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Autoroutes : cette fausse bonne idée qui peut nous coûter cher

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Image Vinci Autoroutes

Recharger en roulant, quelle bonne idée ! Mais cela demande des milliards d’investissement. De quoi rendre l’idée moins bonne pour notre râleur en chef…

En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées. Et de l’électricité. Un constat rassurant quand on pense que l’avenir du transport routier est électrique !

Reste que les idées sont parfois curieuses. Prenez celle de cette start-up tricolore, Far-a-day, qui a une solution originale pour prolonger l’autonomie de votre voiture électrique : une petite remorque qui embarque une batterie de 60 kWh, de quoi gagner 300 km.

L’intérêt du système est de pouvoir gagner cette autonomie en peu de temps. On prend la remorque dans une station dédiée sur un axe rapide, on la laisse dans une autre. Les opérations ne prennent que quelques minutes. Sur le papier, on peut se dire que l’idée n’est pas si bête.

Elle se base sur l’EP-Tender, une innovation annoncée en… 2012. A l’époque, une Renault Zoé avait à peine 150 km d’autonomie réelle. Depuis, le marché de l’électrique a changé, avec de réels progrès sur l’autonomie et la recharge. Il devient donc plus aisé de faire de longues distances, même s’il est vrai qu’il faudra faire une pause à la borne de recharge. Mais sur un long trajet, il faut savoir s’arrêter, c’est une question de sécurité routière.

Certains verront toujours une utilité à cette remorque car il y a encore sur nos routes une première génération de véhicules électriques à l’autonomie limitée, mais aussi des nouveautés à l’autonomie un peu juste, comme la nouvelle Renault 4.

Il m’est toutefois impossible de penser que si l’idée était si bonne, voilà un moment qu’elle aurait vu le jour. Cela fait 13 ans qu’on nous la promet et que rien n’est encore en place. Les investisseurs ne se sont visiblement pas bousculés pour sauver le projet EP-Tender, les constructeurs ne se sont pas alliés, les Chinois ne l’ont même pas copiée. Si l’idée n’a pas encore percé, ce n’est peut-être pas un hasard. A un moment, on fait son deuil et on passe à autre chose ? Déjà qu’aucun réseau d’échange de batteries n’a vu le jour en France…

Une énième promesse de lancement est quand même promise pour 2026, sur l’axe Paris-Bordeaux, avec l’A10. Une autoroute qui aimante décidément les idées curieuses (foireuses ?). C’est en effet là que Vinci teste avec des partenaires la « recharge dynamique par induction ». Là encore, une belle idée sur le papier : on recharge tout simplement en roulant !

Après des tests en laboratoire, des essais sur site fermé et des travaux sur l’A10, le projet est entré récemment dans une nouvelle  phase avec le roulage sur autoroute de véhicules prototypes (un poids lourd, un véhicule utilitaire, une voiture et un bus). Le test sur une portion de 1,5 km est déjà concluant, puisque le camion a eu des pics de recharge à 300 kW.

Pour Vinci, « cette solution permettrait de réduire considérablement la taille des batteries des véhicules ». De quoi donc améliorer le bilan carbone des véhicules, réduire le besoin en matières premières ou baisser le temps d’arrêt pour une recharge.

Mais est-ce vraiment utile ? L’argument de pouvoir réduire la taille des batteries me laisse déjà perplexe. Voitures et camions ne roulent pas que sur des autoroutes. On a donc besoin de garder une autonomie intéressante pour des axes où il ne sera jamais possible de charger en roulant.

Le temps aussi de déployer un tel système, ce qui prendra des années, nos véhicules se seront encore améliorés, notamment en temps de recharge à une borne. Certes, charger en roulant permet d’éviter cette étape. Mais le système est surtout taillé pour des camions, qui légalement sont obligés de s’arrêter pour faire des pauses, où ils pourraient recharger.

On me parle alors du souci que peut représenter le nombre de bornes sur les aires. Mais on est encore loin du moment où cela coince pour cet aspect. Faut-il alors se lancer dans des travaux routiers qui pourraient s’avérer trop coûteux au regard de leur utilité ?

Car ce que Vinci met moins en avant dans sa communication, c’est le coût. Pour ce système, il faut refaire toute la chaussée, dans laquelle on intègre des bobines générant un champ électromagnétique, qui alimente des récepteurs placés sous les véhicules.

Dans le Parisien, le directeur de Vinci indiquait que l’Etat souhaite équiper 9 000 km d’autoroute. Coût estimé ? 36 milliards d’euros de travaux. Qui payerait ? Personne ne sait encore. Et c’est cet aspect qui commence à me faire dire qu’on part sur une mauvaise idée.

On imagine que les utilisateurs paieront le service, comme on paie à une borne de recharge. Mais alors que ce sont surtout les camions qui sont visés, on peut déjà se poser la question d’une répercussion sur les prix des péages pour tous afin de régler la note. Je n’oublie pas au passage que les camionneurs quittent déjà facilement l’autoroute pour éviter les péages !

Les concessionnaires d’autoroutes doivent saliver face à cette idée. Quand on leur demande de faire des travaux, ils sont toujours gagnants à la fin ! En fins négociateurs, ils obtiennent en échange une compensation.

Souvenez-vous, en 2017, un plan d’investissements a été négocié entre le gouvernement de l’époque et les sociétés d’autoroute. 800 millions de travaux, avec en contrepartie des hausses de péage de 0,15 à 0,45 % sur trois années. Des augmentations juste pour ces travaux, qui se sont donc additionnées à celles déjà négociées. Imaginez donc ce que cela peut donner si on demande 36 milliards de dépenses rien que pour de la recharge par induction.

Toutefois, en ce moment, les concessionnaires font profil bas. On les a même presque applaudis il y a quelques jours quand ils ont annoncé que les hausses prévues en 2026 seront faibles, avec une moyenne de seulement 0,86 %.

Tu m’étonnes. On entre dans une période critique pour ces entreprises, avec la fin des premiers contrats de concession. Un nouveau processus va être lancé avec l’Etat. Alors quand on veut conserver un juteux business, on se fait mieux voir. Un peu comme ces maires qui ont curieusement eu la main très légère sur les impôts locaux cette année. Il n’y aurait pas des élections à venir en mars ?

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