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Entre autres co-auteur du 6e rapport du Giec, François Gemenne était l’un des trois invités du club de réflexion EcoGreen Energy en marge du challenge de sobriété aux énergies nouvelles. Son message principal se veut positif : « Nous avons aujourd’hui toutes les connaissances, les technologies et les moyens financiers pour limiter le réchauffement climatique ».
Une des volontés de Patrice Merhand, à la tête de l’organisation de l’EcoGreen, est que l’événement compte deux parties qui tendent à se compléter. La première est un challenge de sobriété où des élèves ingénieurs, d’enseignement supérieur, de lycées et de collèges viennent chercher à établir de nouveaux records avec des engins minimalistes fonctionnant au bioGNV, à l’hydrogène vert et à l’électricité. Pour la seconde partie, un espace de réflexion est proposé en particulier à des chefs d’entreprises pour les accompagner dans la décarbonation de leurs flottes.
Jusqu’à l’année dernière, il s’agissait d’un forum où différents intervenants s’exprimaient, chacun sous un angle différent, principalement sur le transport lourd. Nouvelle formule en 2025 avec le Club EcoGreen Energy qui s’est déroulé tout à proximité des stands où les équipes préparaient encore leurs véhicules, dans l’enceinte du circuit automobile de Fay-de-Bretagne (44).
Le temps d’un déjeuner, cent dix personnes dont une majorité de dirigeants de sociétés ont écouté Pierre Fillon, président de l’ACO en charge des 24 Heures du Mans, Brieuc Drouhot du CRMT venu présenter un autocar scolaire diesel Euro 6 rétrofité au bioGNV (dans un prochain article), et François Gemenne, climatologue, professeur à HEC Paris, chercheur FNRS de l’université de Liège, et bien d’autres responsabilités.
Chiffrant à 89 % les personnes qui dans le monde sont convaincues du dérèglement climatique et souhaitent la mise en place d’actions pour en limiter les conséquences, le conférencier a assuré que le scénario catastrophe à +4° C ne serait plus d’actualité. Mais on peut oublier aussi le plus optimiste où l’élévation de la température sur la planète se stabiliserait sous les 2° C : « Nous en sommes pour le moment à +1,3° C, et pas vraiment sur une bonne trajectoire. Nous pourrions obtenir une limite à 2,72° C ».
À lire aussiCe qui suppose de ne pas relâcher nos efforts, en particulier concernant la mobilité : « C’est à notre portée, et dans notre intérêt. Les transports, c’est le plus gros poste émetteur CO2 en France, 34 %. Là-dedans, la route pèse 94 %, et 55 % des émissions sont causées par les véhicules individuels. Si nous n’arrivons pas à décarboner le transport, nous ne parviendrons pas à atteindre les objectifs ».
Pas question pour lui de rester chacun chez soi, car ce serait aller « à l’encontre de nos besoins affectifs, intellectuels, culturels et économiques ». Il s’agit plutôt d’exploiter diverses solutions s’appuyant sur un véritable mix énergétique : « Électrique à batterie, hydrogène et bioGNV, il faut les déployer à grande échelle ». Globalement, en matière d’énergie, « nous commettrions une erreur de mettre tous nos œufs dans le même panier ».
Si tant de personnes à travers le monde souhaitent des actions pour limiter le dérèglement climatique, pourquoi, à l’échelle individuelle en France, ils sont encore si nombreux à s’accrocher à l’essence et au gazole ? « De plus en plus de travaux en sciences comportementales montrent que les gens ont besoin de trouver de l’intérêt pour changer. Passer à l’électrique suppose donc que les VE soient meilleures et plus performantes ».
L’actuel succès du vélo de la part d’automobilistes qui laissent leur voiture au garage s’explique de la même manière : « Ce n’est pas pour réduire leur empreinte carbone qu’ils le font pour la plupart, mais pour améliorer leur santé, faire des économies ou impressionner la collègue de bureau avec laquelle ils veulent sortir ».
Réussir le virage de la mobilité durable, c’est donc « faire la démonstration que c’est dans l’intérêt des gens de l’adopter ». Ce qui nécessite de démonter les infox : « La plus grande menace qui pèse sur la société, c’est la désinformation. Avec l’automobile électrique, par exemple, ce serait aller vers moins de confort et moins de performance alors que c’est tout le contraire. Ça, on peut, par exemple, le montrer à travers le sport automobile ».
François Gemenne a comparé cette situation avec celles des Parisiens qui ont regretté d’avoir quitté la capitale lors des Jeux olympiques pensant que cet événement « serait la cata de la décennie » : « Quinze minutes après le lancement de la cérémonie d’ouverture, tout le monde a compris que ce serait une réussite. Pour que l’état d’esprit des gens change, il faut qu’ils puissent toucher du doigt. Ce qui leur apparaît comme une contrainte doit finir par être perçu comme un intérêt individuel et collectif ».
Comme nous pouvons le lire de temps à autre dans les commentaires sur Automobile Propre, les efforts faits à l’échelle de la France pour la décarbonation seraient peu utiles face à de grands pays dont les émissions de CO2 sont très volumineuses : « Il y a des gouvernements qui ne veulent désormais plus respecter leurs engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris. Cependant, de grands pays font aussi beaucoup pour réduire leur empreinte carbone ».
Le climatologue en a cité deux en particulier, l’Inde et la Chine : « On ne soupçonne pas leur implication pour la décarbonation. Au niveau mondial, le montant total des investissements dans les énergies renouvelables a été en 2024 de 2 000 milliards de dollars. Avec 1 300 milliards à elle seule, la Chine a investi deux fois plus que le reste du monde entier. Toutes nos hésitations du moment, c’est du temps que l’on perd ».
En France, la proportion de climato-sceptiques serait très élevée : « En comptant ceux qui estiment que les actions entreprises ne peuvent influer positivement sur le climat, ils sont entre 30 et 40 %, se classant en trois catégories. Ceux qui pensent que le changement climatique, c’est un grand complot et que tout le monde ment sont minoritaires et définitivement perdus pour la cause climatique ».
Les raisons qui amènent les autres au climato-scepticisme sont plus complexes. Les plus nombreux estiment que la transition énergétique « est socialement pénalisante, ce qui provoque un rejet en bloc de la science pour des raisons politiques ». Ceux qui restent ont « des inspirations sociologiques : ils ne se reconnaissent pas dans les discours en faveur du climat véhiculés par les médias ».
En matière de voitures électriques, les marques françaises sont confrontées à l’arrivée des modèles électriques chinois : « Les voitures chinoises étaient complètements inconnues chez nous il y a encore trois ou quatre ans. S’il y a un déficit de compétitivité de Renault et Stellantis, ce n’est pas tant en raison du coût du travail que du prix de l’électricité qui est quatre fois plus cher qu’en Chine ».
Ce qui pousse la France à se désengluer des énergies fossiles : « Nous n’avons pas de pétrole, presque plus de charbon, pas beaucoup de gaz naturel. Nous n’aurons pas de prix d’ami de la part des pays fournisseurs ».
À lire aussiPour regagner en compétitivité et en souveraineté aussi bien en France qu’en Europe, il faut « être conscients de nos atouts et encourager les innovations dans les entreprises ». Selon François Gemenne, pour être abondante et couvrir les besoins qui ne cesseront d’augmenter, l’énergie doit faire l’objet « d’une stratégie à l’échelle européenne, et non de 27 stratégies nationales toutes différentes et mal connectées ».
Où le climatologue pense-t-il trouver les finances nécessaires aux actions contre le dérèglement climatique alors que les caisses de l’État semblent vidées ? « Arrêtons de nous imaginer plus pauvres que nous le sommes ! Il y a en France entre 6 000 et 8 000 milliards d’euros d’épargne. Permettons aux Français d’investir dans les énergies renouvelables. Ils seraient contents de savoir que leur épargne leur rapporte tout en servant les entreprises locales ».
Donald Trump étant très présent dans l’actualité du fait de ses décisions souvent très discutables, François Gemenne ne pouvait pas passer à côté : « Son comportement, c’est dommage et ça envoie de mauvais signaux aux investisseurs qui ont besoin de visibilité et de stabilité sur le long terme au niveau législatif et des prix des énergies ».
Et Elon Musk ? « On se désole aujourd’hui de son influence, mais sa personnalité fascine en Europe. Tesla représente la plus importante capitalisation au monde pour un constructeur automobile. Si vous avez un peu d’épargne à la banque, vous avez très certainement sans le savoir des parts de Tesla ».
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