Dans le contexte d’un marché automobile mondial globalement déprimé ( recul de 12% des ventes en Chine, – 10,4% aux Pays-Bas, -2,3% aux USA, …) les ventes de voitures électriques enregistrent une évolution inverse un peu partout dans le monde puisqu’elles se sont envolées au cours du 1er trimestre 2019. En Chine elles représentent désormais plus de 5% des parts de marché et aux Pays-Bas, près de 8 %. Par contre les ventes de véhicules hybrides régressent.

Publiés récemment par le CAM (Center of Automotive Intelligence), les statistiques relatives aux ventes de véhicules électriques pendant le 1er semestre 2019 dans différents pays de la planète révèlent une nouvelle progression exponentielle de leur part de marché. La Chine reste le premier marché mondial pour les véhicules électriques. Au cours de la première moitié de l’année 2019, la demande y a progressé de 52%. Plus d’un demi-million de voitures électriques s’y sont vendues entre le 1er janvier et le 30 juin. En à peine un an, la part de marché des véhicules électrifiés a connu une croissance de 75 % dans l’Empire du Milieu, pour s’établir désormais au-delà de la barre des 5 %. En chiffres absolus, c’est encore peu, mais l’envolée exponentielle des ventes de véhicules électrifiés observée depuis plusieurs années préfigure la tendance prochaine. L’usine Tesla de Shanghaï devrait produire ses premiers Model 3 avant la fin de cette année. “Motivés” par les quotas de vente de voitures électriques, chaque année plus contraignants, qui leur sont imposés par le gouvernement, tous les autres grands constructeurs, chinois comme occidentaux, s’organisent pour répondre à une prochaine explosion de la demande chinoise de véhicules branchés.

Etats-Unis : les ventes de voitures électriques progressent de 20 %

Aux Etats-Unis, les ventes de voitures électriques ont encore fortement progressé au cours du dernier semestre, malgré le contexte réglementaire et législatif difficile. Le lobby du pétrole y exerce une forte influence sur l’administration Trump et sur les gouverneurs républicains. Ainsi, dans le Connecticut, par exemple, les ventes de Tesla ont été déclarées illégales sur base d’une ancienne loi qui réserve aux seuls concessionnaires le monopole de la vente d’automobiles. Or, comme on le sait, Tesla vend ses voitures en direct dans des « stores » ou « galleries » et sur internet. Au Wisconsin et dans d’autres Etats aussi, des groupes de pression ont réussi à faire interdire la vente des Tesla. Certains Etats américains comme l’Illinois frappent même les véhicules électriques d’une taxe supérieure à celle des voitures thermiques. De toutes part des pressions sont exercées pour réduire voire annuler les bonus accordés aux States à l’achat de véhicules électriques. Par contre l’administration Trump prépare l’abolition des normes d’émission des véhicules thermiques imposées par Obama.

Malgré tous ces freins, près de 150.000  voitures électriques se sont vendues aux USA sur le 1er semestre 2019. Cela représente une augmentation de 20 % par rapport à la même période de l’année dernière. Notons toutefois que plus de 40 % de ces ventes sont concentrées sur la Californie et les quelques autres Etats qui ont adopté le programme Zero Emission Vehicle. Celui-ci oblige les constructeurs automobiles à proposer des véhicules électriques à la vente. C’est pourquoi le groupe Fiat-Chrysler (FCA) ne commercialisait la Fiat 500 électrique que dans ces Etats.

Sur l’ensemble du territoire US, la part de marché du véhicule électrique reste encore légèrement inférieure à 2 %, mais les analystes et les experts pronostiquent ici aussi une envolée prochaine du véhicule électrique : d’ici 5 ans les ventes annuelles devraient dépasser le million d‘unités. Les constructeurs et les équipementiers s’y préparent déjà. Le coréen LG Chem, un des leaders mondiaux des cellules pour batteries qui exploite déjà une usine au Michigan annonce par exemple un investissement de 1,7 milliards de dollars dans une seconde usine américaine. Elle devrait fournir des cellules pour FCA, Volvo, Hyundai, GM et Volkswagen. Akasol, un autre grand fabricant de batteries, mais allemand celui-là, vient également de révéler son projet de construction d’une usine à Detroit « en réponse à une forte demande de modules de batteries de la part de constructeurs internationaux majeurs ».

Evolution des ventes de véhicules électriques entre 2018 et 2019

L’Allemagne a lancé son « Elektro-Offensive »

L’Allemagne est devenue cette année le 3e marché le plus important pour les véhicules électriques, évinçant la Norvège du podium. Dans un marché automobile globalement stagnant (+ 0,5 %), 48.000 véhicules électrifiés se sont vendus outre-Rhin entre le 1er janvier et le 30 juin, ce qui correspond à un bond impressionnant de 41 % par rapport à la même période de 2018. Mais si l’on ne compte que les véhicules purement électriques (à l’exception des hydrides donc) la progression des ventes allemandes est encore plus extraordinaire puisqu’elle atteint 80 %. En corollaire, les hybrides régressent de 1 %.

Longtemps à la traîne en matière d’électromobilité par rapport à des constructeurs comme Tesla, Renault ou Nissan, la puissante industrie automobile allemande semble avoir enfin compris que l’émergence prochaine du véhicule électrique menaçait sa suprématie et qu’elle ne pouvait plus ni la freiner, ni l’ignorer. Le groupe Volkswagen en tête, elle met à présent le « grand braquet » pour résorber son retard et lancer son « Elektro-Offensive ». En dégageant 40 milliards d’investissements pour l’électrique dans les 3 prochaines années, l’industrie allemande ambitionne même de devenir la nouvelle championne en la matière : elle annonce pas moins de 150 nouveaux modèles électriques d’ici 2023.

Conscients que le quasi-monopole asiatique dans la fabrication des cellules de batteries est le talon d’Achille de son industrie, le gouvernement allemand et plus particulièrement Peter Altmaier, ministre de l’industrie, se démène pour créer un « Airbus des batteries ». Au moins 3 projets de « gigafactory » sont en cours de développement en Allemagne. Celui que le groupe Volkswagen envisage en partenariat avec le suédois Northvolt devrait se construire à Salzgitter en Basse-Saxe pour une capacité de production initiale de 12 GWh. Celle-ci pourrait ensuite être portée à 30 GWh soit l’équivalent de la capacité planifiée pour l’usine de cellules exploitée au Nevada par Tesla et Panasonic. Quant à CATL, le géant chinois des cellules pour batteries, il a récemment dévoilé que la construction de sa future usine européenne sera lancée dès cet automne à Erfurt en Thuringe. Elle devait initialement avoir une capacité de production annuelle de 14 gigawattheures. Mais comme les constructeurs européens revoient presque tous leurs objectifs de production de véhicules électriques à la hausse, CATL modifie à son tour ses plans et annonce que l’entreprise injectera 1,8 milliards d’euros dans cette usine. Soit près de 8 fois plus que le montant initialement prévu. Si ce plan se concrétise, l’usine européenne de CATL, une fois construite, devrait avoir une capacité de production supérieure à celle de l’ensemble des usines actuelles de cellules dans le monde.

Nous ne reviendrons pas en détail sur les statistiques françaises puisqu’elles ont déjà fait l’objet d’articles sur le site. En résumé, la voiture électrique passe en France le cap des 21.000 immatriculations depuis le début de l’année et progresse de 46 % par rapport au premier semestre 2018. Les hybrides, par contre, sont en recul de 7 %. En un an la part de marché des véhicules électrifiés est passée en France de 1,8 à 2,1 %. C’est une progression  assez décevante quand on constate que les français sont moins « électrophiles » que les Allemands mais aussi qu’ils se situent derrière des pays aussi inattendus que l’Autriche, le Portugal ou l’Islande.

Les champions : Norvège et Pays-Bas

En termes de parts de marché, la Norvège reste évidemment et de loin la grande championne de l’électromobilité. Avec 44.000 VE vendus au cours du 1er semestre de cette année, elle enregistre une nouvelle progression des ventes de 22 %. Ceci porte désormais la part de marché des véhicules électriques à 56 %. C’est plus qu’au 1er semestre 2018 (46,6 %) mais légèrement moins qu’au 2e semestre 2018 (61 %). La Norvège est toujours le seul pays au monde où les véhicules électrifiés se vendent mieux que toutes les autres motorisations confondues.

Mais d’autres ont emprunté la même voie et tous les regards se tournent à présent vers les Pays-Bas. Une progression fantastique de 117 % du nombre de véhicules 100 % électriques vendus au cours du semestre y est enregistrée alors même que les ventes globales de voitures y ont chuté de plus de 10 %. Ceci porte désormais à presque 8 % la part de marché des électriques chez nos voisins du Nord … et même à presque 9 % si l’on y ajoute les hybrides.

Les 5 modèles électriques les plus vendus y sont dans l’ordre :

Tesla Model 36063
Hyundai Kona électrique2363
Kia e-Niro1789
Volkswagen e-Golf1670
Nissan Leaf1538

Ces performances de la Norvège et des Pays-Bas sont la preuve qu’une volonté politique clairement affichée permettra d’atteindre sans problème les objectifs que les 2 pays se sont assignés en matière de limitation des émissions de CO2 dans les transports. La Norvège a décidé d’interdire la vente de véhicules thermiques dès 2025. Aux Pays-Bas ce sera en 2030 et les deux pays accompagnent ces objectifs des mesures qui les rendront possibles. Un seul exemple : avec plus de 41.000 bornes de recharge publiques sur leur petit territoire, les électromobilistes néerlandais disposent d’environ 25 % de tous les points de charge installés en Europe. Et lorsqu’un futur propriétaire d’une voiture électrique ne dispose pas d’une place de parking privée pour y placer une borne, il peut demander à sa commune d’en installer une sur la voie publique à proximité immédiate de son domicile.

Parts de marché des véhicules électriques

Perspectives

A la lecture de toutes ces statistiques, on peut se demander quels sont les motifs qui ont provoqué l’envol des ventes de véhicules électriques ces derniers mois. La plupart des experts et des analystes s’accordent sur une raison majeure : l’accroissement important du nombre de modèles commercialisés par les constructeurs mais aussi de leur autonomie. Il y deux ans, l’offre était en effet encore fort clairsemée et les autonomies restreintes. Mais depuis lors les sorties de nouveaux modèles dotés d’autonomies supérieures à 300 km se sont multipliées. De ce point de vue on ne peut qu’envisager une progression mondiale prochaine encore plus importante du véhicule électrique. Il suffit en effet de parcourir les pages d’Automobile-propre pour se rendre compte du nombre de nouveaux modèles en préparation chez les constructeurs. Aux marques traditionnelles désormais engagées dans la course à l’électrification, il importe d’ajouter les nombreuses start-ups qui fourbissent leurs armes et se préparent, à l’instar de Sono Motors, e.Go Mobile, Microlino, Uniti ou Dyson à se lancer sur les traces de Tesla pour concurrencer les constructeurs établis. J’en ai compté plus d’une trentaine.

Assisterons-nous dans quelques temps à une véritable « explosion » des ventes de voitures électriques. Personnellement j’en suis convaincu … et je ne suis pas le seul.

Quel avenir pour les hybrides ?

L’étude du CAM met en exergue une autre constatation qui vaut la peine d’être analysée : si les ventes de voitures 100 % électriques progressent un peu partout, celles des hybrides rechargeables régressent généralement aux quatre coins de la planète. C’est le cas certainement dans les principaux marchés que sont la Chine, les Etats-Unis, la Norvège, l’Allemagne, les Pays-Bas et la France.

En y réfléchissant, cette tendance est très compréhensible. Le seul avantage des véhicules hybrides est en effet leur autonomie plus élevée que celle des pures électriques. Pour le reste, leurs deux motorisations et leurs deux « réservoirs » n’occasionnent que des désavantages. Plus chères, plus lourdes et donc plus énergivores, leur motorisation thermique les empêche de profiter de certains bénéfices importants des pures électriques : les entretiens et les risques de pannes fortement réduits et la durée de vie significativement plus longue.

A l’heure où l’autonomie des voitures électriques actuellement commercialisées ne constitue plus un handicap pour la toute grande majorité des trajets quotidiens, quel est alors encore l’intérêt de la voiture hybride ? A-t-elle un avenir ?

Qu’en pensez-vous ?