Dans les problèmes de pollution, émissions de gaz à effet de serre, et santé dus aux transports, les voitures particulières ne sont pas les seules en cause. Les poids lourds sont également concernés. D’autant plus que nombre d’entreprises comptent sur leur verdissement pour afficher des bilans carbone à la baisse. Sur quelles pistes travaillent les constructeurs ? 

Les camions électriques à batterie

Usages

Aujourd’hui et pour encore quelques années, les camions électriques à batterie sont avant tout perçus comme des modèles offrant la possibilité d’évoluer dans les zones concernées par des restrictions de circulation afin de contrer la pollution par les gaz d’échappement et le bruit.

C’est pourquoi ils apparaissent comme les champions pour ravitailler les grandes villes depuis les plateformes logistiques en périphérie. Un rôle qui convient à leur autonomie rarement au-dessus de 250 km

Toutefois, des modèles sont déjà annoncés avec des rayons d’action bien plus importants.

Chez les spécialistes de l’électrique à batterie

Parmi les constructeurs spécialisés dans l’électrique, 3 s’activent à proposer des camions électriques à batteries : BYD, Tesla et Nikola.

Pour le chinois BYD, déjà implanté en France près de Beauvais avec une usine dédiée à l’assemblage d’autobus électriques, les poids lourds branchés sont une réalité depuis quelques années déjà. Il y a un an, BYD se réjouissait d’avoir déjà lancé sur les routes plus de 12 000 camions électriques de différents tonnages. Son tracteur routier 8TT, disposant d’une autonomie de l’ordre de 200 km obtenue d’un pack lithium-ion 400 kWh en alimentation d’un moteur 360 kW pour 2 400 Nm de couple, est le modèle qui se répand le plus aux États-Unis depuis 2019. En Europe, le constructeur chinois propose déjà des porteurs et engins logistiques.

La réplique américaine tarde à arriver. Le Semi de Tesla présenté en novembre 2017 a pris du retard. Au mieux, il serait lancé sur les routes américaines à la fin de la présente année 2021, avec une autonomie qui varierait de 500 à 1 000 km en fonction du pack choisi.

Son concurrent direct Nikola devait aussi livrer sur le territoire ses premiers tracteurs routiers électriques TRE à batterie (480 km d’autonomie avec le pack 750 kWh) dans le courant de l’année aux États-Unis avant de servir l’Europe. Mais la marque est dans la tourmente depuis l’année dernière en raison des diverses accusations qui ont amené son président fondateur, Trevor Milton, à démissionner. S’y ajoute l’annulation d’une commande de 5 000 bennes à ordures électriques annoncée en décembre dernier. Nikola semble toujours vouloir se repositionner sur des modèles à pile hydrogène.

Les marques historiques

Parfois sans trop faire de bruit, les constructeurs historiques de poids lourds développent, testent en situations réelles avec des clients, et commercialisent des camions électriques. En Europe, Daimler avec sa marque Mercedes-Benz, Renault, Daf, Volvo et Scania ont déjà des modèles à leurs catalogues.

Mercedes travaille sur les camions électriques à batterie depuis des années. En test chez différents clients européens, le porteur eActros 25-26 tonnes passe à la phase de commercialisation en 2021 avec une autonomie de 200 km tirée d’un pack lithium-ion 240 kWh qui apporte son énergie à 2 moteurs de chacun 126 kW de puissance pour un couple maximal de 485 Nm. Pour répondre aux besoins des sociétés de fret, le constructeur compte ajouter dès 2024 une déclinaison eActros LongHaul bénéficiant d’un rayon d’action de 500 km. La recharge pourrait alors s’effectuer dans les 45 minutes de pause obligatoire après 4 heures et demie de route.

Plus particulièrement conçus pour les livraisons urbaines, des porteurs électriques sont proposés aussi chez Renault Trucks (modèle D Z.E., autonomie jusque 300 km, batterie lithium-ion 200 ou 300 kWh, 1 moteur 185 kW, couple maximal 425 Nm), Scania (25 P/L, 250 km, batterie lithium-ion 315 kWh, 1 moteur 295 kW, couple maximal 2 200 Nm), Daf Trucks (CF Electric Porteur FAN, 220 km, batterie lithium-ion 315 kWh, 1 moteur 210 kW, couple maximal 2 000 Nm), Volvo Trucks (FE Electric, 200 km, batterie lithium-ion 200 kWh, 1 moteur 400 kW, couple maximal 850 Nm / FL Electric, 300 km, batterie lithium-ion 300 kWh, 1 moteur 70 ou 100 kW, couple maximal 240 ou 530 Nm).

Renault Trucks décline son D Z.E. en bennes de collecte des déchets D WIDE Z.E. Pour cet usage l’autonomie tombe à 120 km avec le pack 200 kWh qui alimente cette fois 2 moteurs électriques pour une puissance maximale de 370 kW et 850 Nm de couple. En 2022, Mercedes en fera de même avec un eActros à cabine basse baptisé eEconic et destiné au ramassage des ordures et aux travaux de voirie. Chez Daf Trucks, le CF Electric existe aussi en tracteur routier FT avec le même groupe motopropulseur. Avec des essais déjà en cours chez quelques clients et des commandes ouvertes dans le courant de l’année, Volvo Trucks a déjà annoncé étendre sa gamme branchée avec les modèles FH (tracteur routier), FM et FMX qui ciblent plus particulièrement le transport régional et les chantiers en zones urbaines et périurbaines.

Les camions électriques à pile hydrogène

Usages

Si plusieurs constructeurs travaillent sur des camions électriques dont les moteurs sont alimentés en électricité via des piles à hydrogène, c’est pour que les transporteurs et les conducteurs bénéficient à la fois du silence de fonctionnement, d’une autonomie proche de celle des modèles diesel, et d’une rapidité de ravitaillement que les batteries n’offrent pas encore.

Ces engins seraient donc plus particulièrement exploités pour des acheminements à moyennes et longues distances.

Ce qui rend cette piste aussi désirable pour la filière H2, c’est l’émergence de l’hydrogène vert qui soutiendrait le développement des énergies renouvelables intermittentes et participerait à équilibrer le réseau électrique.

Le pari de Hyundai

Ce n’est curieusement pas un constructeur connu pour ses poids lourds qui est en train de s’ouvrir les portes du marché à peine émergent des camions hydrogène. Mais Hyundai, dont le SUV ix35 Fuel Cell est inscrit dans l’histoire comme première voiture hydrogène du monde à être produite en série.

Le porteur 37 tonnes XCient développé dans le cadre d’une coentreprise créée avec le fournisseur suisse de piles à combustible H2 Energy, est déjà livrable, avec un carnet de commandes qui se remplit : 1 600 exemplaires pour la Suisse en 2025 avec les premiers mis en service fin septembre dernier, 4 000 unités pour la Chine à la même échéance, une expérimentation aux États-Unis qui débouchera sur une commercialisation officielle en 2022 outre-Atlantique.

L’engin dispose d’une autonomie d’environ 400 km grâce aux 32 kilos d’hydrogène qu’il embarque pour alimenter 2 piles à combustible en amont d’un moteur électrique 350 kW.

Hyundai travaille également sur un tracteur routier issu du concept HDC-6 Neptune, doté d’un rayon d’action de l’ordre de 1 000 km grâce à ses réservoirs haute capacité en hydrogène liquide. D’ici 2030, le constructeur coréen a prévu d’exporter 64 000 camions H2 à travers le monde.

Un concurrent direct chez Mercedes ?

Le futur tracteur routier de Hyundai pourrait bien rencontrer rapidement un concurrent chez Daimler. Pour l’instant, le Mercedes GenH2 Truck qui vient d’être présenté n’est qu’un prototype, mais des essais en situations réelles chez des clients sont programmés en 2023.

Comme le camion coréen, l’engin affiche une autonomie de 1 000 km obtenue d’hydrogène liquide. Le constructeur allemand a déjà fourni quelques précisions techniques pour ce 40 tonnes doté d’une charge utile de 25 t. Ses 2 moteurs électriques de chacun 230 kW de puissance développeront un couple maximal de 1 557 Nm. Les 2 piles à combustible 150 kW seront soutenues par une batterie de 70 kWh de capacité énergétique.

Le modèle commercialisable serait lancé entre 2025 et 2029. Récompensé du titre de « Truck Innovation Award 2021 » (Prix de l’innovation du camion 2021) par le jury de l’International Truck of the Year, son cahier des charges impose qu’il rende aux transporteurs le même niveau de service que le modèle diesel Actros actuellement au catalogue chez Mercedes.

L’incertitude chez Nikola

Une des principales raisons du départ de Trevor Milton serait ses fausses déclarations au sujet de ses camions à pile hydrogène. La communication est depuis assez floue chez Nikola, au point que les médias finissent par s’y perdre, certains présentant par exemple le modèle TRE comme un 100 % électrique à batterie et d’autres comme un engin équipé d’une motorisation à PAC H2.

Alors que la valeur en bourse du titre NKLA reste au plus bas, le tracteur routier équipé de pile hydrogène est toujours annoncé par le service de communication comme devant être produit à l’usine de Coolidge, en Arizona, à partir de 2023. Le Nikola TWO bénéficierait d’une autonomie de l’ordre de 1 200 km, embarquant une batterie lithium-ion tampon de 250 kWh de capacité énergétique. Ce camion offrirait une puissance maximale de 750 kW, pour un couple de 2 700 Nm.

Les camions GNV

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En matière de mobilité durable pour le transport de fret, c’est aujourd’hui la piste du gaz naturel qui est la plus développée et la plus mature. Parfois sous la pression de leurs clients les plus importants issus de la grande distribution, plusieurs gros transporteurs ont décidé des constructeurs de poids lourds, des concepteurs de stations d’avitaillement et différentes sociétés privées, publiques ou mixtes à se réunir pour booster la filière GNV.

Il s’agissait de mettre en place le plus rapidement possible une solution bas carbone et moins polluante qui ne change pas trop les habitudes en matière de charge utile, rapidité et simplicité de remplissage des réservoirs, et conduite.

Compressé, le gaz naturel nommé « GNC » permet d’assurer des tournées locales et régionales de l’ordre de 500 km sans faire le plein en carburant. Lorsqu’il est exploité à l’état liquide, le GNV, appelé « GNL », offre des rayons d’action supérieurs à 1 000 km, compatibles avec les transports à longue distance.

L’avenir est au biogaz obtenu de la méthanisation de déchets valorisés (ordures ménagères, résidus alimentaires et agricoles). L’économie circulaire qu’il est ainsi possible de mettre en place au niveau local s’illustre par les camions-bennes dont les moteurs sont alimentés avec le bioGNV produit en incinérateur par les ordures collectées.

Iveco et Scania en leaders

Plusieurs constructeurs de poids lourds sont devenus des spécialistes de la motorisation au gaz naturel. Les transporteurs disposant de flottes GNV citent le plus souvent Iveco et Scania comme étant les marques les plus impliquées à leurs côtés.

Chez le premier, le Stralis joue un peu le rôle de couteau suisse en étant proposé en tracteur routier, porteur et benne à ordures ménagères, aussi bien avec des moteurs GNC que GNL. Il a d’ailleurs été adopté en particulier par la société de transport Jacky Perrenot qui lui a réservé une place de choix dans sa flotte de quelque 600 camions GNV en 2021 pour l’Hexagone.

Au catalogue de Scania, c’est le tracteur G 340 qui assure les acheminements à longue distance avec un bloc fonctionnant au gaz naturel liquéfié.

Principaux concurrents

Deux marques concurrencent activement Iveco et Scania. Volvo joue plus particulièrement la carte des transports longues distances avec ses tracteurs routiers FH et FM au GNL. Mercedes a décliné son porteur Actros au GNC. Les constructeurs savent aussi adapter dans un délai raisonnable leurs offres en fonction des besoins de leurs clients.

Du fait de divers projets en France associant une production de biogaz obtenue de déchets ménagers à une flotte de bennes de collecte pouvant fonctionner avec ce produit, les BOM (bennes à ordures ménagères) bénéficient d’une offre assez large. En plus de l’Iveco Stralis déjà cité, et de quelques adaptations maison de la part de Scania, Volvo, Mercedes et Renault ont ainsi décliné respectivement leurs modèles FE, Econic et D Wide.