car si la loi est effectivement assez claire à ce sujet, avec une amende forfaitaire de 35 €, les contrôles sont extrêmement rares, pour ne pas dire inexistants, sur les aires de repos. Mais cela est un pari coûteux pour les contrevenants, puisque les forces de l’ordre, logiquement plus soucieuses du respect des places dédiées aux personnes à mobilité réduite, patrouillent sur les aires. D’un côté comme de l’autre, donc, la perspective de ne pas être inquiétés pécuniairement permet à certains de dépasser les limites de la bienséance.

Jusqu’à dix minutes d’attente aux bornes de recharge

Malgré ces comportements, l’attente avant de pouvoir accéder à une prise n’a jamais dépassé, là, les limites de l’acceptable. Nous n’avons pas pu établir une véritable statistique, mais jamais plus de quatre voitures ont dû attendre simultanément (nous avons étonnamment enregistré ce chiffre à 10 h 30). Aussi, nous n’avons jamais chronométré une attente supérieure à dix minutes. Cette fluidité s’explique par plusieurs facteurs.

D’une part, on peut y voir ici les effets d’un trafic plutôt timide cette année, un constat au doigt mouillé toutefois confirmée, chiffres d’affaires à l’appui, par les commerçants du sud de la France. Mais d’autre part, cela est aussi le fruit des Gilets Bleus, diligentés par Vinci Autoroutes, représentés ce jour par le couple Dionnet, dont Jean-Marc, directeur de l’antenne Auvergne-Rhône-Alpes de l’association e-France Café, qui orientent, conseillent et parfois recardent gentiment les plus téméraires.

Comme toujours, si ces bénévoles n’ont pas l’autorisation de s’occuper des voitures des clients comme le ferait un voiturier, ils veillent au grain dès qu’un conducteur est tenté de réduire la distance qui le sépare des commodités. En revanche, pas sûr que cela pousse certains automobilistes à se préoccuper davantage du taux de charge de leur voiture.

Nous avons comptabilisé beaucoup trop de voitures avec un taux de charge plus que suffisant pour aller se jeter dans les bouchons de l’A7 : d’après notre enquête terrain réalisée l’an dernier, les voitures consommeraient en moyenne près de 14 kWh/100 km dans ces conditions de roulage. Ainsi, ce Renault Scenic e-Tech débranché à 100 % pourrait ainsi tenir la charge sur 560 km, soit 9 h de route à travers les bouchons… Et dans des conditions normales de circulation sur autoroute, cela correspondrait à un rayon de 330 km avant de viser une autre borne.

L’instinct du moindre effort

Contrairement à certains discours des réseaux sociaux, nous ne ferons pas de cette faible attente une généralité. Il peut exister des moments et des zones où l’attente est plus longue. On pense à l’aire de Saint Rambert d’Albon, plus au nord sur l’A7, elle aussi plébiscitée et uniquement équipée de huit points de recharge rapide (hors tri-standard). Même chose avec la station Ionity de Montélimar Est 2, complètement vide à midi, mais entièrement pleine 15 minutes plus tard. Il n’en demeure pas moins que la crise tant redoutée, sur l’aire la plus fréquentée de France et le pire jour de l’année, n’a pas eu lieu grâce à une très bonne gestion des flux.

Au terme de cette journée, les conclusions sont identiques aux années précédentes. La voiture électrique n’est pas plus contraignante qu’une voiture thermique dans ces conditions de roulage. Surtout, ce n’est sûrement pas la technologie ni le maillage du réseau de recharge qui est la cause des congestions, mais seulement les comportements humains qui, hélas, doivent toujours être corrigés par des personnes tierces.

Car l’instinct du moindre effort ne concerne pas seulement les conducteurs de voitures thermiques, comme nous l’avons constaté à l’aire de Montélimar Ouest. De nombreux conducteurs de voitures électriques ont préféré attendre qu’une place se libère à la station Ouest 2, à deux pas des commerces, plutôt que d’imaginer faire quelques pas de plus avec les bornes situées un peu plus loin sur l’aire. Et ce malgré les indications des Gilets Bleus. L’humain est absolument stupéfiant !

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