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Certains sujets traités dans Automobile Propre viennent de sollicitations déposées via le formulaire disponible sur le site. C’est ainsi qu’AlternMobil a souhaité se présenter à nous. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que la rencontre, même par téléphone, était franchement passionnante. En quelques mots : SCIC, insertion professionnelle, VAE, utilitaires électriques, hydrogène, énergies renouvelables, Enercoop…

SCIC branchée

alternmobil-logoCréée en 2008 au départ autour d’un service de vélo taxi, la société AlternMobil, aujourd’hui présente à Toulouse (31), Montpellier (34) et Nice (06), a particulièrement diversifié son activité : messagerie en sous-traitance avec des véhicules électriques (du VAE au fourgon), support publicitaire, distributeur de VE, accompagnement à l’insertion professionnelle, structure pilote, etc.

L’on est déjà interpellé par le type même de l’entreprise. C’est une SCIC. C’est à dire une société coopérative d’intérêt collectif. Parmi ses associés d’aujourd’hui et de demain, des salariés de l’entreprise en CDI depuis plus d’un an, la collectivité de Toulouse Métropole, des entreprises, des particuliers, etc. Même pas 10 ans d’existence mais un parcours déjà très riche en expériences très diverses.

Un parc très électrique

La flotte d’lternMobil est composée de véhicules des plus hétéroclites. Elle compte à ce jour de petits utilitaires carrossés en fourgon : 4 G3 et 5 G5 de Goupil, 3 Mega, 1 Helem Colibus, et 2 Esagono Energia Golia (3 et 6 M3). S’y ajoutent une Mia utilitaire toujours en service, un Renault Kangoo ZE de 2011 ayant déjà dépassé les 100.000 kilomètres, et 6 Nissan e-NV200.

c-marcerou« Le Kangoo est moins bien positionné par rapport au e-NV200 en ce qui concerne nos besoins ; il y a déjà la question de la location de la batterie, mais aussi le volume utile qui oblige à prendre le fourgon Maxi », commente Cyril Marcerou, fondateur et gérant d’AlternMobil (photo ci-contre). Au service de la direction, la Nissan Leaf est plus imposante que les vélos taxis de la marque allemande veloform, le scooter électrique Artelec, ou les triporteurs et biporteurs du parc de la SCIC. Ces derniers ne sont pas de simples vélos avec un top case, mais bien des deux-roues avec une volumineuse caisse entre le cycliste et la roue avant.

A 2 ou 3 roues, ces engins ne disposent pas tous de l’assistance électrique. « Sur de tels véhicules, le dispositif d’assistance est trop fragile, du fait d’un manque de puissance par rapport aux charges transportées, si on respecte la législation », plaide Cyril Marcerou. Il y a quelques années, AlternMobil livrait aussi avec des Diabline récupérées de la RATP et des Mooville de Muses.

Vélo taxi

Cyril Marcerou explique : « A l’ouverture de la société, le transport en vélo taxi à assistance électrique était proposé toute l’année, avec une facturation d’1 euro le kilomètre. Un tarif permis grâce aux revenus de la publicité ».

A vide, les vélos taxis sont placés dans des lieux où ils se remarquent, comme la place Jeanne-d’Arc ou celle du Capitale à Toulouse, afin que les annonces soient visibles par le plus grand nombre de personnes. Huit ans après, il n’en coûte pas davantage aux passagers, sauf que l’activité a été réduite à l’été et aux seules visites de la ville. La raison ? Cyril Marcerou nous la révèle : « Avant, nous proposions aussi de transporter les personnes âgées chez le médecin ou sur les lieux de leurs activités, par exemple. Mais la concurrence, principalement formée d’auto-entrepreneurs ou de personnes pratiquant dans l’illégalité, ne nous permettait pas de continuer. D’autant plus que les annonceurs se sont recentrés sur des supports plus classiques, comme la presse papier ou Internet ».

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A Nice et Toulouse, où perdure le service, chaque chauffeur de vélo taxi est capable de proposer plusieurs itinéraires différents pour la visite, en fonction de sa propre perception de sa ville. « Il peut emmener les visiteurs dans les quartiers qu’il préfère, présenter des circuits aménageables qui font le tour des églises ou des fontaines, en accord avec eux ». Cette activité est référencée dans les offices du tourisme. « Les personnes intéressées nous contactent pour fixer un rendez-vous et le chauffeur les récupère le jour convenu en un lieu facilement identifiable, comme devant l’office du tourisme ou à une sortie de métro”.

Insertion

« Plusieurs personnes peuvent se relayer dans la journée au guidon d’un vélo taxi, tout comme un salarié peut enchaîner différente activités », souligne Cyril Marcerou. « Cette diversité amène AlternMobil à avoir une grande amplitude horaire, de 5 à 21 heures ».

Sur les 54 salariés, 8 sont actuellement en insertion. « Nous ne communiquons pas beaucoup sur ce sujet en rapport avec l’économie solidaire, mais ce point résulte d’une réelle volonté exprimée au sein d’AlternMobil », révèle notre interviewé. Le contrat à durée déterminée d’insertion (CDDI) est proposé aux personnes au chômage qui rencontrent des difficultés sociales et/ou professionnelles particulières.

« C’est Pôle Emploi qui présente, par exemple, des inscrits de plus de 50 ans, handicapées ou au RSA, que nous engageons pour 24 mois en les accompagnant vers un emploi durable, soit chez nous, soit ailleurs », illustre le dirigeant de la SCIC. « Pendant ces 2 ans, ils peuvent par exemple passer un permis de conduire ou se former à un nouveau métier. Nous pouvons aménager les horaires de travail en conséquence », poursuit-il, citant le cas de l’un d’eux qui est devenu soudeur professionnel.

« En rejoignant AlternMobil, certains réapprennent à se lever tôt le matin et à bien se présenter sur son lieu de travail », complète Cyril Marcerou. En échange de cet accompagnement, l’entreprise reçoit une indemnisation.

Distributeur

Mia, Colibus, Diabline, Mooville… : AlternMobil a essuyé quelques plâtres avec des engins au parcours commercial compliqué ! Certains d’entre eux, comme la Mia, par exemple, étaient distribués par AlternMobil.

La disparition de quelques constructeurs a eu un impact financier important sur la petite structure. « Aujourd’hui, nous ne distribuons plus que les scooters électriques Artelec d’Eccity Motocycles », confirme Cyril Marcerou.

Messagerie

L’activité principale d’AlternMobil est sans aucun doute la sous-traitance en services de messagerie. La SCIC travaille pour DHL, Chronopost, GLS, Fedex, etc. « Au début, nous assurions la livraison de 10 colis par jour. Maintenant, ce sont plus de 2.500 paquets que nous distribuons sur le même temps », se réjouit Cyril Marcerou.

Un succès qu’il attribue à 2 facteurs principaux : « L’utilisation de véhicules discrets qui n’encombrent pas les rues ; la formation à la courtoisie de nos chauffeurs ». Sur ce dernier point, il insiste : « Nous faisons tout pour qu’au nom de la citoyenneté nos chauffeurs soient les plus courtois possibles ». Il cite en exemple « ces camions de livraison qui bloquent parfois une rue assez longtemps ». Avec des véhicules plus étroits, dont les biporteurs qui peuvent momentanément s’appuyer contre un mur, le problème peut être facilement gommé.

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Pour les clients d’AlternMobil, c’est à la fois une meilleure image gagnée par un comportement moins agressif, mais aussi la possibilité d’annoncer un bilan carbone très bas. « A Toulouse, 9 salariés en uniforme et 9 véhicules électriques personnalisés sont à la disposition de Chronopost », cite, en exemple, notre interviewé. Résolument bloqués au service d’une seule entreprise, ces engins particulièrement identifiables ? Non, comme l’indique le dirigeant d’AlternMobil : « Lorsque nous personnalisons un véhicule aux couleurs d’un de nos clients, c’est un support de communication que nous proposons ; rien dans les contrats qui nous lient à eux n’empêchent le co-chargement ou d’effectuer une tournée dont ils ne sont pas commanditaires ; dans ce cas, le chauffeur quitte son uniforme ».

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De VE en VE

En matière de messagerie et de livraison, l’ambition d’AlternMobil est de se positionner comme un acteur incontournable sur les derniers kilomètres. En pratique, le Goupil G5 fait la navette entre la plateforme excentrée et l’hôtel logistique au cœur de la ville. Les colis sont répartis selon les rues. L’engin le plus adapté pour les acheminer à leur destination finale est choisi en fonction des volumes et des charges à transporter. Si c’est à vélo, plusieurs rotations sont prévues dans la journée.

Levée de fonds

A horizon 3 ans, AlternMobil compte ouvrir dans une dizaines de villes supplémentaires, dont Bordeaux (33), Grenoble (38), Lille (59), Nantes (44), Paris (75) et Rennes (35).

Une levée de fonds est prévue par le biais d’une émission de titres participatifs. Pour disposer d’une plus large aisance de manœuvre, plusieurs pistes sont explorées, comme le crowdfunding via Wiseed, et un financement espéré de la part de la Caisse des dépôts et consignations et de la fondation Renault Mobiliz. Engie peut-être aussi. Des dossiers ont été déposés en ce sens, et restent en attente d’une réponse.

L’hydrogène au programme

AlternMobil compte ne négliger aucune piste pour aider à faire évoluer la mobilité dans le bon sens, surtout lorsque la Région l’y encourage. « L’alimentation avec de l’hydrogène via une pile à combustible est au programme, avec 2 projets de véhicules », dévoile Cyril Marcerou.

“Le premier, en relation avec Pragma Industries, serait de tester un prototype de triporteur à pile à combustible », confie-t-il. Associée à Ventec et Cycleurope, cette entreprise a été de celle qui ont poussé l’Alter Bike, un vélo à assistance électrique vendu sous la marque Gitane. L’engin cache sous sa selle une petite PAC alimentée en hydrogène grâce à de petites cartouches en plastique interchangeables en quelques secondes.

Via le programme HyPort, AlternMobil devrait valider la livraison de colis dans un rayon beaucoup plus large, de l’ordre de la centaine de kilomètres, avec un utilitaire H2. On pense immédiatement au Kangoo électrique à prolongateur d’autonomie de Symbio FCell, déjà finalisé. Autour de cette expérimentation, se profileraient d’autres utilisations possibles avec un véhicule de type voiture particulière, pour un service d’autopartage et/ou de navette. Avec quel modèle !? Doit-on regarder du côté de Séoul ? Réponse dans 3 ou 4 ans ! Quoi qu’il en soit, cette technologie permettrait à AlternMobil de remporter des marchés que, jusqu’ici, seule la motorisation diesel pouvaient prétendre satisfaire.

Energies renouvelables

Et Enercoop ! Est-ce que AlternMobil connaît ? « Oui, bien sûr, puisque la SCIC en est à la fois sociétaire et cliente », répond Cyril Marcerou. Pour rappel, Enercoop est une coopérative qui achète de l’énergie verte directement à des producteurs pour l’injecter dans le réseau, au moins à la hauteur de la consommation de ses adhérents.

Le bilan carbone de l’activité d’AlternMobil est donc particulièrement excellent. Voilà aussi ce qui fait son succès, transmettant sa démarche des plus vertueuses à sa clientèle qui peut s’en approprier le mérite. Et puisque la législation française autorise aujourd’hui à consommer l’électricité de ses propres panneaux photovoltaïques, le dirigeant de la SCIC envisage de s’appuyer sur cette possibilité pour produire son hydrogène, à l’heure de l’exploitation d’un parc à PAC.

Les 5 VE sélectionnés par notre interviewé

Lorsqu’on demande à Cyril Marcerou de nous citer les 5 véhicules électriques qu’il distinguerait, sa réponse ne se fait pas sous la forme d’un classement, mais d’une élection unique pour 5 usages très différents :

  • une Tesla pour les longues distances,
  • un Goupil pour sa maniabilité en livraison dans les centres-villes,
  • un Nissan e-NV200 pour livrer plus loin,
  • une Nissan Leaf pour un usage familial courant,
  • et toute la gamme des VTTAE pour les loisirs !

Peut-être que les choix du gérant d’AlternMobil évolueront avec une prochaine rencontre : celle avec un constructeur de véhicules électriques fournis en kit !

Automobile Propre et moi-même remercions vivement Cyril Marcerou pour son accueil particulièrement cordial et sympathique.